C’est devenu un rendez-vous, voici le journal de bord du Tour Auto de Jean-Pierre Lajournade, que nous avons pu interviewé avant son départ pour le Tour de Corse Historique. Retour sur cette édition 2020 du Tour Auto aussi particulière (crise sanitaire) que relevée (écarts très serrés à l’arrivée).
AutomotivPress : 1ere journée, 1ere ES, 1er circuit à Montlhéry, comment abordes tu ce début du tour auto 2020 ?
Jean-Pierre Lajournade : “Je suis confiant mais pas euphorique. Ceci étant dit, le départ donné, je connais la partie circuit routier pour l’avoir fait en 2009 et 2011 et je connais le circuit sur l’anneau de vitesse pour y avoir roulé souvent dans le passé. Tout se passe bien, le circuit routier est sec, on a un peu le soleil dans les yeux sur la partie qui rejoint la partie du circuit qui rejoint l’anneau de vitesse. Je cherche un peu mon chemin à la chicane Nord qui est juste au début de l’anneau de vitesse. Les résultats tombent très vite sur nos téléphones : Favaro/Nicolet (Type E N°201) meilleur temps, Lynn/Medclaf (AC Cobra N° 207) 2ème temps à 1 seconde, Jousset/Miolotis (AC Cobra N° 205) 3ème temps à 2 secondes et Lajournade/Bouchet 4ème temps à 5 secondes. Les deux Porsche 906 de Rocher/Penillard et John of Be/Sibel sont à 7 secondes. Nous sommes bien mais pas devant. Déjà Kohler/Laboisne (AC Cobra N°212) sont 7ème à 12 secondes et Caron/Manien (AC Cobra N°204) sont 11eme à 18 secondes. Ces deux AC Cobra sont anormalement distancées. Nous ne sommes qu’au début mais c’est déjà une prise de température mais surtout le classement de cette première ES conditionne la grille de départ de la prochaine ES sur le circuit de Magny Cours. En ayant fait le 4eme résultat je partirai en deuxième ligne alors que Caron sera en 6eme ligne. Finalement, nous sommes satisfaits bien que le meilleur temps aurait été mieux.”
AP : Rendez-vous à Magny-Cours pour la seconde ES, il y a de la revanche dans l’air ?
JPL : “Comme ce sont les temps de Monthléry qui dictent la grille de départ, Favaro est pole position, l’Anglais Lynn (AC Cobra) à ses côtés, en deuxième ligne à la corde Jousset et moi en deuxième ligne extérieur. Derrière moi en troisième ligne, j’ai les deux prototypes Porsche 906, en quatrième ligne, Damien Kohler et Falcon (Type E). Je vais devoir me méfier des deux Porsche 906 qui vont nous dépasser comme des avions. Nous sommes huit dans un mouchoir de poche au niveau des chronos de Montlhéry et ça va être chaud. Après un tour derrière le Pace-car, le départ lancé est donné pour huit tours. Les deux Porsche 906 sautent tout le monde et s’échappent, ce qui était prévu, mais derrière c’est une bataille de ‘’chiffonniers’’. C’est surtout Jousset qui perturbe la course en continuant à zigzaguer comme il l’a fait aux essais. Inutile de prendre de risques avec Favaro nous sommes coincés derrière. Vers le troisième tour, je vois dans mon rétroviseur Caron revenir comme un avion. Vu son 11ème temps à Monthléry il veut remettre ‘’les pendules à l’heure’’. Je choisis de ne pas résister et je le laisse passer. Il passe en force Jousset et je me dis que ça ne va durer. Ma vision est juste car un demi-tour plus tard, au dernier virage avant le pif paf des stands, je vois Caron se mettre en travers et amorcer un tête à queue, Jousset juste derrière, ne l’évite pas, les deux autos se percutent pour ainsi dire face à face. Les voilà les deux au carreau, Jousset, train avant ouvert, voiture immobilisée sur le côté de la piste (abandon définitif), Caron, aile enfoncée, radiateur d’eau percé [il pourra réparer].”
