Alors que les sportives de dernière génération arrivent de mieux en mieux à concilier performances, efficacité et facilité d’utilisation, la Lancer, dixième du nom, perpétue une certaine vision de la sportivité à la mode vingtième siècle. La Lancer n’est pas ce que l’on peut appeler une nouveauté. L’Evolution X est sortie en 2008, soit une éternité dans le monde des berlines sportives. Et d’autant plus depuis que la mode des répliques de championnes de rallye semble terminée, laissant place aux super GTi dont la puissance moyenne n’a cessé de progresser. Alors, faut-il en déduire pour autant que la Mitsubishi est dépassée, hors du coup ? Pas si sur…
Habitacle daté mais pilote choyé
C’est en tout cas la première impression qui se dégage lorsqu’on pénètre dans l’habitacle. Plastiques durs, ajustements à la précision toute relative. Les six ans d’existence du modèle sans évolution notable se font durement sentir. Et les choses ne s’améliorent pas lorsque l’on fait le tour des équipements sur cette version GSR : pas de système de navigation, de régulateur de vitesse ou de commandes au volant pour la radio.
Mais une fois cette première impression digérée, il est temps de prendre place dans le superbe baquet Recaro. L’assise est ferme tout en étant confortable, le maintien aux épaule étant quant à lui parfait. Le volant assure une bonne prise en main et à défaut d’être équipé d’une ribambelle de boutons, il se montre assez joli et surtout très agréable grâce à sa jante ni trop fine, ni trop épaisse. Dommage qu’il ne soit réglable qu’en hauteur et non pas en profondeur. C’est d’ailleurs le seul défaut d’ergonomie à même de nuire au plaisir de pilotage car de leur côté le pédalier est idéal pour pratiquer le talon-pointe tandis que le levier de vitesse, au pommeau petit comparé au standard actuel, se manie avec bonheur.
Enfin, me voilà prêt à partir à l’assaut de ma première spéciale de rallye.
Mécanique acérée
Forte de 295 chevaux, la Mitsubishi reste malgré son âge une sacrée machine à sensations. Son 2.0L n’est pas aussi impressionnant en terme de souffle que les derniers concurrents équivalents, mais il reste plaisant de par sa capacité à prendre des tours, puissance maxi à 6500 trs/min avec encore 500 tours avant la zone rouge juste pour le plaisir.
La boite 5 rapports est plutôt agréable, ferme mais précise. Son étagement court favorise la nervosité mais pénalise fortement le confort sonore à vitesse stabilisée, ainsi que la consommation. En effet si ce n’est pas l’argument déterminant lors de l’achat d’une sportive de cette trempe, il ne faut pas nier que cela nécessite un certain compte en banque. Car la Lancer n’est jamais aussi gratifiante que lorsqu’on la titille.
Châssis affûté
Mais sans ambigüité, l’efficacité de l’Evo X réside principalement dans son châssis. Grâce à ses quatre roues motrices, aux systèmes ACD (Active Center Differential) et AYC (Active Yaw Control), la motricité est telle que le système antipatinage semble totalement inutile. Même sous une pluie battante, mon démarrage sportif n’est entaché d’aucun patinage, arrachant l’auto vers l’horizon jusqu’au premier virage. Je saute alors sur la pédale de frein, l’auto s’écrase sur ses 4 roues, sans aucun effet de plongée et avec une stabilité rassurante. Petit coup de gaz pour un rétrogradage sans à-coup et j’inscris l’auto dans la courbe. La route est glissante et la Lancer commence à partir légèrement de l’arrière. Pas de quoi se sentir inquiet car à peine la dérive entamée, la voiture retrouve sa stabilité et en reprenant légèrement les gaz, elle reprend la trajectoire aussi sûrement que si des rails étaient apparus sous ses roues. Une reprise plus franche de l’accélérateur ne lui fait pas perdre de sa superbe et l’Evo X s’extrait du virage avec rage jusqu’à la prochaine difficulté.
Les courbes s’enchaînent dans un sentiment croissant de sécurité tant la voiture est rivée au sol. Il semble presque impossible de lui faire perdre pied sur route ouverte. Tout juste faut-il être prêt à remettre les roues en ligne brusquement quand on tente de la faire glisser dans des virages lents car jamais le grip n’est pris en défaut et on se retrouve vite à tourner plus que ce que l’on souhaitait initialement…
Une approche différente du pilotage
Le revers de la médaille de ce grip impossible à prendre à défaut, c’est qu’il favorise un pilotage brutal plutôt que la recherche en finesse. Dans l’enchaînement rapide que j’ai pratiqué avec toute sorte de voitures (sportive ou non, traction ou propulsion), il est impossible d’aller chercher la limite de la Lancer. Alors j’attends le virage serré et plus lent pour brusquer l’auto, histoire de la sentir enfin chercher (un peu) sa route. Me redonnant alors un minimum d’importance derrière le volant.
Au bout de deux jours d’essai, je ne peux qu’être totalement convaincu par l’efficacité de la Mitsubishi. La combinaison de son moteur puissant et de son châssis surnaturel en font encore aujourd’hui une sportive fascinante malgré son côté démodé par rapport à une concurrence qui a beaucoup évolué.
Un positionnement hors des modes
La Lancer incarne à la perfection la berline sportive ultime de la fin du vingtième siècle : priorité donnée au pilote avec le minimum de polyvalence permettant de déculpabiliser vis-à-vis du reste de la famille. Cela la démarque nettement des super GTi actuelles aussi à l’aise en ville qu’à l’attaque sur une route de campagne. Elle assume parfaitement son positionnement et mérite toujours sa place au catalogue.
Cependant son tarif paraît désormais difficile à assumer. Même si elle garde certainement encore l’avantage sur terrain glissant, son niveau de performance n’est plus aussi exceptionnel qu’il pouvait l’être à sa sortie. Aujourd’hui toutes ses concurrentes sont largement moins chères, mieux équipées et plus vivables au quotidien.
Une personnalité assumée
Mais contre vents et marées, la Lancer Evo X garde une personnalité qui lui est propre : celle d’une “rockstar” qui assume encore malgré ses rides un goût prononcé pour la provocation et refuse d’enfiler des pantoufles. Personnellement j’adore.
P. Lagrange
Crédit photos @ 6ix