Pour la première fois en onze éditions du Tour Auto, Jean-Pierre Lajournade n’a pas terminé l’épreuve après son abandon sur casse mécanique, sa Jaguar Type E ayant souffert de nombreuses pannes. Moments difficile pour le pilote parisien qui a remporté l’épreuve à trois reprises (2010, 2015 et 2016) et qui s’est adjugé trois secondes places (2011, 2013 et 2014). Il a bien voulu répondre – très longuement – à nos questions et nous livrer son journal de bord, à cœur ouvert. Nous avons laissé le magnéto tourner et enregistrer son récit de debriefing d’après course.
AutomotivPress : Comment commence le Tour Auto pour toi ?
Jean-Pierre Lajournade : “Bien, la voiture est au Grand Palais depuis le dimanche 23 avril. A partir de 11 heures les vérifications commencent, administratives d’abord puis techniques ensuite. La voiture est face au stand Carene Assurances [son sponsor principal et aussi celui du Tour Auto depuis cette année] et attire la curiosité des amateurs. La journée passera très vite, surtout que les sollicitations télévisuelles se font plus denses du fait de la victoire 2015 et 2016. Bien évidemment il est acquis pour beaucoup de monde que nous allons gagner cette année. Sauf que nous connaissons la concurrence, qu’elle est plus rude qu’en 2016 et que la première condition pour gagner c’est de franchir la ligne d’arrivée.”
AP : Première étape, départ du Chateau de Neuville pour rejoindre Saint Malo, la concurrence s’affiche au grand jour ?
JPL : “Réveil 4 h ! Et oui le départ est fixé à 6 h pour la première voiture. Nous quittons le Grand Palais vers 6 h 15 en direction du Château de Neuville d’où sera donné le départ à 7 h 15. Il fait très froid et nous nous dirigeons vers la première ES du jour à Courcemont soit à 45 km du Mans. Nous n’empruntons que des petites routes et c’est interminable, vu la nuit passée trop courte c’est vraiment une galère, nous ne sommes pas dans de bonnes conditions. Le froid n’arrange rien. Il faut savoir que dans une auto de course il n’y a pas de chauffage, ça gagne du poids. Nous arrivons à Courcemont pour cette première ES. Il est 10 h 30, ça fait déjà 3 heures que nous sommes dans l’auto et nous sommes un peu “saoulés “. Avec le numéro 201 nous partons les premiers du plateau 4. La route est sèche, pas de problème particulier sauf qu’à mi-spéciale, d’un coup tout s’arrête. Plus de courant, je saisis le coupe batterie, je donne deux coups, fermer ouvrir, et tout se remet en marche. Ouf c’est reparti. La ligne d’arrivée franchie, on s’arrête et c’est déjà la première contrariété. Bref, on prend la direction du Circuit du Mans en espérant que le problème ne se renouvelle pas. Entre temps les résultats sont tombés, nous avons le cinquième temps Smith et sa GT40 annoncent la couleur en nous prenant 20 secondes et Caron nous en prend 13 !”
AP : Ton assistance peut intervenir sur le Bugatti ?
JPL : “Oui, l’assistance va mettre en service la ligne directe bobine batterie qui fait que je ne pourrais plus avoir de problème de coupure d’allumage si le coupe batterie refaisait des siennes. Beaucoup d’amis proches sont là, sourire aux lèvres pour nous soutenir, ne se doutant pas des problèmes que nous rencontrions. Dominique, Jacky et Vincent [son assistance] parent au plus pressé . En 15 minutes il faut faire l’essence, brancher le fil direct bobine batterie, mettre les réglages en piste sèche. Il était prévu qu’il pleuve et il avait plu deux heures avant. Les outils volent un peu de tous les côtés, nous pointons à l’heure et direction le parc fermé pour la course. A 13 H 30 nous avons le briefing par le directeur de course. Une règle change par rapport au règlement. La grille de départ sera constituée suivant les temps faits pendant les 10 minutes d’essai préalables à la course alors que nous devions partir suivant l’ordre des numéros. Avec le 201 j’étais en pole position. Là ça va changer. Les essais se passent et logiquement les deux GT40 ainsi que 3 Cobra font mieux que moi. Je suis donc en troisième ligne.”
