Porsche aux 24 heures du Mans : 6 vainqueurs dans la Sarthe
24H du Mans Historique Porsche

Porsche aux 24 heures du Mans : 6 vainqueurs dans la Sarthe

Porsche aux 24 heures du Mans
Porsche aux 24 heures du Mans

On y est enfin, c’est la grande semaine des 24 Heures du Mans et cette édition aura une saveur particulière. Si vous voulez mon avis, cette saveur est un peu amère car je souffre quasi physiquement de ne pas avoir le droit de mettre un pied du côté de la course la plus prestigieuse du monde. Qu’on se le dise, avec des tribunes vides l’événement sera avant tout digital… Fichu Covid. Autre fait rare, leur tenue en septembre, ce qui devrait faire la part belle aux lumières d’automne et donner un rab de nuit (oui, en tant que photographe je suis en deuil). Le Mans en septembre, c’est déjà arrivé, en 1968. Cette année là, la légendaire GT40 Gulf de Pedro Rodriguez et Lucien Bianchi s’imposait en Sarthe, devant deux prototypes d’une jeune et ambitieuse marque allemande : Porsche.

La longue histoire d’amour entre Porsche et Le Mans a débuté dès 1951 avec une présence ininterrompue et des victoires innombrables dans les catégories inférieures, mais en cette fin des années 60, la débauche de moyens va permettre à la marque d’accéder à son graal et d’enfin remporter le classement général en 1970. Voici exactement 50 ans. En juin. Fichu Covid (bis).

Pour célébrer ce cinquantenaire, les camions du Porsche Museum ont libéré, un soir de fin août sur la piste du Mans, 6 de ses voitures gagnantes du Mans. Pedigree garanti et vérifié !
Il ne faut pas beaucoup d’imagination pour deviner que ce spectacle aurait pu, aurait dû, nous être réservé “en public” en juin ou même en septembre, et que la pandémie en a décidé autrement, et a quelque peu gâché les retrouvailles. Des parades et une exposition auraient sans doute pu se tenir. Mais contentons nous d’un événement digital et de ces magnifiques photos de famille.
Détaillons un peu les 6 machines qui se sont offertes à l’objectif du talentueux (et jalousé :)) Rémi Dargegen pour ce shooting à huis clos.

Porsche aux 24 heures du Mans
Porsche aux 24 heures du Mans

1970 – Porsche 917 K – Châssis 023 – Hans Herrmann/Richard Attwood

Faut-il vraiment présenter l’héroïne de cette année ? En 1970, la 917 acquiert une victoire implacable lors d’une course détrempée. Mais la gagnante n’était pas dans les favorites, contre des machines d’usine Gulf et des modèles à longue queue affûtés pour les longues lignes droites et pour certains possédant un moteur réalésé de 4,5 à 4,9 L. Mais finalement, c’est une “modeste” K à “petit moteur” qui réussit l’équation de la tenue en piste, de la fiabilité et de la régularité. Le châssis 023 n’est pas la propriété de Porsche mais d’un éminent collectionneur sud-américain qui l’a largement prêtée à la marque depuis 2019 pour différentes expositions. Son historique est bien connu et comporte une rocambolesque histoire d’échange de plaques de châssis, menant un collectionneur japonais à la posséder pendant près de 20 ans sans savoir qu’elle était la première Porsche victorieuse des 24 Heures ! Sans doute la Porsche la plus importante de l’histoire.

Porsche 917 K
Porsche 917 K #023

1971 – Porsche 917 K – Châssis 053 – Helmut Marko/Gijs van Lennep

Deuxième succès dans la Sarthe pour Porsche et la 917. Encore une fois, si la victoire d’une 917 reste dans la logique de la saison, ce n’est pas la 917 que l’on attendait qui s’impose : Trois longues queues sont favorites (2 chez Gulf et 1 chez Martini). Pire, cette 053, dernier châssis “coupé” construit, est expérimentale : Afin de gagner du poids, son châssis tubulaire est réalisé en magnésium au lieu d’acier. Seuls 3 exemplaires ont été construits dans ce matériau, dont 2 ont été détruits en essais, elle est donc unique. Etant expérimentale, elle a été engagée seulement comme “joker” de l’écurie Martini Racing Team (au côtés d’une longue queue et du fameux cochon rose) et confiée aux pilotes les moins confirmés de l’équipe. Ceux-ci n’étant même pas, semble-t-il, mis au courant du fait que leur châssis était en magnésium et donc risquait de se transformer en brasier au moindre choc. Quel farceur ce Dr Piëch ! Au terme des 24 Heures c’est une victoire nette et sans bavure, avec en prime un record de distance qui tiendra 39 ans ! C’est certes la dernière année avant l’apparition de la section des… virages Porsche, pour remplacer le trop risqué secteur de Maison Blanche.
Le châssis 053 a été retenu par Porsche après la victoire, et ne roule plus jamais depuis. Il est vrai que d’une part l’auto est inestimable, et d’autre part, il n’existe pas d’informations sur le vieillissement d’un châssis 917 en magnésium de 49 ans d’âge. Et si c’était elle, la Porsche la plus importante de l’histoire ?

