Le rétrofit, cette opération consistant à remplacer un moteur thermique par un moteur électrique dans un véhicule existant, me trotte dans la tête depuis quelques mois maintenant. Dans 10-15 ans sera-t-il encore possible de rouler avec les voitures que nous aimons ? Une Lotus Elise, Caterham 7, Porsche 911, Mazda MX-5, Mini… toutes ces autos mythiques, plus ou moins abordables et utilisables facilement tant pour aller chercher le pain, partir en roadtrip ou s’amuser lors d’une sortie circuit seront-elles encore utilisables ?
Alors que BMW se lance dans le rétrofit avec la Mini classique, la majorité des constructeurs nous proposeront surtout des modèles neufs intéressants en électrique (je suis un optimiste), mais le plaisir de conduire à l’ancienne risque de devenir rare. Si ce ne sont pas les normes de pollutions qui tuent notre capacité à rouler, ce sera certainement à terme la raréfaction des stations essence…
Bref tout ça pour en revenir à mes réflexions : si je ne peux plus rouler en thermique, que va devenir ma chère Elise (lire ici) ? Restera-t-elle un objet de décoration dans mon garage ? Et s’il était possible de la passer à l’électrique sans en altérer (trop) les qualités ?
Imaginez : un petit moteur électrique pour remplacer le 1.8L Rover, ce n’est pas vraiment un sacrilège. Le 4 cylindres anglais n’était pas ce qu’on peut appeler une mécanique noble dont le chant hante les nuits des mélomanes.
Et à la place du réservoir, un pack de batteries permettant de rouler 200km.
Certes, il faudra oublier les grandes virées dans les Alpes et certainement les sorties circuit, mais pour la balade dominicale, ça pourra toujours le faire.
Bref, vivement que quelqu’un s’occupe de mettre sur le marché les pièces nécessaires à faire un rétrofit rapide et facile, adaptable sur n’importe quelle voiture !
Un cadre législatif exigeant
L’idée est belle. Naïve peut-être, mais belle. La réalisation est une autre paire de manches.
Si la règlementation en vigueur depuis l’arrêté du 13 mars 2020 semble donner un cadre plus facile à appréhender pour les industriels souhaitant se lancer dans l’aventure, se lancer dans une aventure rétrofit reste encore et toujours un pari risqué.
L’arrêté en question encadre strictement les conditions de réalisation d’un rétrofit, en insistant tout particulièrement sur la maîtrise de la technologie nécessaire pour faire fonctionner en toute sécurité un véhicule électrique. Car contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne suffit pas de poser un moteur électrique et des batteries au fond du coffre pour qu’une voiture thermique, initialement pensée et réalisée par des industriels qualifiés, devienne un véhicule électrique aux qualités préservées.
Pour des raisons de sécurité donc, un certain nombre d’impératifs doivent être respectés : résistance à la chaleur, au froid, aux chocs…
De même, au vu de la facilité relative à extraire de la puissance d’une motorisation électrique, il est imposé une certaine homogénéité avec les performances d’origine de la voiture. Passer 500 ch dans une Lotus Elise, ce serait drôle mais pas forcément raisonnable sans changer toute la partie trains roulants et freinage. Par conséquent, les caractéristiques dynamiques d’origine du véhicule doivent être respectées au mieux (poids à vide équivalent à 20% près, puissance comprise entre 65 et 100% de la puissance d’origine, répartition des masses entre les essieux…). N’espérez donc pas, via le rétrofit, gagner les chevaux qui vous manquent en thermique.
Il est à noter que la législation ne permet pas à ce jour de rétrofiter un véhicule ayant une carte grise « collection ». Il semblerait qu’il soit possible cependant de rebasculer sur une carte grise normale un véhicule immatriculé en collection, mais après quelques recherches sur les sites gouvernementaux, j’ai un doute sur la facilité de la manœuvre, même si elle reste théoriquement faisable. Avis aux lecteurs, si vous avez une expérience sur le sujet…
Les limites du rétrofit plaisir : sacrifices financiers et auditifs
Si les aspects technique et administratif du rétrofit sont déjà une gageure, l’aspect financier rend définitivement l’équation compliquée.
Entre l’homologation d’un pack batteries seul et l’homologation du véhicule complet, il faut compter pas loin de deux cent mille euros. Sans compter le coût de conception du « kit de transformation » pour un véhicule spécifique.