AP : Comment se passe le départ ?
JPL : “Première grosse surprise, au moment de se mettre en grille pour le départ, Caron et son AC Cobra sont en panne en pré-grille sur la piste. On ne le voit pas arriver sur la grille de départ et donc il ne part pas le départ avec nous. En fait sa panne n’est pas définitive. Comme c’est la règle, les commissaires l’évacuent de la piste, le poussent dans les stands et ses mécaniciens arrivant à faire redémarrer sa voiture, il partira du bout des stands, dernier, une fois que tout le monde est passé. Ne l’ayant pas vu prendre le départ, je pense qu’il est “out” et que c’est fini pour lui. Or, Il perd beaucoup de temps mais il n’est pas hors course. Pour moi, la course se passe sans encombre, mais la voiture ne marche pas dans les hauts régimes et surtout elle ne prend pas sa vitesse maximum. Plus ça va au cours des huit tours que nous avons à faire, moins ça va. Mon régime moteur maximum en ligne droite tombe de 6600 tours à 6400 tours puis 6200 tours. Il me semble manquer d’essence à haut régime en charge maximum. La course se termine, je suis cinquième. Smiths et sa GT40 nous ont mis 50 secondes. Par contre, Caron finit 23ème à 2 minutes 25 de Smiths et à 1 minute 35 secondes derrière nous.”
AP : Malgré tes problèmes mécaniques, tu repars vers Saint Malo confiant ?
JPL : “Nous reprenons la route vers Saint Malo, il n’y a plus d’épreuve aujourd’hui mais il faut arriver à l’heure indiquée sur le carton de pointage. Le parcours n’emprunte pas les axes principaux et nous nous “trimbalons” dans la campagne, il fait gris, pluvieux, froid. Bref ce n’est pas la joie. Le véhicule d’assistance a son parcours propre et n’a pas le droit de nous suivre sur certaines zones routières, parfois sur 50 à 60 km. Quand nous les avons derrière nous, nous sommes rassurés mais lorsqu’il ne sont pas là , nous sommes moins fiers car toute panne serait rédhibitoire. Nous allons avoir le premier miracle de notre course. En effet alors que nous roulions sur une partie d’autoroute qu’eux empruntaient aussi, par le plus grand des hasards, nous les apercevons sortir d’une brettelle de station service Total d’où ils venaient de re-remplir les jerricans en essence. Il faut savoir que la voiture de course ne s’arrête pas dans les stations service pour faire son essence. C’est l’assistance qui gère ça. Ils sont donc derrière nous, quelques kilomètres après je vois une aire de repos. Je m’y arrête pour leur dire que ça roule mais que ça cafouille au niveau du moteur. Petit coup d’œil, tout semble normal. Vas-y qu’ils me disent, ce soir on changera les bougies et on fera une synchronisation des carburateurs. Nous reprenons l’autoroute et trois ou quatre kilomètres plus loin, d’un coup un bruit arrive de l’avant : dredredredredre !!! L’auto n’avance plus, c’est comme s’il y avait un bris de soupape. Arrêt immédiat dans un renfoncement de service sur l’autoroute, l’assistance s’arrête et à la levée du capot c’est la catastrophe.”
AP : Le problème moteur est grave ?
JPL : “Le goujon qui relie la culasse à la pipe d’admission est parti. A partir du moment où le goujon n’est plus là, une partie de l’ensemble pipe d’admission/carburateurs ne tient plus que par le deuxième goujon. De ce fait le joint bascule et il n’y a plus d’étanchéité, de l’air passe ce qui dérègle totalement la carburation. Par miracle ce joint qui est entre les deux pièces est resté en place et ne s’est pas cassé. Dominique et Jacky vont faire preuve d’astuce. Ils vont passer un collier en plastique, appelé Rilsan, par les orifices laissés libres par le goujon parti. Ils vont bien bloquer l’écrou du goujon resté en place et bloquer le tout comme ils le peuvent en passant des Rilsans dans l’autre sens. “Vas-y roule” me disent-ils. L’opération a duré cinq minutes, c’est une réparation de fortune, mais va t’elle tenir ? Seul la route à venir nous le dira. A cet instant nous ne donnons pas cher de notre peau. Nous reprenons la route et tout fonctionne beaucoup mieux ce qui veut dire que le goujon était en train de se desserrer depuis le départ et plus encore sur le circuit au Mans, puisque le moteur ne prenait plus son régime maximum.”
