Je connais Pierre depuis quelques années maintenant. Pilier du Club Lotus France en région parisienne, c’est un passionné de longue date de la marque anglaise et dans son garage trône une Europa qu’il n’hésite pas à emmener dans de grands road trips. Depuis 6 ans maintenant, il a fait d’acquisition d’une Secma F16 Turbo avec laquelle il vient régulièrement aux rassemblements informels du dimanche matin dans les Yvelines. Et depuis 6 ans, il me répète que c’était une super auto et qu’il se ferait un plaisir de m’emmener faire un essai. C’est maintenant chose faite.
Un parcours automobile riche et original.
Pierre m’avoue être avant tout motard, une Moto Guzzi Le Mans tient d’ailleurs compagnie à ses autos. Je n’y connais rien en motos, mais ça a l’air pas mal comme bécane. Et pour un néophyte comme moi, une Moto Guzzi ça évoque à la fois le charme italien et l’originalité (Ducati c’est si banal).
Au moment de passer sur 4 roues pour les véhicules plaisir, Pierre a d’abord été tenté par une Lotus Elise, mais il n’était pas convaincu que cela réponde à son besoin. Car s’il ne dédaigne pas de faire un peu de circuit, le grand plaisir de cet épicurien mécanique c’est le voyage au long cours : Alsace, Allemagne, Slovénie, Espagne. Pierre et sa femme Brigitte n’hésitent pas à traverser l’Europe au volant de leurs voitures de sport.
Après la Lotus Europa comme première sportive, il a toujours eu deux automobiles plaisir dans le garage. L’Europa restant la constante, accompagnée tour à tour d’une TVR S3C avec laquelle il n’a étonnamment pas connu de problèmes de fiabilité. Suivie d’une Caterham velue d’environ 200ch qu’il n’a au final pas apprécié outre mesure.
L’avis du propriétaire
Pourquoi la Secma F16 Turbo ?
Il y a 10 ans, Pierre a eu l’occasion d’essayer une Secma F16. Pour mémoire il s’agit d’un petit roadster fort d‘une centaine de chevaux (105ch exactement, d’origine Renault) pour moins de 600kg. J’ai souvent eu l’occasion de voir la F16 en action à Croix en Ternois lors de journées piste. La petite bestiole n’est pas ridicule, tenant tête à mon Elise S1 (lire ici) adorée en ligne droite. Cependant son empattement super court (2m) la rend extrêmement vive et les pilotes nous gratifiaient souvent de belles toupies.
Mais pour en revenir à son expérience, Pierre avait été charmé par la F16 et souhaitait changer la Caterham qui ne répondait pas à ses attentes. Il espérait la sortie d’une version plus performante et, accessoirement, stable de la petite Secma pour sauter le pas.
La commercialisation de la Secma F16 Turbo en 2016 tombait donc à pic pour tenter l’aventure. Et voilà Pierre et Brigitte possesseurs du 23e exemplaire (sur 72 avec le moteur 205ch) de la sportive la plus performante de la marque au Renard (du nom de son fondateur).
A bord de la F16 Turbo, le couple de passionnés a effectué 110 000km en 6 ans. C’est impressionnant ! D’autant plus que la Secma ne semble pas à premier abord la plus adaptée au grand tourisme. Comme quoi tout n’est que question de point de vue.
L’évocation de cette distance parcourue est suffisante pour bien comprendre que la F16 Turbo comble les attentes de Pierre et Brigitte. Cependant creusons un peu la question.
Quels sont les défauts de la Secma F16 Turbo ?
Pierre aime sa voiture, cependant il me fait rapidement un topo sur les petits détails qui agacent.
En premier lieu l’essuie-glace (unique). Ce dernier n’est pas assez grand pour balayer l’ensemble du pare-brise, rendant la visibilité peu agréable pour le (la) passager(e). Comme il n’a qu’une seule vitesse de balayage, il n’est pas toujours aussi performant que nécessaire.
