Samedi, 15h22, Autoroute A40, Col de Ceignes, altitude 646 m. J’ai froid, j’ai mal au dos, ma moustache me gratte, le déluge de pluie est en train de se transformer en neige qui tient sur le bas-côté de la route, le casque anti-bruit me fait mal à l’oreille gauche, mais qu’est-ce que je fais ici ?!
Pour comprendre, il suffit de remonter 45h en arrière, quand j’étais de l’autre côté de l’autoroute, dans le sens inverse, le bon donc, soleil dans le nez pour rejoindre mes 3 acolytes débiles de copains qui étaient en train de ralier eux aussi Lurcy Levis, depuis des contrées aussi diverses et variées que la Normandie, la ville Roôose ou le Pays de Galles. Jeudi soir j’arrive donc à notre lieu de repos assez tardivement, pourtant l’activité sur place est encore assez soutenue. Pendant qu’une partie de la grande tablée savoure la fin du repas de Camille et Albert, une autre partie du groupe hésite entre la poire et la pizza, ou plutôt la voiture de livraison. La 530i E34 est en effet en train de faire recouvrir de larges bandes rouges, blanches et vertes du plus bel effet, le résultat est visible sur la p’tite E30 qui s’abrite sous la grange. Du coté de la DRiFTKKTeaM, chacun teste le baquet pour essayer d’imaginer à quoi va ressembler la journée de demain. Et oui demain sera une longue et lente descente aux enfers : HeLL nous voilà, ça n’a jamais été aussi proche !
Le jour de la course
Après une courte nuit de sommeil peu réparateur, nous voilà au p’tit déj en train de chercher le thermos de café qui ne contient pas de laxatif. Albert apprécie notre effort vestimentaire pendant que les autres hôtes arrivent eux aussi avec des petits yeux, nul doute que la journée va être longue ! Un petit contrôle des niveaux avant de démarrer la voiture, et hop direction le circuit de Lurcy Levis, dans la grisaille ambiante et sous ce ciel très chargé. Le paddock du circuit nous permet de découvrir les engins de nos concurrents du jour, beaucoup de BéHèMeS, quelques françaises avec une ZX et une 309 méchamment préparées, une R11 méchamment non préparée, Jean Claude Convenant et sa Xantia Activa déséquipée du pare-buffle, plusieurs MX-5 à différents stades de rouille, une Rover, 2 Volvo très fun, une Golf VR6 toute noire et l’Aérodeck du chef. Une nouvelle fois, notre élégance naturelle est appréciée, et très en rapport avec notre navire du jour, une Jaguar X300 3,2 de 1996 à l’intérieur complètement vidée. Le briefing rapide nous laisse en confiance, le départ est imminent, d’un côté l’agence Touristes en MX-5 nous fait peur avec un Barracuda plus vrai que nature, de l’autre des Lapins roses s’installent dans une E28 et des danseurs disco dans une E34, tout va bien !
Après un rapide point stratégie de course, il est décidé de faire 4 premiers relais cool d’un quart d’heure afin que chacun puisse conduire la voiture sur circuit au moins une fois, imaginez la frustration de ne pouvoir goûter à l’ivresse de la vitesse avec la grosse lady monoplace ! Vous pouvez aussi deviner le niveau de confiance que l’on a dans la voiture, est-ce la boite, le pont ou les freins qui lâcheront en premier ? Parce qu’avouons-le, même si c’est classe de débarquer sur circuit en Jag, pour un roulage endurance de 10h, le choix ne semble pas des plus judicieux !
