Steve McQueen disait : “Je ne sais pas si je suis un acteur qui pilote ou un pilote qui joue dans des films.” En 1970, il décide de partager sa passion et de produire l’un des meilleurs film jamais tourné sur la course automobile et sur les 24 Heures du Mans, qui fut aussi un échec commercial à sa sortie en salles de cinéma. Pour réaliser son rêve, il ne pouvait imaginer mieux que Le Mans, une des plus anciennes et la plus prestigieuse course d’endurance au monde. Le tournage a été très difficile, mais Steve McQueen n’a jamais abandonné…
Sandro Garbo et son équipe ont créé, 45 ans plus tard, un manifeste pour partager leur amour pour les voitures anciennes, le film Le Mans et le “King of Cool”. Plus qu’une simple BD, ce livre est un hommage à Steve McQueen et un “must have” pour tous les amoureux de course automobile, des légendaires Porsche 917, Ferrari 512 et autres automobiles de course de cette époque. Après 3 ans d’un travail minutieux, le travail est à la hauteur des espérances, chaque détail est fidèlement reproduit.
Pascal Rebetez : Sandro Garbo, vous avez un patronyme de star de cinéma, mais c’est le dessin qui vous passionne. Depuis quand et comment êtes-vous arrivé à la réalisation de cette BD ?
Sandro Garbo : “D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours dessiné. Petit, mes parents me laissaient même reproduire mes héros sur les murs de ma chambre. J’adorais ça. Je lisais la bande dessinée belge classique et aussi les superhéros Marvel. J’étais un grand fan et j’en dessinais tout le temps, partout. Plus tard, j’aurais adoré suivre des cours à l’Académie des Beaux-Arts à Florence, mais cela n’a pas été possible. Au fond de moi, il y a toujours eu cette petite voix qui me disait « sois patient, un jour, tu réaliseras quelque chose d’artistique ». Je peignais des voitures pour les amis depuis des années, et en 2013, je rêve de Steve McQueen qui me dit de créer une BD sur son film pour entretenir le mythe. Le lendemain je me suis mis au travail. J’ai réuni une équipe et c’est devenu une nouvelle mission dans ma vie.”
PB : Un film existe et il est devenu culte, qu’est-ce que le dessin apporte de plus à l’histoire ?
SG : “Je pense que personne n’a jamais filmé la course automobile de cette façon, aussi réaliste et intense. Mais quand je le regardais, je voyais davantage que la course. J’imaginais les cases que nous pourrions réaliser et c’était tellement beau que je n’avais qu’une envie, les créer et les partager. Quand j’observe le résultat aujourd’hui, non seulement on retrouve le même dynamisme, mais avec ce grand format, chacun peut contempler les dessins à son rythme, admirer les pages, les cases, chaque détail. C’est ça que le dessin apporte en plus.”
PB : D’habitude, on réalise un story-board puis ensuite le film : vous faites l’inverse ?
SG : “C’est vrai. Mais en fait, on n’a jamais cherché à se comparer aux autres. Cette BD, c’est un rêve de passionné à la base. Nous n’avons ni vraiment analysé le marché ni estimé les ventes. On a juste essayé de faire la plus belle BD possible sur la course automobile, et, aujourd’hui, on a le plaisir de la voir terminée. Pour nous, c’est déjà énorme.”
PB : On connaît les aventures de Michel Vaillant, coureur automobile, votre BD s’en inspire-t-elle ?
SG : “Pas vraiment. Comme tous les enfants, j’ai aussi lu du Michel Vaillant. Mais quand j’ai rêvé les pages, c’est vraiment le film qui a été la source d’inspiration. Et en fait, on voit cette BD plus comme une œuvre d’art qu’une BD. D’ailleurs beaucoup de gens nous ont dit que nous étions un peu fous. Nous avons passé énormément de temps à reproduire chaque détail, les voitures, le circuit, l’ambiance des années 70. Et les responsables du patrimoine de l’ACO – propriétaire de la course des 24 heures – ont contrôlé chaque case afin d’assurer que les fans retrouvent tous les détails d’origine.”