“La course continue et petit à petit je remonte sur Favaro, je sens que je suis un peu plus vite que lui et il a la pression. Dans le gauche, appelé 180°, qui est très serré, je le vois dériver vers l’extérieur du virage avec les roues bloquées, j’en profite pour saisir l’occasion et le passer à l’intérieur, je ne le reverrai plus dans mon rétroviseur. A l’arrivée je suis quatrième. Une des deux Porsche 906 (John Of Be) gagne et colle 19 secondes à Lynn, 27 secondes à Kohler et pour moi la punition est de 38 secondes. Quand à Favaro sa dérive lui coûte les 12 secondes que je lui reprends. La deuxième Porsche 906 de Rocher perd 1 mn 06, il a du avoir des soucis. Autant dire que ce qui était prévu se confirme, à savoir que les Porsche 906, sans ennuis, sont condamnées à gagner.”
AP : 3ème ES et à nouveau un circuit, celui de Charade que tu connais bien ?
JPL : “Charade est mon circuit préféré, ça monte, ça descend, c’est très technique et demande un pilotage réfléchi car l’erreur coûte cher en chrono et comme il s’agit d’un vieux circuit, il n’y a pas trop d’échappatoire et les murs sont très proches. Contrairement à l’an dernier, le temps est magnifique. La grille de départ est faite suivant le résultat de la course de Magny Cours. Le départ est donné, comme prévu John Of Be s’échappe, Lynn et Kholer se livrent bataille. Dans le dernier tour je vois Caron dans mon rétroviseur, il revient du fond de la grille puisque parti dernier, vu son abandon à Magny Cours. Vu qu’il n’est plus dangereux au classement final je le laisse passer car je veux éviter qu’il m’accroche et me mette dehors. Je ne vois plus Favaro dans mes rétros, ce qui veut dire que, soit il a un souci, soit il ne peut me suivre. A l’arrivée, John Of Be nous met à tous une punition : 23 secondes à Lynn, 24 secondes à Kohler, 31 secondes à Caron et à moi quatrième 32 secondes. Une des deux Porsche 906, celle de Rocher, tombe en panne sur le circuit. C’est fini pour lui , une 906 de moins c’est ça de gagné. Finalement l’opération n’est pas mauvaise car Lynn et Kohler m’ont pris 8 secondes mais surtout je distance Favaro, qui finit 5ème, de 24 secondes (Favaro me dira au parc de regroupement qu’il ne pouvait pas suivre). L’équipe est contente et surtout je me suis régalé, j’ai soigné mon pilotage qui est tout particulier sur ce tracé. Confirmation, j’aime bien Charade et il me le rend bien.”
AP : A Riom Es Montagne, pour la 4ème ES « Les Puits » c’est une déconvenue ?
JPL : “C’est très sinueux, en montée et puis ça se termine en descente. Tout se passe bien, aucun problème et à l’arrivée nous avons l’impression d’avoir roulé vite et pas de fautes. Nous attendons le résultat avec un gros espoir… et bien ce sera une grosse déception. Nous sommes 6eme. Caron fait le meilleur temps en collant 17 secondes à Lynn, 18 secondes à Favaro. Quand à nous, nous sommes à 24 secondes soit 6 secondes de Favaro mais nous nous faisons passer devant par Penlae en Porsche 2L et Berchon en Austin Healey. John of Be est à 11 secondes derrière nous ainsi que Kohler à 5 secondes. Revenons à la performance, il se passe quelque chose, nous avons l’impression d’aller vite, la voiture marche bien, je trouve qu’elle saute beaucoup sur le mauvais revêtement et je pense que les amortisseurs se bloquent. Autre cause, le pont trop long, j’ai bien senti que sur les circuits en sortie de virage serré j’étais moins bien que mes concurrents et que c’était mou à l’accélération. Ce n’est une supposition.”
AP : La 5ème ES au Pays de Saint Yrieux confirme tes doutes ?