C’est donc moi qui prend la piste en premier, je verrouille la boite auto sur la position 3, elle passera donc tous les rapports sauf la 4, dans l’espoir de nous donner un peu de frein moteur pour le bout de ligne droite plutôt que de passer la 4 au lever de pied… Premier tour vraiment lent pour sentir « le truc », je me demande si je vais vomir au premier ou au deuxième tour tant le roulis est important, mais en haussant un peu le rythme le comportement semble moins pénichesque. La grande ligne droite s’avale assez vite, le compte tour approche la zone rouge pour taquiner les 165 km/h, certains semblent surpris de voir la grosse lady les dépasser avec tant d’aisance. Evidemment dans le serré on la sent un peu moins à l’aise, mais elle se défend plutôt bien sous les hurlements du pneus AVG qui accuse un peu le poids, le tour est avalé en restant en 3 en profitant du couple, bonne surprise. Les freins sont assez peu sollicités, le plus gros freinage se trouve juste avant l’épingle après le passage devant l’entrée des stands, elle freine fort et droit, seconde bonne surprise ! Juste le temps de prendre ses marques que le talkie retenti, signe que le quart d’heure est écoulé et qu’il est temps de rentrer ! Fin du tour tranquille pour ne pas donner une voiture bouillante au suivant, me voilà au stand. « En fait elle marche bien, en 3 ça le fait » voilà les seules consignes laissées pour le second relais pendant que j’aide Tonioo à accrocher son harnais alors que Gamin et Kara font un contrôle de routine des niveaux, oui oui on est confiant je vous disais ! La voiture est à nouveau en piste pour un quart d’heure, le temps de discuter avec les 2 frangins tout en regardant le paquebot se dandiner en piste. Tonioo semble prendre ses marques également, les pneus commencent à faire du bruit et vu de dehors elle se déhanche bien. Sauf qu’après quelques passages on semble apercevoir de la fumée s’échapper du dessous de la voiture, difficile à cerner dans un premier temps, on la localise plus précisément juste derrière le passage de roue AVD, étrange, un filet de fumée épais s’échappe lorsque la voiture est en appui, plutôt au lever de pied. Le talkie sonne la fin du second quart d’heure, pendant que Gamin s’installe au volant on scrute les dessous de la voiture, rien ne semble plus gras qu’au départ, le pneu AVD n’est pas marqué d’un quelconque frottage qui pourrait être à l’origine de la fumée, tous les niveaux sont bons même si a du mal à trouver une trace d’huile sur la jauge de boite auto.
C’est reparti, Gamin est probablement celui d’entre nous qui a le moins conduit la voiture jusqu’à présent, mais c’est surtout le tracé du circuit qu’il découvre aujourd’hui, extérieurement le rythme augmente de tour en tour, c’est bon ! La concurrence commence ses premiers relais, un changement de plaquettes AV sur la R11 aussi, le paddock s’anime doucement. La grosse Lady fait un peu de Drag Race dans la ligne avec les 530i et la 540i, généralement au second essai elle passe devant, c’est amusant à regarder ! Coté fumée vers la roue AVD, plus rien, plus d’alerte, on retrouve le sourire puisqu’il ne reste plus qu’à prendre le volant pour Kara et le premier objectif sera atteint, mais ne vendons pas la peau du félin avant de l’avoir tué ! C’est déjà le 3ème changement de pilote pour nous alors que certains ne sont pas encore arrêté, Gamin descend, il a le sourire et ses premiers mots sont « c’est génial ! ». Pas besoin de lui demander s’il a aimé, ça se lit sur son visage. Le quart d’heure de Kara semble passer super vite, je vais chercher mon casque, ça va être à mon tour de reprendre le volant, cool j’ai hâte ! Le talkie retentis, j’ai le casque sur la tête, la Jag arrive, Tonioo se jette sous le capot pour faire les niveaux et rapidement me voilà à nouveau dans le baquet harnaché avec Kara qui me dit qu’elle marche super bien, rassurant.
40 minutes sur 10 heures
Ayant chacun roulé on a décidé de prolonger un peu les relais, 20 min, et à la prochaine série ce sera 30, on reste prudent quand même… Le trafic s’est étiré mais le plus surprenant est que la même auto peut avoir un comportement tout à fait différent puisque ce n’est pas forcément le même pilote derrière le volant. Je scrute le rétro lors des gros appuis pour essayer de voir une trace de fumée, mais rien, ça doit être bon ! Je remonte un groupe de 3 voitures qui roulent ensemble, la ligne me permet de les rattraper, merci le 3,2 litres, j’hésite mais finalement la porte s’ouvre à l’extérieur de la parabolique, tiens l’herbe à l’extérieur a l’air humide, on va éviter d’être le premier à faire sortir le drapeau rouge, c’est bon ça passe et voilà la piste à nouveau libre. Le tour suivant la MX-5 des pompiers me rattrape, le gyro est allumé je les laisse donc passer sans même attendre un coup de sirène, ils ont des vies à sauver ! Dans le sinueux le poids de la Lady n’est pas un avantage, c’est certain, mais elle se défend honorablement puisque le gyro bleu ne me distance pas tant que ça. Ah ce n’est pas la sirène mais le talkie qui me signale que mon relais arrive à sa fin. Tonioo saute dans l’auto, je l’accroche mais je vois Gamin penché sous l’avant droit, et oui la fumée mystère a fait sa réapparition. Tonioo roule fort, il suit le rythme et dépasse des autos, qui aurait cru que notre Jag puisse être à la fête ici ? Pas nous ça c’est sûr, ni même nos camarades qui ne donnait pas cher de notre peau. Allez nouveau changement de pilote et nouvelle recherche de fuite par contrôle de niveaux, tout est OK, pourtant si ça fume c’est bien quelque chose qui doit se consommer, fuir, ou perdre ? Gamin enchaîne, la moustache luisante sur son casque pendant que Tonioo cherche de l’eau, il est essoufflé par sa session. Verdict dans la poche, 1’32” c’est pas si mal ! Les pneus ne chauffent pas plus que la voiture, on commencerait presque à y croire. Les relais s’enchaînent jusqu’à ce qu’une nouvelle invitée arrive… Et oui le ciel était gris et menaçant depuis la matin, les prévisions l’annonçait pour 10h00, c’est finalement vers 11h30 que la pluie fait son apparition.
