Tandis qu’à Paris les constructeurs semblent principalement s’excuser de proposer des voitures, Genève est le salon européen du plaisir mécanique. Ainsi, au détour des allées avons-nous eu le plaisir de croiser autant de belles machines que de grands noms de l’univers automobile mondial.
Place en premier lieu aux préparateurs. En règle générale, j’avoue ne pas avoir une grande appétence pour les véhicules transformés. Comment un atelier pourrait-il en effet améliorer ce qu’un constructeur doté de moyens bien plus importants a mis des années parfois à mettre au point ?
Mais à Genève en règle générale, la personnalisation touche autant aux performances qu’au style. Et dans cette dernière catégorie bien entendu toutes les folies sont permises. Ainsi les Audi sont-elles boostées, repeintes en mat et recouverte de tous les matériaux imaginables par ABT ou MTM. Tandis que les Mercedes bénéficient des attentions de Carlsson ou Brabus. La palme revient au Classe G 6 roues de ce dernier et à ses éléments mécaniques plaqués or.
Mais les préparateurs ne sont pas les seuls dépositaires du mauvais goût. Cas rare, c’est Aston Martin qui au niveau des constructeurs ayant pignon sur rue nous a apporté le plus flagrant exemple de loupé. Pourtant la digne marque anglaise est plutôt réputée pour ses joyaux. Mais il faut croire que les marchés émergents poussent les dirigeants à sortir de leur classicisme. Ainsi le Concept DBX de SUV Coupé électrique qui trônait au fond du stand semblait-il tout droit sorti du catalogue Toys’R US, tandis que la Vulcan m’inspirait plus un projet sorti en panique pour exister face aux Ferrari FXX-K et McLaren P1 GTR plutôt que le fruit d’une démarche réfléchie. Et que dire des feux arrière. Même les bikers en Harley n’osent pas de telles franges sur leurs manches !
Heureusement la marque nous gratifiait aussi de sa très belle Lagonda Taraf s’inspirant de celle des années 1970 dans un style bien moderne. Bonne nouvelle, elle n’est plus uniquement réservée aux pays émergents !
Au chapitre « c’est pas si mal mais j’espérais mieux », je nomine trois marques mythiques. En premier lieu Ferrari. Non pas que la 488 GTB soit laide mais l’évolution esthétique par rapport à la 458 reste tout de même très faible. Ceci dit l’Italia étant déjà extrêmement belle, il était peut-être difficile d’effectuer un relifting en profondeur. Pour ce qui est du moteur, on ne pourra certainement pas qualifier le nouveau V8 bi-turbo d’asthmatique avec ses 670 chevaux, reste à confirmer le talent des hommes du Cavalino pour le rendre aussi musical que son prédécesseur atmosphérique.
Le cas Lotus est plus épineux. Le simple fait que la marque soit présente sur le salon est plutôt bon signe après l’absence de Paris. La présentation d’une version évoluée de l’Evora, Evora 400, est aussi intéressante. Cependant le stand minuscule et l’absence des autres modèles de la gamme ne tendent pas à laisser penser que tout va pour le mieux à Hethel. Quant aux ambitions de cette nouvelle auto, il faut espérer qu’à l’instar d’Aston Martin, l’Asie et le Moyen Orient (et peut-être aussi les USA) ne partagent pas exactement les goûts des clients européens.
Reste McLaren. La P1 GTR est magnifique, mais tellement exclusive qu’on aura plus vite fait de passer la nuit avec Angelina Jolie que d’en avoir une entre les mains.
La 675LT s’avèrera certainement exceptionnelle à piloter mais j’ai le sentiment qu’elle usurpe son identité. Peut-on véritablement parler de « Long Tail » juste en rajoutant un “bequet” à l’arrière ? Merci quand même à la marque de nous avoir exposé une véritable « Longue Queue » avec la magnifique F1 GT.
Palme des marques ayant pour devise « on ne change pas une équipe qui gagne » : Porsche et Audi. Avec les nouvelles 911 GT3 RS et Cayman GT4, Porsche continue à décliner une vieille recette en l’améliorant à chaque fois. Et ça marche. La Cayman GT4 est des plus excitants et va certainement tailler des croupières aux Lotus Exige S V6 Cup. La 911 GT3 RS quant à elle a rarement été aussi agressive. J’ai particulièrement aimé les écopes de frein dans les ailes avant. Bestial !