JPL : “C’est très sinueux avec des changements de direction très fréquents et des routes très étroites. Dans un sous bois on emprunte ce qui ne peut pas être une départementale mais un chemin communal. Il y a même un sillon d’herbe au centre de la route, c’est pour vous dire. Heureusement il fait beau. J’imagine mal si nous avions de la pluie. L’ES se passe sans souci et à l’arrivée, la punition est la même, voire pire. Nous sommes 7eme. Favaro fait le meilleur temps, il nous met 16 secondes, Caron est à 3 secondes de lui, Berchon et Penlae sont de nouveau devant nous mais surtout Delachaux/Peter qui sont en Type E et qui habituellement sont loin derrière, font le même temps que nous. Nous ne savons que faire car le souci n’est pas clairement identifié. Nous ne sommes qu’au deuxième jour, nous avons fait 5 ES, il en reste 8 à faire. Nous sommes 4eme au classement général à 45 secondes. Favaro est 5eme à 9 secondes derrière nous. Le hic c’est que le lendemain il y a trois ES sur route et pas un seul circuit. Comme Favaro nous a pris 6 secondes dans l’ES 4 et 16 secondes dans l’ES 5, il est certain qu’il va nous passer devant. Nous ne sommes plus que 5 en course pour la victoire finale, le sixième est distancé : 1 John of Be/Sibel, 2 Lynn/Medcalf à 6 secondes, 3 Kohler/Laboisne à 29 secondes, nous 4ème à 45 secondes, 5 Favaro/Nicolet à 54 secondes et 6 Bussolini/Bussolini (Porsche 904) à 3 minutes 10.”
AP : Tu compenses la « longueur du pont » en modifiant ton pilotage ?
JPL : “La 3ème journée ne s’annonce pas bonne. Avec 3 ES sur route et pas de circuit, nous allons prendre des secondes en masse et ce soir nous serons 5eme. Je réfléchis à ce pont trop long et je vérifie l’étalonnage des vitesses pendant le parcours de liaison. Aux vues des vitesses que je viens de relever suivant les régimes moteur et rapports de vitesse, je me dis que je vais tenter de changer ma façon d’utiliser la boite de vitesses sur les épreuves routières. Pour l’ES 6 de Bessac-Troche, ça démarre par une ligne droite et une sacrée épingle face aux grilles d’un château et ensuite ce ne sont que des petits chemins cabossés avec des changements de direction. J’applique ma tactique et dans la tête il faut que je me force à transformer ces rapports de boite de vitesses. Et d’un coup, nous arrivons dans une épingle droite dans un changement de direction, c’est bien signalé mais je n’interprète pas ça comme une épingle mais comme une équerre. Trop vite, freinage trop tard, gravillons parterre, ça glisse je vais tout droit et je ne peux pas prendre l’épingle. Heureusement je ne sors pas de la route. Nous finissons l’ES en s’attendant au pire… mais surprise on a le 3eme temps, Favaro meilleur temps nous met 7 secondes, Penlae fait le deuxième temps à 4 secondes, Kohler est dans la même seconde que nous, John Of Be est 27 secondes, Lynn n’est pas à l’arrivée, certains l’ont vu arrêté dans l’ES. En fait il est en panne, victime de sa pompe à eau. C’est l’abandon pour lui et donc de 5 nous passons à quatre en lice pour la victoire.”
“Pour l’ES 7 de Saint Cere, nous sommes avertis qu’en haut de la longue montée devant nous, au km 4 , il y a un changement de direction avec un rond point au milieu et qu’il faut le contourner vers la droite. On arrive au rond-point, peint en orange. Nous attaquons la descente, c’est étroit, très sinueux et il y a des graviers partout. Ce n’est pas rassurant car ça glisse. C’est une spécialité des Rallyes, la DDE vient boucher les trous sur les routes avec du goudron, ils mettent du gravier dessus et nous on arrive là dessus et on arrache tout. On a le 2ème temps et Favaro fait de nouveau le temps scratch. Nous sommes à 5 secondes ! C’est confirmé, j’ai bien mis le doigt sur le problème et le pont est trop long. Kohler s’est fait un tout droit au rond point et du coup il est à 21 secondes, John Of Be par contre est à 9 secondes.”
AP : Tu remontes au général, ta stratégie paye ?