La transformation d’un véhicule, une fois le kit réalisé, varie forcément en fonction de la voiture d’origine, des performances et de l’autonomie souhaitée : 9000 € pour une Citroën 2CV, environ 30 000 € pour une Mazda MX-5 NC et près de 45 000 € pour une Porsche 911. Ces tarifs n’incluant pas la voiture donneuse. Il est aussi à noter que plus la voiture sera moderne (sachant que la loi impose que la voiture ait au moins 5 ans), plus il sera difficile de la « rétrofiter » du fait des plus nombreuses aides électroniques d’origine qu’il faut conserver.
C’est là qu’apparaît le paradoxe : pour rentabiliser la conception, fabrication et homologation d’un kit puis l’installer dans une automobile, il faut pouvoir garantir un certain nombre de véhicules transformés. La loi française est alors adaptée si l’on cherche à électrifier des voitures courantes. Comme les véhicules utilitaires des administrations et collectivités locales. Les Citroën Berlingo ou Renault Express qui par ailleurs ne dépassent que rarement les 20 ou 30km quotidiens.
Mais quand il s’agit de véhicules plaisir, youngtimers ou collection, ça se complique fortement.
Les voitures populaires semblent naturellement de bonnes candidates : Citroën 2CV, Austin Mini, Renault 4CV… Des performances modestes et une utilisation tranquille ne nécessitant pas une grosse batterie. Elles sont par ailleurs répandues et s’il participe au plaisir global, le moteur thermique n’est pas le centre de ce plaisir malgré tout. Il est donc possible d’envisager une production à (relativement) grande échelle pour un tarif restant raisonnable comme le démontre le Méhari Club de Cassis avec sa 2cv rétrofitée.
Les sportives prestigieuses sont confrontées à une double problématique. D’une part elles sont souvent produites en nombre limité, d’autre part le moteur est souvent un élément crucial du plaisir ressenti. Ainsi une Lamborghini Countach perdrait une grande partie de son attrait sans son V12. Pareil pour une Ferrari 308, Aston Martin Vanquish ou une BMW M1. Petit volume et peu de propriétaires prêts à sacrifier la mélodie du moteur thermique, l’investissement est déjà beaucoup plus aléatoire.
Entre ces deux extrêmes, il existe une catégorie plus discutable : les sportives à motorisation « roturière », telles les GTi des années 80 et 90 et les roadsters du début du siècle : Mazda MX-5, BMW Z3, MG F et TF, Fiat Barchetta… Dans cette catégorie, le volume est présent et la perte du moteur thermique n’est pas forcément critique. Par ailleurs la valeur marchande de ces autos les rend encore compétitives, après rétrofit, par rapport à des modèles neufs encore inexistants ou rares dans ces catégories. Rouler en MX-5 NC électrique au quotidien pour le prix d’une MX-5 ND neuve « écologiquement malussée » (lire notre comparatif MX-5 ND 2.0L 160 vs 184), est-ce un bon plan ? Je vous laisse libre de la réponse. Mais c’est en tout cas la proposition de E-Roadster (lire l’essai ici).
Reste le cas de certaines sportives mythiques mais diffusées largement. La Chevrolet Corvette et la Porsche 911 par exemple. Dans ces deux cas, le moteur fait partie intégrante du plaisir, mais la forte diffusion des modèles peut envisager un investissement dans la réalisation d’un kit rétrofit. Pour motoriser une voiture dont le moteur aurait rendu l’âme par exemple ? Contrairement aux roadsters cités précédemment, le tarif de base pour une voiture donneuse est plus élevé (en particulier pour l’Allemande, même en version 912 à 4 cylindres), et les besoins de performance plus importants aussi. La transformation sera donc plus onéreuse. Mais le manque de concurrence en neuf justifie l’offre. Pour savoir si le plaisir est là malgré la perte du fameux 6 à plat, nous attendons de pouvoir essayer la 911 rétrofitée par RoadSport Electric cars.
L’offre rétrofit en France commence donc à revêtir une certaine réalité, même si les aspects administratifs sont encore très contraignants pour ceux qui se lancent dans la transformation de modèles plaisir. C’est encore un pari osé pour un client potentiel de se lancer dans l’aventure. Mais la structuration de la filière rétrofit autour d’une association de professionnels (AIRe) permet d’entrevoir des solutions de plus en plus réalistes et un futur possible pour nos belles dans les années électriques à venir.
Tout à fait d’accord avec votre analyse, surtout concernant la noblesse mécanique.
Mon rêve ce serait une DS/ID/DSuper en électrique, le modèle est courant, le moteur était raté d’entrée de jeu et l’image futuriste qu’elle porte toujours en serait décuplé. Comme daily ça serait au top.
Mais à quel prix…
Si seulement nous pouvions avoir la même législation en la matière que les anglais.