Chez Audi, l’évolution de la R8 apporte deux bonnes nouvelles. D’une part cela démontre la volonté de la marque de rester à long terme sur le créneau des super sportives. D’autre part, j’avoue que sans véritablement révolutionner le style de la R8 originale, la nouvelle mouture s’avère très moderne et rapidement identifiable.
Chez Corvette aussi on fait dans la continuité. La Z06 n’est pas véritablement une nouveauté sur le salon mais elle en impose assez pour mériter quelques mots. Elle me réconcilie même avec le style de la C7 qui n’avait pas encore réussi à me convaincre.
Restons un moment chez les américains pour parler de Cadillac et Dodge. Chez Cad’, le modèle ATS-V parait des plus prometteurs. Une vraie alternative aux premiums allemands ? Chez Dodge c’est la qualité de finition qui a constitué la bonne surprise. Peut-être pas encore au niveau des meilleurs européens, mais loin du cliché fait de plastique recyclé que je me faisais de ces autos. A suivre donc.
Chez les constructeurs de super-cars, on trouve de tout. La GT Spano de Spania ne fait pas dans la finesse, autant pas le style que par la taille de son imposant moteur, tandis que chez Pagani on cultive toujours l’excellence sur chaque pièce de la Huayra. Bugatti présentait « La Finale » face à la première Veyron 16/4 produite. Il faudra désormais attendre quelques années avant de voir le prochain modèle.
Koenigsegg pousse encore plus loin les performances de l’Agera avec sa version RS et présente en parallèle la Regera qui, si elle ne rompt pas véritablement avec le design maison, le travaille de façon plus douce sur ce modèle hybride. Il y a même un petit air de Jaguar XJ220 dans le dessin des feux arrière.
La bonne surprise dans la catégorie vient du milliardaire James Glikenhaus. Sa SCG003S présentée en version route et version piste (pour les 24H du Nurburgring) est étonnamment équilibrée dans son dessin et ses diodes sur les flancs (trois ronds positionnés verticalement) font immanquablement penser aux voitures du Mans. Comme quoi il existe d’autres moyens de se démarquer en tant que milliardaire qu’en montant des roues en or sur sa Bentley…
Mais, comme dirait la pub, c’est pas fini ! Le meilleur du salon reste selon moi le message lancé par trois constructeurs généralistes. Les français Peugeot et Renault qui semblent à nouveau prêts à s’affronter au sommet du match pour les « petites » GTI. Alors que la 208 30th nous a emballé lors de son essai en début d’année, la marque au lion nous confirme sa production en série sous la dénomination « GTi By Peugeot Sport ». Il y en aura donc pour tout le monde et c’est une excellente nouvelle. La nouvelle Clio RS Trophy, forte de 220 ch, viendra-t-elle ravir la place de la 208 au sommet de la hiérarchie ?
Reste le cas Ford. En basant sa conférence de presse sous le signe de la performance, mettant en valeur les anciennes gloires (Escort Mexico, Sierra RS, GT40 originelle et GT 2005), le losange bleu nous a fait dresser l’oreille avant de nous éclabousser de plaisir avec la gamme sportive actuelle. Fiesta ST, Focus ST et nouvelle RS, Mustang et Ford GT 2015. Un festin de rois, avec Ken Block à notre table ! Nous espérons bien goûter à tous ces plats dans les mois qui viennent. En commençant très bientôt avec la Focus ST.
Je finirais par deux cas particuliers. En premier lieu RUF. Contre-exemple de mon pamphlet contre les préparateurs du début d’article. Si la qualité technique des préparations fait l’unanimité depuis des années, j’ai été bluffé par la qualité esthétique des modèles proposés. Une RUF, c’est beau !
Et enfin je ne peux passer sous silence le cas de Touring Superleggera. Après une Alfa Romeo Disco Volante et une Mini Roadster Vision déjà très réussies, la carrosserie italienne présente à Genève une Ferrari F12 « Berlinetta Lusso » du plus bel effet. Remplaçant l’agressivité naturelle de la F12 par des lignes plus douces mais sans mollesse cependant, le designer Louis de Fabribeckers charmant par ailleurs, nous gratifie peut-être là de la plus belle auto du salon.
Sans chercher l’exhaustivité des sportives présentées à Genève, il s’avère déjà que nous avons été gâtés avec celles évoquées ci-dessus. Le plus important est certainement de se dire que la passion automobile n’est pas finie. Le message général qui ressort de ce salon est que le plaisir est de retour. Enfin !
Crédit photos @ Joris Clerc
Très beau résumé écrit pour ce Salon !