PB : Qu’est-ce qui vous fascine dans cette légende de la course ?
SG : “Les 24 heures du Mans, c’est d’abord une question de force mentale et de résistance. Imaginez… Vous devez piloter une voiture pendant 24 heures, à fond, de jour, de nuit, sous la pluie, en ne pouvant dormir que quelques heures. Et en plus, vous devez préserver votre voiture pour arriver au bout. C’est presque irréel. Et puis il y a l’ambiance de la course. Je conseille à tout le monde d’aller au moins une fois au Mans. Le départ, la course de nuit, le suspense, le village. C’est inoubliable.”
PB : L’amour des vieilles voitures ça ne passe jamais ?
SG : “Ma toute première voiture était une Triumph Spitfire de 1978. Je venais d’avoir 19 ans et je cherchais une voiture avec mon petit budget. Je l’ai vue et je suis directement reparti avec. Etant donné que je n’avais pas assez d’argent pour la payer et que le vendeur ne voulait pas baisser son prix, je lui ai laissé la radio, la trousse à outils et la roue de secours ! Mais il était exclu que je reparte sans elle. J’ai passé des moments formidables avec cette voiture. Je la roulais été comme hiver. Et depuis, j’ai presque toujours possédé une voiture ancienne.”
PB : Qu’est-ce qui a fondamentalement changé dans les courses depuis 1971 ?
SG : “Je ne suis pas vraiment un spécialiste, et j’étais encore au biberon à l’époque. Je dirais qu’aujourd’hui, il y a beaucoup plus de technologique. En 1970, les Porsche 917 et les Ferrari 512 atteignaient déjà les 360 km/h sans aucune aide électronique. Il fallait une bonne dose de courage pour attaquer la ligne droite des Hunaudières, surtout sous la pluie.”
PB : Comment éviter la nostalgie ? Il y a bientôt un demi-siècle ?
SG : “Pourquoi l’éviter ? Les gens aiment se souvenir des bons moments. Et se souvenir permet aussi de voir la vie avec une certaine perspective. Dans notre cas, nous nous sommes inspirés d’un film réalisé par un vrai passionné, Steve McQueen. Et il faut admettre qu’il a su faire vivre la course automobile au plus près comme personne. C’est pour ça que c’est intemporel.”
PB : Comment avez-vous pu obtenir les nombreuses autorisations pour réaliser ce remake en BD ?
SG : “J’ai eu la chance de me retrouver à côté de Pascal Favre dans la même chambre d’hôpital et il est devenu mon ami. Il est aujourd’hui CEO de Garbo Studo et c’est lui qui s’est battu pour obtenir toutes les autorisations. Il dit toujours que c’est la qualité du travail de l’équipe qui a ouvert toutes les portes, mais
nous savons tous que c’est bien grâce à lui que notre rêve est devenu réalité.”
PB : Victime de découragement parfois, car la réalisation a été longue ? Il faut de l’endurance ?
SG : “Bien sûr. Comme dans la course… d’endurance. 3 ans, c’est long pour un projet comme celui-là. Et c’est certainement pour ça que personne d’autre ne l’a fait avant nous. J’ai été très proche d’abandonner fin 2015 car il y avait encore tellement à faire. Et puis le drame en mars 2016, Florian, l’un des dessinateurs est malheureusement décédé dans un accident. Toute l’équipe a été très choquée. Et en fait cette tragédie a renforcé notre motivation. On n’avait plus le choix, On se devait de la terminer en mémoire de notre ami.”
PB : Vos projets ou vos souhaits les plus chers ?
SG : “Pour l’instant, j’espère seulement que les gens qui liront notre BD auront des étoiles dans les yeux. Et si notre expérience pouvait motiver d’autres personnes à aller au bout de leurs rêves, ce serait magnifique, non ?”
Plus d’infos sur http://mcqueenlemans.com/
Source CP Garbo Studio / Propos recueillis par Pascal Rebetez