Suite de la Weissach Cup du Rennsport Reunion V à Laguna Seca avec les plus célèbres des protos Porsche des années 60’s/70’s, les 908 et 917 !
C’est parti avec une 908 Coupé de 1968.
Ce châssis 908-011 piloté sur le Rennsport par Thor Johnson s’est classé troisième des 1000 km de Spa 1968.
Malheureusement, des ennuis mécaniques ont écourté son weekend.
Profitons-en pour jeter un œil à travers la bête : Le pédalier est visible bonjour la sécurité !
Cette 908/02 châssis 021 nous vient du Brésil avec son pilote Dener Pires.
Préparée pour 1969, la version Spyder du proto 908 présente un avantage de près de 100 kg sur le coupé.
Cette carrosserie est celle de la première version de 908/02, révisée plus tard à cause de problèmes de portance. En effet, manquant d’appui à l’avant, les barquettes pouvaient s’envoler et ce malgré les flaps correctifs apposés sur l’avant.
La 908/02 a joué un rôle important dans le sacre de Porsche au championnat du monde des marques 1969, en raison de son agilité sur les pistes sinueuses comme à la Targa Florio ou au Nürburgring qu’elle remporte toutes deux.
Une autre auto de grand intérêt est cette exceptionnelle 908 LH de 1969.
La Langheck (longue queue) est le fruit ultime de la “philosophie Piech” en matière de développement : faire léger et surtout favoriser la finesse aérodynamique pour aller chercher la meilleure vitesse de pointe possible.
Pour cela il n’hésite pas à multiplier les carrosseries spécifiques selon les types de circuits. Ainsi la LH était réservée aux 4 temples de la vitesse : Daytona, Monza, Spa-Francorchamps et bien sûr Le Mans.
Sans les moyens actuels, le développement aérodynamique était empirique, et il n’était pas question de rechercher de l’appui (au contraire sans en avoir vraiment conscience, c’est plutôt de la portance qui était générée par ce type de carrosserie) mais de réduire la traînée.
La 908 LH est une merveille de technologie de la fin des années 60.
Elle comporte même une aérodynamique active : des biellettes reliées à la suspension arrière jouent sur le braquage des ailerons mobiles. Une détente de la suspension arrière provoque le braquage du flap situé du même côté. La voici justement en plein freinage en appui, avec le flap gauche braqué et le flap droit abaissé. C’est fascinant à regarder, voir la vidéo aéro active de la 908 LH en fin de l’article !
Toute l’aérodynamique de l’auto y compris les ailerons mobiles a été développée et validée avec seulement deux instruments de mesure : le chronomètre et le ressenti du pilote.
Malgré ces sophistications, la 908 LH est en réalité une auto extrêmement instable et très délicate à piloter à haute vitesse. « It scared me stupid », dira Brian Redman à l’issue des 1000 km de Spa.
Fidèle à la “politique Piech”, les 908 ont été produites en quantités importantes en 1968-69 mais les longues queues survivantes de nos jours se comptent sur les doigts de la main. Ce châssis 025 est la 908 LH au palmarès le plus fourni avec une victoire aux 1000 km de Spa en 1969 avec Jo Siffert et Brian Redman ainsi qu’une 2ème place à Monza. Elle est pilotée ce week-end par Gunnar Jeannette avec l’assistance du Gunnar Racing et ce de façon assez étincelante puisqu’elle va livrer un combat impitoyable avec les trois 917 auxquelles elle rend plus de 250 chevaux, voir ci dessus la vidéo de sa course en caméras embarquée, un vrai coup de cœur !
À tout seigneur tout honneur, intéressons-nous maintenant aux trois 917K en lice.
C’est la voiture de course “du siècle”, l’un des projets les plus ambitieux qui soient et qui a bien failli mettre l’entreprise Porsche toute entière en faillite. En 1968, la CSI (ancêtre de la FIA) a diminué de 50 à 25 le nombre de véhicules à produire pour homologuer une “Sport 5 Litres” capable de faire mordre la poussière aux prototypes 3 Litres (classe à laquelle Porsche venait d’accéder en construisant la 908). Ferdinand Piech relève le défi et présente la 917 au salon de Genève 1969. C’est très précisément la toute première, le châssis 001 que nous avons vu dans le premier reportage. Tout est là : une auto, une brochure, un tarif public… Il ne manque que les 24 autres exemplaires pour l’homologation. En vue de la visite de la CSI en avril, les 25 voitures sont montées à la hâte pour être alignées dans la cour de Zuffenhausen. Toutes les forces vives sont réquisitionnées, même les couturières. Piech s’installe dans 001 pour une démonstration de l’état de marche de la nouvelle « Sport ». En réalité, les 25 autos sont à des stades de finition très variés et bien peu disposent de tous leurs organes mécaniques !