Nous sommes encore loin de Saint Malo, ça roule, notre Mercedes Viano d’assistance nous suit. Arrivés à 50 km de Saint Malo, l’assistance doit nous quitter pour suivre sa route imposée. Finalement nous arrivons à Saint Malo au terme de cette première journée. Nous sommes complètement “vannés” physiquement et moralement. Le Mont Saint Michel que nous avons vu de loin avait la triste mine, comme nous. Vers 19 h 30 nous rentrons au parc d’assistance situé sur le port après avoir traversé, pour la pub, les magnifiques petites rues à l’intérieur des remparts de la vieille ville. Nous avons deux heures d’assistance autorisée pour l’entretien courant, remettre un goujon que nous avons dans les pièces de secours, améliorer le branchement direct de l’allumage afin de court-circuiter le coupe batterie. Il fait un vent terrible, froid et un peu de pluie. La course se dessine déjà. Smiths en GT40 sera intouchable et s’il va au bout on sait déjà qu’il gagnera le Tour Auto 2017. Déjà en 2016, il faisait des temps très, très, rapides mais avait pris feu deux fois ce qui l’avait retardé. C’était prévu et connu d’avance pour nous. Nous sommes quatrième à 9 secondes de la deuxième place.”
AP : Dans quel état d’esprit es-tu au départ de la deuxième étape, Saint Malo/Goulaine ?
JPL : “Départ 7 heures. Réveil 5 h 30. Vu la journée de la veille, 5 heures de sommeil ce n’est vraiment pas assez. Arrivé au parc, la température est sous le zéro, il fait du vent, tout est givré, ce n’est pas fait pour donner le moral. Heureusement que nous avions bâché la voiture. C’est une journée avec 3 ES qui se présente à nous et nous n’aurons pas d’épreuve sur circuit. Habituellement cette journée de 3 ES est le Jeudi. Vu que la Bretagne n’a pas de circuit, les trois ES se feront ce Mercredi soit une journée plus tôt que les années précédentes. Des dégâts sont prévisibles car tout le monde veut une place, la meilleure possible, afin de bien dérouler les jours suivants. Nous partons, longeons la côte vers l’Ouest, c’est magnifique mais quel dommage, il pleut et il y a du vent. Et puis nous rentrons vers l’intérieur des terres, direction Saint Gouéno où va se dérouler la première ES du jour.”
Il est 9 h 30 lorsque nous y arrivons. Il fait un temps de chien, de la neige fondue tombe, la salle des fêtes nous est ouverte, l’accueil est chaleureux. Des dames du village font des crêpes, des pâtisseries, on nous sert du café. Dans le premier plateau, juste avant nous, des autos sont sorties de la route dans l’ES et donc on attend. Finalement nous partons avec une heure de retard. C’est gras mouillé, piégeux à souhait. Je pars prudemment et pourtant à la première équerre droite je me fais surprendre, je freine trop tard, les roues avant se bloquent et je ” tire tout droit”. Marche arrière et je reprends la route. Je peste dans la voiture. Nous réaliserons le 5ème temps. Caron fera le deuxième temps et me reprend 12 secondes. Smith et sa GT40 augmente son avance. Jousset en AC Cobra, qui était devant moi au classement général, se met au fossé, c’est réglé pour lui, un de moins. Un nouveau venu en Type E, nommé Favaro , pointe son nez et fait le 3ème temps. Nous filons à travers la Bretagne intérieure vers Locunolé pour la deuxième ES du jour.”
AP : Tes doutes persistent sur la fiabilité de l’auto ?