Le rythme chute à vue d’œil en piste, quelques figures de style improvisées et le talkie qui sonne à nouveau, à moi de prendre la suite. Kara me glisse dans l’oreille que ça glisse en piste, mais l’essuie-glace fonctionne bien, contrairement aux clignotant qui nous ont lâchés il y a peu. Le témoin d’essence qui s’était allumé lors des derniers tours de Kara s’éteint avant que je reparte, mais on prend la décision d’aller faire le plein même si c’est un peu tôt. Je file à la station, une Xantia grise ravitaille devant moi, le pompiste qui n’est autre que le conducteur est casqué mais ça ne semble pas choquer la Lurcyquoise à l’autre pompe. Clac clac, tout juste 60 litres, il nous en restait encore au moins 20, mais bon mieux vaut refiouler trop tot que trop tard ! Je reviens à l’entrée du paddock, 9 min pour faire le plein, il me reste donc 1 min à patienter avant de reprendre la piste après les 10 minutes minimales imposées. C’est parti, premier virage ça souvire, deuxième virage ça souvire encore plus, ah oui c’est mouillé et ça glisse, 3ème virage ça souvire vraiment beaucoup, on sent le poids de l’engin, entrée de l’escargot sur les freins, l’arrière s’allège, oup’s ça a l’air dynamique comme comportement !! Quelques tours à chercher le grip et à comprendre comment ça marche , le rythme s’accélère et je dépasse de plus en plus de voitures qui doivent être dans le même cas que moi quelques tours plus tôt. En exagérant un peu l’arrière devient franchement joueur, ça réchauffe les bras ! Fin du relais de 30 min, l’escargot se passe dans sa totalité en butée de contrebraquage, un régal !! De retour aux stands, bonne nouvelle avec la pluie il n’y a plus de fumée suspecte, à moins que tout simplement on ne la voit plus… Je précise à Tonioo qu’on a vraiment pas de train avant et lui propose de faire qq tours pour sentir et revenir pour baisser la pression si besoin. 2 tours plus tard le talkie confirme qu’avec un peu moins de pression ce serait p’tre mieux. 2.0 bars au lieu de 2.3, on verra ce que ça donne. Tonioo prend ses marques dans l’escargot également. Il apprécie tout particulièrement le gauche avant l’épingle, vu de l’extérieur c’est joli à voir même si les mouvements de caisse donne l’impression que la Lady est sévèrement mal menée…
Drifting félin
Gamin a hâte d’essayer, ça tombe bien c’est à lui. Tonioo s’extirpe de la voiture, la banane et le front en sueur, encore plus de plaisir que sur le sec !! On continue à chercher les abris pour se protéger de la pluie, l’Agence Touristes nous précise au même moment que c’est l’heure de manger ! Au fond du paddock, vue sur la parabolique du bout de ligne droite on se restaure, merci les gars ça fait du bien ! On constate que Gamin tente directement le level 2 avec des grandes glissades dans la seconde partie de la parabolique, cochon ! Kara file prendre le volant avant les biscuits dans la crème Mont Blanc. Avec tous les changements de pilotes, les arrêts des uns et des autres, aucune idée d’avoir une quelconque idée du classement. Pas grave on est pas venu là pour ça, le ventre plein et la rigolade avec les copains permet d’oublier un peu la pluie, jusqu’à ce qu’on se retrouve à nouveau en piste. Pas de doute la piste est mouillée, l’huile laissée par la casse moteur de la 309 n’arrange rien : au lever de pied le cul de la Jag perd toute sorte de grip ! C’est pas plus mal car le train avant n’en ayant pas plus ça permet de tourner. Ayant vu faire Gamin et Kara dans la parabolique, j’essaye. Premier passage timide, second à l’intérieur dans l’herbe, mais dès le troisième ça passe, c’est presque facile, lever pied, on vise la corde et on remet gaz pour entretenir : excellent !! Déclenché un peu plus tôt et entretenu un peu plus longtemps à chaque tour, c’est ultra rigolo, une nouvelle fois la Jag nous surprend en bien, en super bien même. Quelques tours derrière la 325 grise permet de faire un duo de glisse, elle est tout de même plus à l’aise, la suspension made in Coventry n’est pas faite pour ça !