JPL : “En attendant l’ouverture de l’ES 8 du Côtes du Tarn, on est assis sur le bord de la route et l’ambiance est bonne. Avec Favaro on échange et il me demande ce qui m’arrive pour faire ces temps, je lui explique mon souci de pont trop long. Lui se plaint que sa voiture ne veut parfois pas tourner comme il veut et qu’il fait parfois du frein pied gauche. C’est la technique karting, tous les jeunes font ça puisqu’ils n’ont plus de pédale d’embrayage mais avec une Type E c’est du jamais vu. Dès lors, en plaisantant je le traite de ‘’singe’’. Le garçon est cool, de plus il pourrait être mon fils et donc ses rapports envers moi sont toujours très attentionnés et respectueux. Départ donné, tout va bien, nous ne sommes pas trop en campagne, on a deux ronds points à passer, la route est bordée de petits trottoirs. Il y a une partie en ville avec un radar qui indique la vitesse. Favaro nous dira le soir à l’étape qu’il a vu 167 km/h s’afficher. Nous, on n’a rien vu mais on ne devait pas être loin car j’ai senti que ça allait vite. L’ES se termine et les temps tombent. Nous faisons le deuxième temps à 5 secondes de Favaro, Caron est dans la même seconde que nous, Kohler est à 9 secondes et John Of Be est à 21 secondes. De toute évidence sa Porsche n’est pas faite pour les ES sur route mais il va tellement vite sur piste. C’est l’heure du bilan. Alors que nous devions être quatrième, voir cinquième, voilà que nous sortons du trou : 1 Favaro/Nicolet, 2 John of Be/ Sibel à 3 secondes, 3 nous à 8 secondes, 4 Kohler/Laboisne à 12 secondes et 5 Berchon/Bordier à 3 minutes 06 secondes. C’est du jamais vu dans l’histoire du Tour Auto, les quatre premiers en 12 secondes après 1h 15 minutes de parcours chronométré.”
AP : Le 4ème jour de course s’annonce terrible, pourquoi ?
JPL : “Oui, cette journée est annoncée comme terrible, nous avons 485 km de routier à faire, deux ES sur route et pour finir l’ES du Circuit de Lédenon. Pour la 9ème ES de La Montagne Noire, nous prenons une petite route dans la forêt. Le goudron est correct je ne change pas ma méthode au niveau des rapports de boite vitesses. Tout se passe bien, rien à signaler et à l’arrivée et bien une nouvelle fois, Favaro fait le meilleur temps, Caron fait exactement le même temps que lui et nous sommes troisième à 2 secondes, John Of Be perd 22 secondes, Kolher ‘’prend une valise ‘’ il fait le 8eme temps à 27 secondes. Nous arrivons au Vigan qui a fait l’actualité ces derniers jours avec son épisode Cévenol de pluies. Les ES des Cévennes sont mythiques et ont fait l’histoire du Rallye en France. Mais qu’est-ce que c’est dur, c’est étroit, le goudron est déformé par les racines d’arbres, il y a des ponts étroits, du gravier par endroits. Au milieu de l’ES 10 du Pays Vignais, je me fais une ‘’chaleur’’, il y a une intersection avec une bosse et juste après ça tourne et ça ne se voit pas. Les roues se bloquent, je manque d’aller tout droit. A l’arrivée, Favaro claque le meilleur temps une nouvelle fois, Caron est à 3 secondes, Kohler est à 11 secondes, il s’est fait peur aussi et nous à 13 secondes. John Of Be sort de la route, saute dans un champ en contrebas, peut-être à l’endroit ou je me suis fait la chaleur. Par miracle il y a une barrière ouverte qui lui permet de revenir sur la route. Il laisse 35 secondes dans l’affaire mais la chance est avec lui. Bilan : Favaro creuse petit à petit l’écart, il construit sa victoire. Kohler et nous c’est jeu égal et John Of Be perd du terrain.”