JPL : “Au parc d’attente il fait toujours aussi froid mais le temps est sec. Rien de particulier pour cette ES, je roule bien mais sans plus, le moral n’y est pas, je n’ai pas confiance en la boite de vitesses et mon “tout droit” précédent m’a contrarié. Nous ferons le 5ème temps à 10 secondes de Caron qui s’adjuge le meilleur temps. Favaro en Type E confirme qu’il faudra compter avec lui. Il nous reprend 4 secondes. Vu les conditions dans lesquelles nous sommes ce n’est pas si cata que ça. Nous filons vers Port Louis où nous arrivons à 14 h pour un déjeuner sur le port. Dommage, le site est beau mais il fait toujours froid, il y a du vent et le ciel est gris. Et puis direction Rochefort en Terre pour la troisième ES du jour qui se déroule autour du village de Pluherlin. Nous y arrivons vers 17 h. Dans cette ES tout part bien sauf que sur le road book de course, fourni juste avant le départ, il y a un pont signalé comme étroit, avec une équerre droite juste derrière. J’arrive dessus et je me fais “piéger” car en fait c’est juste après le pont que c’est très étroit. Ils ont installé une botte de paille qui réduit la largeur de la route et ce pour la sécurité je pense. Je me plante le nez du capot dedans et j’y reste. Je cherche la marche arrière, elle ne passe pas tout comme aucune autre vitesse. Le levier est bloqué au point mort. A force de donner des coups d’embrayage et d’essayer d’enclencher une vitesse, une passe, je ne sais plus laquelle mais pas la marche arrière, si bien que je pousserai la botte de paille avec le nez pour m’en sortir. Nous faisons le 14ème temps et on perd encore 29 secondes sur Caron. Favaro continue de remonter lui aussi et me prend 9 secondes. C’est un peu la catastrophe car on a perdu un temps précieux. Nous prenons la route vers Nantes, en liaison et à nouveau sur la route je vais “perdre” ma boîte de vitesses. Plus rien et puis ça revient, le train fixe de la boîte doit se promener. On arrive au château de Goulaine vers 19 heures, la journée est finie, elle n’a pas été bonne. Deux erreurs , la boîte de vitesses qui se bloque, ça ne va pas bien. Par contre au classement général ça va bien, nous sommes deuxièmes.”
AP : As tu ressenti de la pression au début de cette édition du Tour Auto ?
JPL : “Bien évidemment les spectateurs, les concurrents, les partenaires viennent nous voir et tous ont le sourire pour nous. Tous veulent partager ce qui devrait être de la satisfaction et nous faire croire que la première place est possible. C’est récurrent et usant, depuis le lundi tout le monde considère que nous allons gagner ce Tour Auto au titre du jamais deux sans trois et pour faire plaisir sans doute. Dans toute compétition, la première règle c’est déjà de franchir la ligne d’arrivée et ensuite le résultat est en rapport avec les forces en présence. Or Smiths et sa GT40 sont déjà à 2 minutes 17 secondes devant et ne cessent d’augmenter leur avance. Caron fait une remontée spectaculaire, il n’est plus qu’à 31 secondes, et nous sommes ex-aequo dans la même seconde avec Favaro. Nous sommes donc deuxième mais ce n’est que de la façade. Je sens bien que le lendemain, Caron va nous passer et que nous serons troisième. Mais surtout, avec une boite de vitesse dont je ne suis pas certain ça va être très difficile d’attaquer. C’est pas très compréhensible de faire la tête quand on est deuxième au classement général, mais en réel nous pensons plus à la panne qui nous guette qu’au classement général. Après les deux heures d’assistance, le constat est simple : “Pourvu que la boîte de vitesses tienne”. Impossible de savoir si tout va se bloquer une nouvelle fois et de façon définitive. Dans nos têtes, c’est déjà presque la fin car une boite de vitesses ça marche ou ça ne marche pas. Le miracle en mécanique n’existe pas et avoir une boîte avec un rapport en moins laisse présager que ça risque de s’arrêter d’un moment à l’autre sans prévenir.”
AP : Dans ces conditions difficiles avec cette épée de Damocles sur l’équipage, comment se présente la 3ème étape en direction de Limoges ?