Les débuts de la 917 sont catastrophiques. La mise au point est longue et difficile notamment en raison de l’aérodynamique. La carrosserie originale reprend presque exactement les recettes de la 908 LH, qui était déjà à la limite, mais avec 250 chevaux de plus, la 917 est littéralement inconduisible. La nouvelle venue est si terrifiante que les pilotes d’usine lui préfèrent la 908. Deux 917 d’usine écrasent néanmoins la concurrence au Mans en 1969 mais cela se solde par deux abandons et part la mort de John Woolfe, le premier client privé sur une troisième machine. De plus l’aventure coûte si cher qu’il est décidé qu’à partir de 1970, l’exploitation en course sera externalisée. Le team JWA de John Wyer sous les célèbres couleurs de Gulf se chargera des courses tandis que l’usine Porsche se concentrera sur le développement des 917. Fin 1969, l’aérodynamique de la 917 sera revue par les mécaniciens du team JWA. L’arrière sera littéralement découpé pour aboutir à la 917 K, telle qu’elle entrera dans l’histoire avec son profil caractéristique. Elle est enfin conduisible !
Faire courir de telles machines en 1970 comme en 2015, outre le risque financier en cas d’accident, n’est pas chose aisée tant elles sont compliquées à utiliser. Le moteur 12 cylindres à plat est une monstrueuse et capricieuse usine à gaz, les châssis tubulaires ; comprenant les circuits d’huile et sous pression afin de détecter des failles structurelles (le pilote confiant sa vie à un manomètre) ; sont fragiles comme le verre et bien sûr, le pilotage est extrêmement pointu.
La 917 était même si complexe que le team JWA a préféré renoncer à quelques raffinements pour éviter des ennuis de fiabilité, par exemple en installant son propre circuit d’huile hors des tubes du châssis !
La voiture numéro 2 de Bruce Canepa est le châssis 015.
Cet exemplaire a un pedigree certain, puisqu’il est le vainqueur des 24 Heures de Daytona 1970 avec Pedro Rodriguez et Leo Kinnunen pour la première apparition des 917 sous les couleurs de Gulf.
Les deux stars du team JWA sont un pilote maison, Rodriguez, et un pilote officiel Porsche, Siffert. Pour identifier rapidement les deux voitures du team, celle de Rodriguez porte une simple bande orange et son profil est uniformément bleu.
On peut voir la fenêtre additionnelle sur le toit permettant d’améliorer la visibilité sur le “banking” de Daytona et qui ne figure que sur les 917 destinées à cette piste.
La numéro 21 de Chris McAllister est le châssis 016.
Jamais restaurée ni transformée, elle ne cache aucun des stigmates accumulés au cours des années. Cette auto présente des états de service assez impressionnants avec trois victoires majeures au cours de la saison 1970 : Brands Hatch, Monza et Watkins Glen. Tous ces succès reviennent là aussi à l’équipage Rodriguez-Kinnunen, dans son mano à mano avec la voiture sœur de Siffert-Redman. Elle figure également aux 24 Heures du Mans aux mains du même équipage.
Comble de la classe, McAllister court avec une combinaison d’époque et même le casque de Rodriguez ! L’histoire ne dit pas si ce sont des originaux mais on a l’impression de remonter le temps !
Avec sa patine d’époque, cette 917K respire l’authenticité, c’est l’une des plus fantastiques à regarder évoluer même si les chronos nous montrent que Bruce Canepa roule légèrement plus vite.
La troisième 917K est le châssis 009 de Charles Nearburg. On en sait peu sur l’histoire récente de cette auto qui n’a pas été vue depuis des lustres. Elle semble avoir été remise en état récemment pour le Rennsport et son authenticité semble confirmée.
Cette 917 arbore la bande s’élargissant sur les côtés propre à la machine de Jo Siffert
Côté faits d’armes, le châssis 009 ne s’en laisse pas conter puisque c’est tout simplement la première 917 à remporter une course, à Zeltweg à la fin de la saison 1969, avant que les solutions aérodynamiques ne soient trouvées pour rendre la 917 pilotable. Elle fut donc convertie en K comme toutes les 917 produites en 1969. Elle a disputé ensuite les 12 Heures de Sebring 1970 avec Siffert et Redman.
Également présente la 917/30 de l’australien Peter Harburg.
Après le bannissement des “Sport” en Endurance fin 1971 à cause de la domination de la 917 et du niveau de performance jugé déraisonnable, la 917 a connu une deuxième carrière en Can-Am sous forme de barquette turbocompressée. La version ultime est la 917/30 et ses 1500 ch qui en font peut-être la voiture de course la plus extrême et la plus terrifiante de l’histoire.
La domination de Mark Donohue et du team de Roger Penske lors de la saison 1973 a été telle qu’elle a causé le déclin de la catégorie.
Ce châssis 917-30-005 n’a jamais couru, il s’agissait d’un châssis de réserve et l’auto n’a été assemblée qu’à la fin des années 70 par Porsche pour être vendue à un client VIP.
Peter Harburg évolue de manière plus prudente que les 4 leaders. Vu la bête, on peut le comprendre.
La course, si elle est remportée sans grande surprise par Bruce Canepa devant Chris McAllister et Gunnar Jeannette, a en réalité été de toute beauté avec de superbes batailles entre les leaders.
Vidéo Porsche 908 LH active aero