18h27, il reste 3 min de course, tout le monde se masse au bord de piste pour voir ces quelques dernières minutes de roulage, la pluie redouble comme pour finir de nous rincer. La Jaguar semble particulièrement lente dans la ligne droite, Kara serait-il en train de se faire infuser un Earl Grey pour savourer les quelques derniers tours ? Le talkie retentis, on a du mal à comprendre, puisque nous sommes au moins 3 équipages sur la même fréquence, mais Kara nous dit que la voiture a du mal à prendre des tours et coupe… Après une rapide réflexion à base de joint de coffre manquant, on lui dit de continuer pour les 2 min restantes. A peine le temps de se poser des questions que le drapeau à damiers s’agite, la joie est palpable sur les visages un peu partout, moins chez nous dans l’attente du retour de la bête blessée. De retour, moteur et contact coupé, le feux ARD ainsi que la veilleuse restent allumés, à grand mal grand remède, sans ampoule on y voit plus rien. Quelques tranches de pain de mie et marmelade, tasses de thé et congratulations diverses, le breifing de fin de journée nous invite à retourner au gite. Miracle, la voiture est réparée et roule parfaitement à nouveau, on a beau dire, Lucas est définitivement le prince des Ténèbres ! La soirée avec l’Agence Touristes nous permettra de finir la journée avec le sourire et le ventre plein, merci les gars ! Et, après une courte nuit de sommeil, il est temps de rentrer à la maison, en Jag bien sûr… La pluie au départ fine s’intensifie dès Moulins passé, la visibilité est limitée mais les kilomètres passent et la grande Lady me ramènera à la maison en fin d’après-midi, fatigué mais content !
La voiture
Cette aventure vous a donné envie de faire pareil ? Rien de bien compliquer pour vous monter une Jaguar de course ! La nôtre a été achetée sur eBay UK pour 700£ (oui acheter une X300 en UK c’est un peu comme acheter une 405 break en France), 4 pneus neufs et vidanges de tous les fluides plus tard, elle était prête à traverser la France pour rejoindre la Haute-Savoie et se faire alléger. Vidage sauvage mais propre, installation d’un baquet et la belle s’est retrouvée allégée de 225 kg sur la balance, appréciable sur 1725 kg de base. Un conseil néanmoins, conservez les joints de portes et les joints de coffre, l’eau s’infiltre partout quand vous les enlevez et les boitiers électroniques se retrouvent rapidement dans des piscines naturelles. Faible gain de poids pour gros gain de galère, méa coulpa les copains pour cet élan de Light is Right qui aurait pu nous causer plus de problème.
Et les résultats ?
D’un point de vue purement sportif, nous sommes en milieu de classement avec le nombre de kilomètres parcourus : 713 km, soit autant de tours que la R11 Turbo, presque autant que la Rover 216, à peine plus que la E28 et à peine moins que 2 des MX-5 NA mais carrément moins que les marathoniennes Activa ou une des E30 avec 819 km ! Mais le classement ne se cantonne pas au nombre de tours réalisés, un savant barème de point additionnels basés sur la stupidité du choix de la monture, le prix d’achat, le thème en rapport choisi par l’équipage et l’effort de déguisement, permet de rajouter un score d’élégance au chiffre de fiabilité et donner le classement ci-dessous :
Et oui comme vous pouvez le constater, notre équipe Drift KK Team se hisse sur la plus haute marche du podium !
Crédit photos @ Ambroise BROSSELIN
Carrément, même en spectateur !
Ça donne carrément envie oui ! Plus qu’à en parler aux copains pour 2020 ! 🙂