Porsche 917 K
Porsche 917 K #053 (au centre n°22)

1981 – 936/81 – Châssis 003 – Jacky Ickx/Derek Bell

Pour 1982, la FIA se prépare à introduire de nouvelles règles, le Groupe C remplace l’ancien Groupe 6 des prototypes avec au centre de la réglementation technique, des contraintes de consommation. Née en 1976, la 936 a déjà remporté les 24 Heures à deux reprises en 1976 et 1977. Ayant loupé la passe de trois en 1978 (victoire Alpine, lire ici), les 936 sont hors sujet en 1979 avant d’être mises au rencart en 1980. Une voiture court bien les 24 Heures cette année là, mais sous initiative semi-privée sous la désignation 908/80 et avec un châssis construit par Joest. Mais c’est une autre histoire.
Afin de tester le moteur prévu pour le Groupe C, les 936 sont sorties du musée en 1981 et engagées une dernière fois pour les 24h. La voiture de Ickx/Bell s’impose au terme d’un tableau de marche limpide (aucune alerte, que des ravitaillements de routine).
Le châssis 003, troisième et dernière 936 construite par Porsche reste la propriété du musée. Des trois exemplaires, les trois ont remporté les 24h du Mans !

Porsche 936/81 #003
Porsche 936/81 #003 (au centre n°11)

1987 – 962C – Châssis 006 – Hans-Joachim Stuck/Derek Bell / Al Holbert

Il en fallait bien une pour symboliser les 6 victoires consécutives de l’ère Groupe C avec les 956 puis 962, de 1982 à 1987 ! Il s’agit de la dernière en date de la voiture la plus victorieuse de la décennie, la Groupe C par excellence, au terme d’une lutte rugueuse avec les Jaguar et d’une hécatombe inhabituelle dans le camp allemand à cause de la qualité d’essence fournie lors de la course qui ne convenait pas aux modules de gestion électronique. La voiture victorieuse est passée à deux doigts de la casse moteur !
Le châssis 006 est resté la propriété de Porsche et est fréquemment utilisé en démonstration.

Porsche 962C #006
Porsche 962C #006 (à gauche n°17)

1998 – 911 GT1-98 – Châssis 003 – Laurent Aïello/Allan McNish / Stéphane Ortelli

Une 16ème victoire et un doublé providentiel pour les 50 ans de Porsche, à contre-courant du cours de la saison dominée par les Mercedes ! Nous sommes ici dans l’ère des GT1, ces machines folles de la fin des années 90, véritables prototypes mais qui grâce à une interprétation quelque peu “limite” des règlements par les constructeurs, ont donné lieu aux plus mythiques supercars.
La 911 GT1-98 est la 3ème itération de la 911 GT1, et une véritable rupture. C’est simple, au delà des phares (et encore, seulement la vitre !) et des feux, il n’y a aucune pièce en commun avec une 911 contemporaine. Mieux, le type 9R1 selon son code interne, est tout bonnement la première monocoque carbone du constructeur allemand. Mais ces efforts pour mettre à niveau une 911 GT1 qui avait déjà souffert de la concurrence de Mercedes en 1997 ne suffiront pas tant les GT1-98 seront constamment dominées par les CLK-LM en FIA GT. Pire, au Mans apparaissent les redoutables Toyota GT-One d’André de Cortanze. Mais pour finir premier, en premier il faut finir, et au jeu de la fiabilité c’est Porsche qui tire les marrons du feu. 5 châssis seront construits, dont 4 subsistent à ce jour, tous dans les mains de Porsche.

Porsche 911 GT1-98 #003
Porsche 911 GT1-98 #003 (en haut à gauche n°26)

2017 – 919 Hybrid – Châssis 1702 – Timo Bernhard/Brendon Hartley / Earl Bamber

19ème et dernier succès en date pour Porsche, celui-ci a été acquis assez périlleusement, cette voiture ayant été fortement retardée en début de soirée et la voiture sœur ayant été perdue sur panne mécanique en fin de matinée alors qu’elle menait. Toyota étant complètement passé au travers (lire ici), s’en est suivi un délicieux suspense au cours duquel toute la question était de savoir si la Porsche numéro 2 rescapée et engagée dans une remontée sans fin, allait réussir à refaire son retard sur l’Oreca LMP2 du Jacky Chan DC Racing (lire ici). Ce fut chose faite une heure avant l’arrivée. Quelques jours plus tard était annoncé l’arrêt du programme LMP1 Hybride. Ultra technologique avec son V4 de 500 chevaux assisté d’environ 400 chevaux électriques, elle n’en restait pas moins limitée par la réglementation, et on a pu voir en 2018 quelles étaient ses capacités réelles quand Porsche a donné le feu vert à ses ingénieurs pour se lâcher en dehors de toute réglementation : 5 min 19 s 548 pour la 919 Hybrid Evo sur un tour du Nürburgring, nouveau record absolu, effaçant les 6 min 11 s 13 de Stefan Bellof et de sa 956 en 1983 !

Porsche 919 Hybrid #1702
Porsche 919 Hybrid #1702 (n°2)

Pour aller plus loin, relisez nos articles sur l’histoire de Porsche aux 24 Heures du Mans :
Téloché le garage de l’équipe Porsche, partie 1 et partie 2,
Rennsport Reunion V, Laguna Seca : Legend of Le Mans,
Porsche 917, elle fête ses 50 ans et Cinquantenaire du Concorde et de la 917, histoires croisées.

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