JPL : “Le départ est fixé à 7 h 43, c’est un poil plus tard que d’habitude, mais ça fait quand même un réveil à 6 h. Il faut descendre vers Niort, nous avons un long routier puisque nous allons rouler 3 h avant d’arriver au départ de l’ES 6 à côté de Saint Maixent l’École, Val de Sèvres. Belle ES toute en enfilade. Encore une fois je me fais surprendre à la fin, il y a une équerre gauche juste derrière une bosse, j’arrive un poil trop vite, les roues avant bloquent et léger tout droit. La boîte de vitesses est de nouveau bloquée. J’insiste et finalement je retrouve la marche arrière. Je repars mais on a perdu beaucoup de temps. Caron nous reprend 12 secondes et Favaro est 2 secondes derrière nous. C’est dommage car nous aurions été très bien sans ce tout droit et ce blocage de boite. Après le déjeuner à la magnifique Abbaye de Celles sur Belles, nous filons vers le Vigeant pour l’épreuve sur circuit de la journée. La grille de départ est établie par rapport au meilleur tour en course de l’épreuve précédente soit Le Bugatti. Je suis en 4ème ligne juste derrière Jousset et sa Cobra. Le temps est beau et sec avec des nuages menaçants mais qui ne tombent pas en morceaux. Le premier tour est chaud, je gagne 3 places et je passe 5ème au premier tour ce qui sera ma place finale. La GT40 de Smiths est loin devant, Caron parti de loin vu sa place au Mans, me passe dans le premier tour en bout de ligne droite, ou plutôt “me pose” comme il pose les autres Cobra. Dans le deuxième tour j’ai à nouveau une alerte avec la boîte de vitesses, la deuxième ne veut pas rentrer sur un freinage appuyé. Devant moi deux Cobra bataillent, Merlin et Jousset. Je sens que ça va mal finir et effectivement Jousset va se mettre dehors et terminer sa course dans le bac à graviers. Je reste sur la réserve et assure ma place de 5ème et mon résultat. L’équipe a le sourire, on a les deux GT40 devant, deux Cobra et nous sommes juste derrière. On reprend la route, vers la deuxième ES de la journée, juste au dessus de Limoges.”
AP : Tes problèmes mécaniques perdurent et s’accentuent ?
JPL : “Le temps est menaçant au parc d’attente, il fait toujours froid. On se dirige vers le départ de l’ES à 5 km et arrivé au départ nous sommes avertis qu’à 2.8 km à une équerre droite il y a de l’eau car un orage est tombé, en fait il a même neigé. Bien… ça continue, rien ne nous sera épargné. En effet l’ES est mouillée mais surtout après le km 2.8, c’est une toute petite route boueuse, on passe entre des maisons dans un bourg. Il y a juste la place de passer, bref pas terrible. Nous ferons le 5ème temps, Caron nous reprend 12 secondes et Favaro 7 secondes. Vu les craintes de blocage que j’ai avec la boîte de vitesses et l’absence de marche arrière ça n’a rien d’étonnant. On reprend la route pour Limoges, soirée étape, nous y arrivons vers 19 h 30. L’assistance déclenche le plan hors sec et s’attaque au démontage du couvercle de boîte de vitesses pour essayer de voir ce qui se passe. Et bien, tout est propre, il n’y a pas de dégât apparent. Seule certitude le pignon de marche arrière est bien coincé, une pièce doit le bloquer dans le fond de la boîte de vitesses. On ne peut rien faire si ce n’est que d’espérer que tout ne se mette pas en désordre. La révision générale se fait. Les résultats tombent, nous sommes troisièmes au classement général. Smiths est à 3 minutes 36 secondes devant nous, Caron est passé devant et a maintenant 13 secondes d’avance sur nous. Favaro et sa Type E est 4ème à 51 secondes derrière nous. Favaro est surprenant car il fait de supers temps en ES, par contre sur les circuits il n’avance pas. La logique sportive est en place et si rien ne passe au niveau casse mécanique ou sortie de route le classement restera celui là à Biarritz. C’est très dur de supporter dans le parc concurrent la visite de gens qui veulent à tout prix nous voir remonter au classement général alors que c’est impossible, même en passant pas loin de Lourdes. Les miracles n’existent pas. Ils pensent nous encourager mais ils nous énervent. Bref, nous voici à table vers 21 h 30 dans le parc des expositions de Limoges. Un succulent repas préparé par Hélène Darroze , étoilée Michelin. On en profite mais nous avons “une araignée au plafond”… A table on ne peut s’empêcher de penser au lendemain, nous espérons que la boîte de vitesses tienne et prions pour être à Biarritz à la troisième place.”
