Que l’on aime ou pas la version française de la mythique émission Top Gear, il faut bien avouer que RMC Découverte apporte une touche de fraîcheur dans le panel des émissions automobiles nationales. Et puis essayer de comprendre comment a pu se monter le projet, comment se déroulent les tournages et quels sont les projets à venir est toujours intéressant.
La soirée, organisée par la production, se tenait au restaurant Auto Passion Café porte d’Orléans à Paris, lieu de rassemblement de bon nombre de “petrolheads”. Sans aller jusqu’à prétendre que c’est une de mes cantines, j’avoue retrouver les lieux avec plaisir, que ce soit pour une soirée entre amis comme une soirée club. En guest stars : Bruce Jouanny et Le Tone. Philippe Lellouche étant excusé pour cause de représentation théâtrale.
Stéphane Gillot, réalisateur de l’émission me raconte que la genèse du projet est une initiative bien française, lui-même ayant depuis plusieurs années milité pour cette version nationale et ayant fait la proposition d’une charte à la BBC pour décliner le concept dans l’hexagone. Un combat de plusieurs années pour arriver au résultat actuel. « Nous avons une totale liberté de ton et de contenu, c’est uniquement sur le budget qu’il y a discussion avec la production ». Car contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas open bar dans les moyens mis à disposition. Chaque caméra, chaque drône semble faire l’objet d’âpres négociations.
Il faut avouer que les moyens à déployer pour la réalisation de chaque sujet laissent rêveurs. Ainsi le staff nécessaire pour le reportage sur la Lamborghini Aventador SV du premier épisode de la deuxième saison a nécessité une trentaine de personnes pour l’intendance et le tournage !
Revenons d’ailleurs sur le reportage en question. Il semble faire l’unanimité auprès de toutes les personnes à qui j’en ai parlé : c’est le meilleur reportage de l’émission depuis ses débuts. En effet les images sont splendides, mais c’est surtout le texte de Bruce Jouanny qui fait mouche : « J’ai écrit deux versions après ma première journée au volant. Une version assez classique, puis une version en 4 paragraphes plus personnelle. C’est cette dernière version qui a plu à l’équipe et a finalement été retenue ». Bravo Bruce, pilote et scénariste… Manquerait plus qu’il soit sympa en plus !
Si les sujets dédiés à un véhicule sportif sont de belles réussites, j’avoue être moins emballé par les « challenges » hebdomadaires. Le concept marche depuis des décennies en Angleterre, c’est certainement parce qu’à chaque fois les trois présentateurs ont un objectif à atteindre : démontrer la qualité de fabrication des voitures produites par British Leyland, ou un postulat de départ partagé comme « acheter une Porsche pour un budget de 3 000£ ». Chez nos trois hôtes français l’objectif de démontrer que leur choix est le meilleur ne transparait pas, et au final il en ressort l’impression qu’il ne s’agit que de faire les cons et de casser les autos à la fin du sujet.
Voici à ce jour ce qu’on appelle poliment un point d’amélioration pour l’émission. Mais n’oublions pas qu’il ne s’agit là que de la seconde saison de l’équipe et voici ci-dessous quelques raisons d’espérer que d’ici quelques mois ou années, la version France arrive à maturité.
La première raison est que l’équipe ne manque pas d’idées et sait les faire passer. Pour le reportage sur la Porsche 918 Spyder (épisode 3 saison 2), le grand circuit de 13,63 km des 24 Heures du Mans a été ouvert à l’émission. Ce qui nécessite de nombreuses validations (préfecture, mairie, ACO, etc…) et une intendance de plusieurs centaines de personnes. Certes la mise à disposition n’aura pas permis de faire véritablement un tour chrono, mais pour la beauté des images c’était déjà un exploit.
La seconde raison tient en la personnalité des présentateurs, en tout cas à celle des deux que j’ai eu l’occasion de rencontrer ce jour. Commençons par Bruce (prononcez Brousse) Jouanny. Déjà un vrai pilote, désolé mais ça m’inspire le respect. Quand ce dernier peut se targuer en plus d’un certain palmarès (Formule Renault, Formule 3, 24H du Mans…), je dis « Monsieur Jouanny ». Donc quand il parle d’une voiture de sport de la trempe de l’Aventador ou de la 918 il sait ce que signifie « rapide ». Bon… après comme tous les pilotes pro, quand on arrive à en parler de leur voiture quotidienne, ou même de leur voiture de rêve on se rend compte que le référentiel n’est pas le même que pour les « gens normaux » :
Automotivpress : « Bruce, quelle voiture as-tu en daily ? »
Bruce Jouanny : « J’ai une Audi SQ5 préparée par MTM c’est pratique pour balader mes jouets »
AP : « OK…C’est clair c’est plutôt sympa pour un camion diesel, ça chante bien même… Et quelle serait ta voiture de rêve ? »
Bruce : « Alors une Audi RS6, la dernière, ou alors un break Mercedes E63 AMG, c’est sympa aussi »
AP : « Oh, allez, c’est clair ce sont de super voitures, mais c’est quand même pas super fun ! »
Bruce : « Ah mais la RS6 c’est super sportif !!! »
AP : « Mouais… Mais pour aller arsouiller sur de belles routes avec des virages, il y a mieux non ? »
Le Tone : « Et la Radical, t’as bien aimé non ? »
Bruce : « Oui, t’as qu’à marquer la Radical 🙂 »
En conclusion, quand t’es habitué à piloter des sport-protos ou des monoplaces, tu te fais chier avec une berlinette sportive sur la route… Ça se tient.