Le second défaut concerne le chauffage. Déjà il est bruyant, mais surtout il est binaire : allumé on crame, éteint…Ben il est éteint.
Les autres défauts n’en sont pas vraiment. Pierre a modifié la monte d’origine pour les amortisseurs, passant sur des P2S spécifiques à multiples réglages (40 positions), ainsi que les pneus, échangeant les Michelin d’origine par des Avon typés pluie, rendant la voiture plus prévenante dans ses réactions.
Mais il s’agit ici certainement de modifications visant plus à aligner le comportement de la voiture avec les attentes du pilote que de corrections de défauts rédhibitoires.
Secma F16 Turbo : pour faire quoi ?
Pour Pierre, la Secma est l’outil idéal pour l’utilisation qu’il en a. comme rappelé en introduction, l’objectif était avant tout d’avoir une voiture adaptée aux longs roadtrips dans des contrées où le virage est roi.
Relativement confortable (pour une light) elle permet d’enchaîner les kilomètres sans trop de fatigue.
Son comportement prévenant aide aussi. Pas besoin d’être toujours sur le qui-vive à son volant. La Secma s’accommode tout à fait d’une conduite rapide le coude à la portière.
La Secma F16 Turbo s’avère de plus très fiable. Le seul problème rencontré ayant été un défaut de centrale électronique de gestion de l’accélérateur (Pierre avoue que le lavage haute pression directement appliqué sur le boitier n’était pas une bonne idée).
Mais s’il s’agit d’aller jouer sur circuit, la F16 Turbo fait aussi l’affaire. Ses performances et son comportement en font un jouet redoutable.
Bref, Pierre a trouvé l’outil parfait pour son utilisation. Et comble de bonheur, le tout reste abordable.
Moins de 10 000 € en 6 ans et 110 000 km (changements de pneus & amortisseurs compris), c’est tout à fait raisonnable pour ce type de jouet. En tout cas je vous mets au défi de trouver moins cher pour aussi original et performant.
Ce n’est pas demain la veille que Pierre et Brigitte se sépareront de leur petite française !
L’avis de l’essayeur occasionnel
Commençons par le physique. Car s’il n’y a pas de doute quant au côté sympa de la voiture, il faut quand même se faire à sa beauté relative. Personnellement je ne suis pas fan de cette face avant typée Citroën Ami 6. En présentiel, elle dégage cependant un charme certain. Au pire, si vraiment vous êtes réfractaire, la nouvelle version (F16 Turbo GT) présente une face avant plus conventionnelle. A savoir que ce nouveau capot peut s’adapter sur les versions précédentes.
Malgré ces 6 ans, la F16 Turbo de Pierre me semble en excellent état carrosserie. Cela s’explique par le fait que cette dernière, en plastique, est teintée dans la masse. Une excellente idée qui évite les éclats provoqués par les divers graviers que ces petites autos récoltent facilement.
A l’intérieur, le dépaysement continue. En particulier à la place passager dépourvue de planche de bord. Pas d’obstacle entre le torse et la base du pare-brise. C’est déroutant au début, mais finalement à quoi sert d’avoir une planche de bord (surtout si, comme dans une MX-5 ND il n’y a même pas de boite à gant) ?
L’assise est plutôt agréable, malgré des sièges au dessin étrange. L’assis est en effet en forme de « U », creusée entre les jambes. Ceci pour faciliter l’accès à bord. C’est visuellement déroutant une fois de plus, mais à l’usage on se trouve confortablement installé que ce soit en conducteur ou passager.
Pierre me fait d’abord une démonstration au volant de ce dont est capable la F16 Turbo. Non pas en repoussant les limites, mais en engageant une conduite dynamique qui reste adaptée aux conditions de circulation. Je suis surpris par sa décontraction au volant. Certes il connait par cœur la bête, mais la violence des accélérations tout en couple (il peut rester en 4e au passage d’un dos d’âne) ne l’empêche pas de ne tenir le volant à deux doigts comme s’il s’agissait d’une grosse berline tranquille.