AP : 11ème ES au Circuit de Lédenon…
JPL : “Je ne l’aime pas, ça monte, ça descend avec des virages aveugles et on ne sait jamais exactement où on est. En pré-grille des essais je n’arrive pas à me concentrer à cause de la fatigue et je n’arrive pas à recaler le circuit dans ma tête. On rentre en piste et d’entrée je confonds un virage aveugle avec un autre et je manque d’aller dans le bac à graviers, autant dire : Tour Auto fini. C’est la fin des essais et en pré-grille avant le départ, j’essaie de ne penser à rien d’autre et je simule le circuit en le faisant défiler et parlant seul des virages mais je n’arrive pas à me concentrer. Le départ est donné et je suis ‘’à côté de mes pompes’’. Jonh Of Be Kohler et Caron s’échappent, Favaro ne peut pas suivre et moi encore moins. Je n’ai comme solution que de regarder le cul de Favaro et de mesurer à chaque tour combien il me prend. Il va se passer pendant cette course quelque chose d’important. John Of Be va se louper et se trouver de l’autre côté des vibreurs, il revient sur la piste et Kohler qui ne peut pas le voir accroche avec son aile la manette de fermeture de son capot arrière. Immédiatement le capot s’envole et se retrouve au milieu de la piste. John of Be continue sans capot et gagne la course avec une seconde d’avance sur Kohler. John of Be dira que c’est Kohler qui l’a accroché ce qui est faux. Bref il va y avoir une suite aux ‘’anomalies ‘’ car réglementairement il y aurait dû avoir intervention de la voiture de sécurité. La course se termine. John of Be gagne (ses mécaniciens refixent le capot dans le parc fermé d’après course alors que c’est totalement interdit), Kohler est à 1 seconde, Caron est à 9 secondes, Favaro à 16 secondes et moi à 23 secondes. Le bilan n’est donc pas bon car Kohler refait une partie de son retard et Favaro augmente son avance alors que j’aurais dû lui reprendre du temps dans la mesure où j’ai été plus vite que lui sur les deux premiers circuits. Le classement est le suivant : 1 Favaro/ Nicolet, 2 nous à 29 secondes, 3 Kohler/Laboisne à 33 secondes, John of Be/Sibel à 44 secondes et Berchon/Bordier à 4 minutes 09 secondes. Sur le papier c’est joli car nous passons de la troisième place à la seconde place, mais en perspective ce n’est pas bon.”
AP : Dernier jour de course samedi 6 septembre et ça débute de manière inattendue ?
JPL : “Oui, surprise, l’ES 12 du Ventoux ne se déroule pas sur le Ventoux mais est à 17 km de Bédoin. Nous sommes plutôt dans le Lubéron. Au travers des arbres, je vois partir les voitures une à une devant nous et je me dis que ça n’a pas l’air très serré. La route est superbe avec des virages cuvettes les uns sur les autres, des petits bouts de ligne droite. Tout s’enchaîne parfaitement car la forme des virages colle parfaitement avec ma deuxième vitesse à haut régime, dans les bouts de ligne droite j’arrive quand même à passer la troisième ce qui veut dire que nous sommes aux environs de 150-160 km/h. Nous voici à l’arrivée et nous avons fait le meilleur temps ! C’est tout simplement incroyable. Kohler est à 5 secondes, Favaro à 7 secondes et John Of Be est à 26 secondes. En incluant notre temps scratch, Favaro est 29 secondes devant nous, c’est injouable, Kohler est à 9 secondes derrière nous, vu la puissance de sa Cobra il va nous les reprendre, John of Be est à 41 secondes c’est beaucoup mais peu à la fois vu qu’à Magny Cours il nous a pris 38 secondes.”
AP : La dernière ES a été décisive pour le classement général, comment cela s’est passé ?
JPL : “Au Circuit Paul Ricard, pour la dernière ES, je retrouve Favaro assis au sol à l’ombre d’un pin. Il est un peu tendu et je le comprends, il a le Tour Auto gagné mais il faut faire ces 8 derniers tours. En fait pas 8 mais 6 tours car un commissaire nous apprend que, comme à Lédenon afin de combler le retard pris, les essais seront ramenés à 8 minutes et la course à 6 tours. On devine la pensée de Kohler qui avait demandé un rallongement de la course au motif que celle de Ledenon avait été raccourcie. Dans son esprit, pour nous c’était réglé, il était sûr de récupérer les 9 secondes de retard. Sur Favaro, comme il est à 38 secondes, qu’il va plus vite que lui sur les circuits en 10 tours, au lieu de 6, il espérait pouvoir récupérer ces 38 secondes de retard et empocher la victoire finale. Aux essais, d’entrée je me rends compte que Favaro ne suit pas la meute, Kohler et John Of Be ne me lâchent pas. Je ne comprends pas encore que le pont long qui nous a pénalisé tout au long de ce Tour Auto est en train de nous jouer un bon tour. Le Paul Ricard est un circuit très rapide et la vitesse de pointe prime sur les accélérations. Les essais se terminent et nous voici en grille, je suis en troisième ligne avec Favaro. Kohler et John Of Be sont en première ligne, Caron en deuxième ligne seul, il manque une Porsche 906.”