AP : Comment se passe la 4ème étape Limoges/Toulouse, celle de tous les dangers ?
JPL : “Départ 8 h 10 du parc des expositions et 30 minutes après nous sommes au départ de l’ES 9, Beyssac. Nous attendons plus d’une heure car un paysan bloque la route avec son tracteur, il doit aller traire ses vaches. C’est en attendant que je fais les photos que je t’ai envoyées de l’âne et du miroir (rires). Je roule comme d’habitude et j’ai l’impression d’aller vite, mais non. Nous ferons le 7ème temps. Caron nous met 13 secondes mais surtout Favaro nous en met 21. Il a beau ne pas avancer en circuit, il reste encore 4 EC et 2 Circuits et ça risque d’être serré. Deux heures de route, le temps est enfin beau, nous descendons vers le Sud et trouvons enfin les paysages et les décors qui font la beauté du Tour Auto. Nous passons à Collonges la Rouge mais bien évidemment pas d’arrêt. Après avoir traversé Bretenoux nous arrivons à Saint Céré. Vieux souvenirs car c’était en 2009, le premier rallye de la Porsche 911 SC que j’avais fait construire. Vu le temps réalisé dans l’EC précédente je me dis qu’il faut que j’attaque un peu plus. J’ai l’impression d’aller vite mais en fait je n’avance pas, à un moment donné j’ai l’impression que je vais aller taper un pont. Je tourne presque en fermant les yeux et en attendant le bruit que va faire le capot sur le mur. La GT40 de Smiths a bien failli perdre le Tour Auto à cet endroit. Je ne peux pas aller plus vite et pourtant je fais le 7ème temps, Favaro nous met 30 secondes, Caron fait le meilleur temps et nous met 34 secondes. Quand tous les éléments ne sont pas réunis inutile d’espérer faire une performance.”
AP : Que s’est il passé dans cette ES de Saint Céré ?
JPL : “Nous reprenons la route vers Figeac et c’est alors qu’en traversant le village de Leymes, 10 km après Saint Céré que le moteur nous lâche d’un claquement qui impose l’arrêt immédiat. L’assistance qui était à 10 km nous rejoint. Après avoir démonté le couvre culasse, le mal est trouvé, le guide d’un poussoir de soupape s’est desserti, il est remonté, l’arbre à cames l’a “labouré” et donc c’est l’arrêt définitif, moteur HS. Vincent appelle son fils Erwan et son copain Basile qui étaient déjà à Pau avec le plateau remorque afin de rapatrier l’auto après l’arrivée de Biarritz. Ils prennent la route, 280 km à faire, ils arrivent vers 19 h. Nous chargeons l’auto, direction Paris avec étape à Limoges et Samedi midi nous sommes chez Dominique au Sud de Paris. Pendant ce temps le Tour Auto se termine à Biarritz, Smiths et sa GT40 en sortent vainqueurs. Caron sort de la route dans l’avant dernière EC de nuit. Favaro, Type E, monte sur la deuxième marche du podium et une autre GT40 au mains d’Ellerbrock monte sur la troisième marche. La déception est grande. On a beau se dire que c’est le premier abandon sur casse mécanique en 11 ans, ça ne console pas. Cette épreuve demande tellement d’efforts, de concentration, d’implication qu’un arrêt brutal tel que nous l’avons subi vous assomme et atteint le moral.”
“Mais bon, inutile de continuer à se lamenter, au fil des jours ça cicatrise, il faut réparer et regarder devant. Dominique, Jacky et Cyrille ont démonté le moteur boîte Mardi soir, Mercredi avec Vincent nous avons été les chercher. Vu que je suis indisponible la semaine qui vient, Vincent et Claude se sont portés volontaires pour monter le moteur et la boîte en Angleterre. Ils y partent ce Lundi et rentrent Mardi soir. Le préparateur est responsable, il est déjà averti de notre mésaventure, en est navré et pour le moment il ne comprend pas ce qui s’est passé. Nous verrons ce qu’il trouvera au démontage, faisons lui confiance.”