En attendant on espère revoir bientôt Bruce en course, peut-être dès cet été dans la Sarthe ? Affaire à suivre…
Abordons le cas du Tone à présent. C’est marrant car quand on le rencontre, il est à la fois comme dans l’émission, un genre de Pierrot lunaire sapé comme Richard Gotainer, et très humble, marrant (pour de vrai) et attentif aux autres.
Le Tone : « Je fais gaffe à ce que je mange, je veux perdre du poids pour me lancer en compétition cette année. Pauline [Ducamps de l’Usine Nouvelle – NDLR], tu finis pas ton jambon ? »
AutomotivPress : « Ah, sympa le projet, c’est quoi comme compétition ? »
Le Tone : « Je peux pas le dire normalement, mais comme t’es sympa je te file le scoop : c’est la ***** ! »
(Désolé, j’ai promis de rien dire, mais pour vous mettre sur la voie : ça a quatre roues, dont 2 à l’avant. Je vous laisse méditer là-dessus…)
AP : « En tout cas c’est un super projet. Mais sinon, tu as quoi comme voiture actuellement ? »
Le Tone : « J’ai une vieille BMW 325 E30 que j’adore. Stéphane [Gillot], si tu veux plus de tes frites tu peux me les passer ? »
AP : « Cool ça, et en voiture de rêve tu as quoi ? »
Le Tone : « Ben si je devais acheter une auto aujourd’hui, ce serait une Skoda Superb Break, ça fait bien le boulot, au moins aussi bien qu’une Passat pour moins cher »
AutomotivPress : « …?! »
Le Tone : « Ok, bon sinon j’adore la Nissan GTR, ça envoie du lourd et c’est pratique pour me balader avec ma femme et mes filles. Puis c’est moins parfait qu’une Porsche. J’aime bien les autos qui ont des défauts, ça ajoute du charme. Sinon j’aime pas trop les voitures égoïstes. Bruce, si tu veux je t’échange le reste du fondant au chocolat qui traîne là contre ton Tiramisu »
AP : « Ok, c’est cool la GTR, mais allons au bout du délire, pour vraiiiiiment se faire plaisir, quitte à être égoîste ? »
Le Tone : « Alors dans ce cas, quitte à vraiment kiffer, ce serait une vieille F1 des années 60. Une Honda, une des blanches avec le point rouge. Histoire de s’éclater sur circuit »
AP : « Ah oui, du genre la RA… quelque chose, RA272 peut-être ? En effet, c’est un bon délire d’égoîste ça ! »
Bon, Le Tone pilote en devenir, branché F1 « cigare » et globalement plutôt sensible aux japonaises mais pas seulement, ça me parle. Puis tout au long de la soirée, il transparaissait son intérêt sincère pour l’automobile. Le Tone ce n’est pas seulement le clown de l’émission, il a de vrais choses à dire sur l’automobile, j’espère qu’on aura l’occasion de s’en rendre compte dans les prochains épisodes.
Et puis même sans ça, un gars capable de recevoir des insultes gratuites sur sa page Facebook en restant aussi zen et détaché, ça aussi ça mérite le respect.
Il me restait une question dans ma besace pour nos deux hôtes. Une question difficile car elle mettait en ballotage les deux autres stars de l’émission :
AutomotivPress : « Bruce, Tone, une dernière question : si vous aviez le choix entre une soirée à discuter philosophie avec le Stig, et une soirée à contempler un beau paysage en silence avec Philippe Lellouche ? »
Les deux en cœur : « La soirée avec Philippe, il est trop chiant le Stig ! »
Bruce : « D’ailleurs il était là ce soir incognito, on l’a pas entendu »
Le Tone : « Il parait que ce serait peut-être une fille »
Bruce : « Ah bon ? La prochaine fois qu’on le croise, tu lui mets une main au cul, on verra comment il/elle réagit ! »
Le Tone : « Oh non, sinon je le/la coince dans les pneus et… »
Oui, bon, on va s’arrêter là. La soirée touchant à sa fin, il restait à participer au challenge sur Simulateur Ellip6. Ferrari 458 à Spa, il y a pire. Et clairement ce simulateur c’est quelque chose :
Temps de Bruce : 2’25’’
Temps du Tone : 2’38”
Temps AutomotivPress : 2’28’’
Sympa cette petite soirée en comité restreint pour visualiser le troisième épisode de la seconde saison Top Gear France avec les acteurs de l’émission. Intéressant à plus d’un titre : pour mieux comprendre comment l’émission se construit, quels sont les objectifs qui guident l’équipe et aussi pour rencontrer de véritables passionnés d’automobile. Alors oui, il y a encore selon moi des progrès à faire pour rendre ce rendez-vous incontournable et qu’on en parle avec autant de ferveur que des frasques de Clarkson / May / Hammond. Mais il faut bien commencer quelque part et il y a des signes encourageant d’un avenir radieux.
Crédit photos @ Toma De Saulieu (https://www.facebook.com/TheWorldTroughMyLens/) et Ph. Lagrange