L’amortissement reste assez souple pour mes vertèbres. Et en même temps la Secma F16 Turbo reste soudée au sol.
Nous roulons décapotés mais avec les portières en place. Dans cette configuration, les remous restent très mesurés et il est possible de tenir une conversation aux allures usuelles sans avoir besoin de hausser le ton.
Vient le moment de prendre le volant. Sur la Secma, le siège et le volant sont fixes, c’est le pédalier qui bouge. Je ne suis pas certain que cela convienne à toutes les morphologies. J’imagine que pour trouver une position qui convienne aussi bien à ma femme qu’à moi ce serait un peu compliqué (26cm d’écart).
En attendant la position de conduite de Pierre me convient parfaitement et c’est sans effectuer de changements que je prends la route.
Première constatation, le levier de vitesse a un débattement extrêmement court (bien plus que sur une MX-5). C’est agréable, mais cela le serait encore plus avec un guidage plus précis. Sans aucun doute avec un peu de pratique j’aurais gagné en efficacité. Pierre m’indique qu’il y a certainement quelques réglages à peaufiner de ce côté, mais la souplesse du 1.6L d’origine Peugeot – le même que l’on retrouve dans la Peugeot 308 GT de 4e génération essayé ici – est telle qu’il n’est pas nécessaire de jouer du levier pour déposer tout ce qui roule. Car sans aucun doute, la Secma F16 Turbo est performante. Les 4.8s promis semblent bien au rendez-vous.
Le plus étonnant reste la facilité de conduite de la Secma. Même en accélérant comme un bœuf, la voiture fait preuve d’une stabilité étonnante. Nul besoin de se cramponner au volant comme c’est le cas dans mon Elise. La F16 Turbo semble aussi stable qu’une voiture faisant 3 fois son poids. Mais quand vient le moment de tourner, elle reprendre l’agilité de ses 657kg. Vive, précise dans son placement, elle n’a cependant pas le toucher de route d’une Lotus. Il lui manque cette légèreté dans le train avant et encore un chouilla de précision pour arriver à la perfection d’une Elise S1 (lire notre essai ici).
Le freinage est puissant et facile à doser, mais là aussi le ressenti n’est pas parfait. Il manque de mordant. Peut-être un changement de plaquettes (EBC Green sur la voiture de Pierre) permettrait de gagner un peu en toucher.
L’avantage avec la Secma F16 Turbo, c’est que l’usine reste à l’écoute des clients pour faire évoluer la voiture et apporter ces évolutions aux exemplaires déjà livrés. Chez Lotus, les voitures neuves sont souvent imparfaites et c’est aux propriétaires de se débrouiller pour trouver les améliorations nécessaires.
Après une petite heure au volant, Pierre sourit en me voyant enchaîner les rapports 1-2-3-4-6. « La 5e ne sert à rien tant le couple est important ». Je confirme, en utilisation GT il est presque possible de n’utiliser que les rapports 2-4-6.
Cela met d’autant plus en exergue le manque de repose pied (le passage de roue à l’avant gauche mangeant bien l’espace qui lui serait dédié). Un défaut qui n’en sera un que lors des passages en ville ou des sorties circuit éventuellement.
Je suis donc séduit par cette Secma F16 Turbo. Amusante, performante, efficace, facile à vivre et finalement bon marché à partir de 42 770€ avec seulement 240€ de malus (132g CO2/km), cette sportive française a tout ce qu’il faut pour rendre heureux son conducteur. Et vu la pauvreté de l’offre en sportive en cette période, il faut se féliciter d’avoir une telle auto disponible à la vente.
Merci Pierre pour cet essai. Tu as raison, c’est une super auto à tous les points de vue et je la verrai bien un jour partager le garage avec ma petite Elise. A la Lotus les balades en club, et la Secma les sorties circuit avec un engin qui envoie fort.