AP : Quelle est pour toi la conclusion à retenir de ce Tour Auto 2017 ?
JPL : “On va vite oublier ce Tour Auto 2017 en le gommant de notre mémoire (rires) ! Pour le gommer, rien ne sert de penser à 2018 … On va se remettre sur pied et le plus vite possible sera le mieux. Donc on va tout faire pour être au départ de la course de Charade, près de Clermont Ferrand le 12 Juin. En ce qui me concerne je dois avouer que j’ai eu sur l’instant un bon coup de blues. Le calendrier est là et à la fin de la semaine prochaine nous avons le Rallye d’Antibes avec la Porsche (911). Pour valider les travaux de cet hiver, nous étions hier sur le circuit de Lurcy Lévis sur invitation d’une journée d’essai organisée par Crubilé Sport. Nico et Jean Louis étaient là et Vincent m’accompagnait. Ce fût une journée parfaite, la Porsche marche comme un avion, moteur, boite, tenue de route, tout est parfait, je me suis régalé au volant et l’envie est forte d’aller au Rallye d’Antibes histoire de remettre les pendules à l’heure.”
Tout ça ne serait pas possible si je n’avais pas autour de moi toute mon équipe de copains et amis : Merci à toute l’équipe mécanique : Dominique Bachard, Jacky Tirot, Cyrille Marie, Jean Louis Conré, Gilles Hauty, Nico Suarez, Sébastien Crubilé et aussi à Vincent Aubry pour sa présence permanente à mes côtés… ainsi que les professionnels qui m’assistent : Sébastien Berjot (carrosserie/peinture), Patrick (électricité), Claude (pièces anglaises) Christian (déco), Denis Welch (moteur, boite, pont et pièces ). Bien sur mes copilotes, Christophe Bouchet (copilote Tour Auto) et Martine Rick Place (copilote Rallye). Enfin mes sponsors : Carene Assurances (partenariat financier) et à Motul (partenariat produits).”
Crédit photos @ Joris Clerc et Kevin Goudin
Raphael bonsoir ,
Bonjour Raphael,
Voici un message de JP Lajournade qui répond à votre commentaire :
“Je suis au Rallye d’Antibes et je finis mes reconnaissances, donc j’oublie… Si nous avons fait les mêmes tout droit et embrassé les mêmes bottes de paille, nous pourrions dire c’est la faute des Type E… si nous étions de mauvaise foi… Sauf qu’il semble que nous partageons les mêmes valeurs, ce n’est que du plaisir, sportif soit et pas un championnat du monde.
En GT40 l’an prochain… je suppose que ce n’est pas dit en l’air…. bravo de pouvoir le faire.
A l’année prochaine, sportivement.
JP Lajournade”
Merci pour vos félicitations!
En ES nous avons aussi eu notre lot de “tout droit” surtout au début et il me semble avoir embrassé la même botte de paille que JP…
L’année prochaine je viens en GT40…
Merci encore!
Raphaël
Bonjour Raphael,
Voici un message de JP Lajournade qui répond à votre commentaire :
“Raphael, un grand bravo pour ces performances en ES et pour ce podium. Je comprends mieux ce qui se passait en circuit, il y avait une raison.
À l’année prochaine et au plaisir de faire connaissance.
Sportivement.
JP Lajournade”
Bonjour Raphaël,
Tout d’abord, toutes nos félicitations pour votre superbe résultat, second entre les deux Ford GT40. Une fois de plus, l’Equipe Europe a démontré tout son savoir faire en course historique VHC, allié à votre excellent pilotage 😉 Nous vous remercions de votre message qui éclaire les lecteurs sur les difficultés que vous avez rencontré et qui répond aux interrogations de JP Lajournade.
Bien à vous. Cordialement.
Bonjour,
C’était la première fois que je roulais une type e…
Le moteur de la jag doit faire environ 260cv et le châssis n’était pas bien équilibré… sous-vireuse à souhait… (pas fait d’essais)c’est pour cela que sur circuit ça n’allait pas très vite….
Salutations
Favaro Raphaël
Genial ce roadbook… On en redemande.