AP : Les essais te donnent une bonne impression ?
JPL : “Il me semble que j’ai un coup à jouer et je me dis qu’au premier tour je vais tout faire pour rester au contact. Départ donné, premier virage je saute un vibreur pour être bien placé pour la première ligne droite. Favaro ne suit pas, si j’avais un pont trop long, lui doit en avoir un court qui le limite en vitesse de pointe. On boucle le premier tour les quatre autos roues dans roues mais au passage devant les stands John of Be n’avance plus, sa commande de boite de vitesses est bloquée (détériorée lors de son saut dans le champ). C’est fini pour lui, il ne gagnera pas et ne sera même pas au classement du Tour Auto. Dans la ligne droite du deuxième tour, je dépasse Caron, ben oui avec mon pont long je prends 215 km/h, les Cobra plafonnent à 200 km/h. Caron me repasse après mais le tour d’après nouvelle manœuvre de dépassement, tout va bien et surtout, Kohler est juste devant et ne s’échappe pas. Au quatrième tour nous attaquons la ligne droite et Caron s’écarte, c’est fini, il est en panne d’allumage. Je me retrouve seul avec Kohler à 100 mètres devant. Il reste deux tours à faire, je m’applique et je me rapproche de Kohler. Du coup il ne me mettra les 9 secondes dont il a besoin. Dans le dernier tour à la vue du drapeau à damiers je suis tout prés, il gagne, je suis deuxième à 2 secondes.”
“Donc c’est réglé nous sommes deuxième du Tour Auto 2020, mais comme je ne vois plus Favaro dans mes rétroviseurs mon souci premier est de savoir où il est. Finalement il est à 8 secondes derrière moi donc il est le grand vainqueur de ce Tour Auto et ce n’est que juste et mérité. Les voitures sont bloquées en parc fermé 20 minutes et nous en profitons pour aller au restaurant sous les pins pour aller boire un coup. Favaro est là aussi, on se félicite de ce doublé, Kohler vient nous voir, il nous félicite mais visiblement il l’a vraiment en travers. Il était certain de la deuxième place, il rêvait de la première et il est troisième. Mais bon sportif, il souhaite que l’on parte ensemble pour le passage de l’arche d’arrivée, les photos, le champagne. Ah que c’est bon ! Dès l’arche passée, la réalité de la course reprend ses droits, les commissaires techniques nous tombent dessus et les trois autos du podium sont conviées au démontage technique pour contrôle de conformité. Tout est ok.”
AP : Quelle est ta conclusion de cette édition 2020 du Tour Auto ?
JPL : “Ce Tour Auto 2020 est une édition des plus particulières. Avec le Covid, les dates ont changé, l’environnement aussi mais l’épreuve sportive est restée intacte. Jamais de son histoire, quatre équipages n’ont été en mesure de gagner au départ de la dernière épreuve et jamais le podium final n’a été constitué de trois équipages séparés de 21 secondes après 2 h 04 mn de course, c’est-à-dire le cumul de tous les temps. Pour nous, cette deuxième place est exceptionnelle vu la ‘’misère‘’ que nous avons traînée avec cette erreur de choix de pont. De l’extérieur, on peut dire qu’il nous a manqué 14 secondes pour gagner. Mais en fait, nous avons limité la casse à 14 secondes. Raphaêl Favaro était le patron, il a mené sa course de main de maître, il n’a pas fait une seule faute. Il a été le meilleur sur quasiment toutes les ES et donc sa victoire est méritée.”
Credit photos @ Joris Clerc
