Nous avons eu l’occasion d’échanger avec Jean-Philippe Imparato, DG de Peugeot, lors du Mondial de Paris. La gamme, les orientations techniques et stratégiques de la marque, Mr Imparato nous dit tout.
Jean-Philippe Imperato : On est en train de faire face à une transformation assez exceptionnelle, on veut la faire vivre à nos clients sous un mode particulier.
C’est sur ces mots que l’entretien commence. Mr Imparato rebondissant sur la présentation de la superbe e-Legend Concept pour nous tracer les grandes lignes de la philosophie de la marque pour les années à venir. A la base de cette philosophie donc, une réflexion menée avec Gilles Vidal : “Le futur « science-fiction » à base de wagons de RER autonomes est anxiogène”.
JPI : Et pour lutter contre cela Peugeot a choisi 3 mots :
– Sérénité. Après 200 ans d’histoire, l’électrique n’est qu’une révolution de plus. Grâce à un choix de 2012 de mettre le SCR dans les voitures afin d’être au niveau de dépollution attendu par le régulateur.
– Plaisir. Il n’y a pas d’incompatibilité entre zéro émission et plaisir de conduire. Tous les produits Peugeot jusqu’à 2023 vont porter le sceau du plaisir. Zéro compromis sur le style. Peugeot laissera le choix de prendre le volant quand on aura envie ou laisser la voiture conduire.
– Simplicité. Les différentes normes sont difficiles à comprendre par le réseau et les clients. Le message est « Achetez votre Peugeot, choisissez votre moteur. Ce qui est plus fort que tout c’est la marque ». Les plateformes peuvent aborder le moteur que vous voulez.
Retenons donc ce mantra qui nous promet encore quelques années de passion. L’espoir reste de mise lorsque l’on se promène sur le stand au lion. Au delà de l’exercice de style e-Legend, il faut bien avouer que la gamme actuelle du constructeur a fière allure.
Peugeot et sa Responsabilité Sociale et Economique
Selon JP Imparato, la transition énergétique ne se fera pas à la même vitesse dans tous les pays, ni même dans toutes les villes. Ce qui semble assez réaliste. En fonction des énergies prédominantes dans les différents pays (du charbon à l’atome, en passant par les énergies renouvelables) et du développement des réseaux de recharge électrique, il faudra adapter les solutions à l’environnement du client.
Les équipes du réseau Peugeot devront appuyer leur argumentaire sur un discours coût total d’utilisation pour tous les clients.
Peugeot estime crucial d’amener toutes les équipes sur ce futur, avec par exemple l’incitation des jeunes en CAP ou BTS mécanique à se mettre à l’électromécanique.
Mais si les nouvelles normes d’émission de CO2 qui entreront en vigueur d’ici 2020 seront plus contraignantes pour les constructeurs, toutes les solutions pour répondre à cette réglementation ne seront pas vertueuse.
Dans la stratégie de Peugeot, la balance CO2 sera responsable. Il n’y aura pas des VE vendus à perte pour contre-balancer des « bad boys » à fort taux de CO2 mais gros rendement par ailleurs.
Pour cela le mix énergétique de la marque s’oriente vers 5 à 10 % de véhicules électriques et 15 à 20% d’hybride.
En parallèle un gros travail sur les infrastructures de recharge sera nécessaire pour rendre ce mix pertinent.
A une question sur l’hydrogène JP IMparato nous répond ceci : “Les sujets à maîtriser sont la sûreté de fonctionnement et les infrastructures qui sont aujourd’hui très chères. Ce sera peut-être faisable à partir de 2025-2030 mais cela dépendra en grande partie du client.l’hydrogène n’est donc pas la priorité de Peugeot dans les 5 prochaines années”.
Evolution des produits sur les aspects Electrique-connectivité-autonomie
JPI : La vraie question est « serez-vous prêt à payer une voiture électrique full autonome à 60 k€ ? Au travers de Customers Advisory Boards la question principale est de savoir jusqu’à quel point budgétaire les clients sont prêts à aller, car le contenu réglementaire nécessaire pour passer d’un step au suivant est énorme. Il n’y a pas de limites technologiques, la limite est l’acceptabilité du client, budgétairement parlant.»
Stratégie du groupe sur le positionnement des marques
JP Imparato commence par un rappel du positionnement de chacune des marques : “Peugeot : meilleur généraliste haut de gamme. Citroen : Inspirées par les gens. DS : le luxe à la française. Opel : Marque Allemande abordable.”
Il nous évoque ensuite une réunion trimestrielle des 4 marques pour revoir les codes de style de chacune des marques afin de ne pas dériver : “i-cockpit chez Peugeot : personne d’autre ne met les compteurs au-dessus des volants. Certains environnements colorés ou certaines prestations de confort sont la chasse gardée de Citroën.”
Puis vient une légère digression sur Opel/Vauxhall. Selon les études menées par le groupe, les Allemands ont une intense envie de retrouver Opel.
Le Sport sur la route
C’est le sujet qui nous tient le plus à cœur chez AutomotivPress. Quel est l’avenir des voitures de sport chez Peugeot ?
La réponse du patron n’est pas des plus enthousiasmantes. Les GTi’s ne seront pas abandonnées chez Peugeot, mais il n’y aura pas plus de modèles bad boys. Et ce ne sera repris qu’après avoir sécurisé le cap 2020 et ses seuils de CO2.
“Il n’y aura plus de thermiques à 300 ch” scande JP Imparato, oubliant qu’il n’y en a jamais eu (275 ch max pour la 308 GTi). Mais au delà des chiffres il faut donc envisager que la prochaine sportive de la marque sera hybride ou électrique.
Ce qui nous amène naturellement à parler du prototype e-Legend et de son futur. JP Imparato nous pose le tableau ainsi : “Pour la mettre en prod’ il faut un bon retour client (check), des volumes minimums (15 à 20 000 autos) et un prix de vente public acceptable (entre 60 et 70 k€). C’est faisable donc, mais la tranche de prix n’est pas si facile à cibler. Et ce ne sera pas avant d’avoir sécurisé le point de passage 2020”.
Il faut donc comprendre que cela restera encore un exercice de style sans lendemain.
En synthèse, que faut-il garder en tête après cette rencontre ? Que Peugeot va bien en premier lieu et c’est une très bonne nouvelle. Que Peugeot veut continuer à faire des voitures qui font envie aux amoureux de la “bagnole”, ce qui est encourageant. Mais qu’en contrepartie cela ne se fera pas n’importe comment. Si les voitures de tous les jours continueront à être désirables, les sportives sont rangées au placard pour quelques années et leur retour se fera après une évolution qui sera certainement la plus importante de tous les temps sur ce marché, aussi importante que le passage du chauffage par cheminée à celui par radiateur.
L’avenir se joue maintenant pour la voiture de sport. Le virage que prend l’automobile dans son ensemble n’épargnera pas nos jouets préférés. la balle est dans le camp des constructeurs.