Très honnêtement, lorsque Jaguar a annoncé la reconstruction des 6 derniers exemplaires sur la série de 18 de sa Type E Lightweight, nous avons eu du mal à la croire, imaginez que Ferrari annonce la reconstruction de quelques exemplaires de sa 250 GT, Porsche de sa 911 Carrera 2.7 RS, Lotus de son Elan 26R et Aston Martin de sa DB4 GT Zagato ! Il faut dire que depuis l’arrêt de la production de la Type E en 1975, celle ci a été abondamment copié avec plus ou moins de succès. Les meilleures versions modernisées étant les Eagle d’après Jeremy Clarkson de Top Gear.
Reconstruction strictement conforme à l’original
Le département Special Operations de Jaguar Land Rover a donc dévoilé aujourd’hui au Concours d’Elégance de Pebble Beach sa « nouvelle » Type-E Lightweight (prototype numéro zéro visible sur les photos), assemblée à la main sur le site historique de Jaguar à Browns Lane à Conventry en Angleterre. La nouvelle Type E Lightweight est la première « re-création » de “Jaguar Heritage“, qui fait partie du département Special Operations de Jaguar Land Rover. Cela signifie t il que d’autres modèles seront reconstruit ?
Ces six nouvelles Type E Lightweight recevront les numéros de châssis d’origine restants, initialement alloués en 1963 au projet “Type-E Special GT” prévu pour 18 voitures et qui n’avait donné jour qu’à 12 exemplaires, la dernière sortie en 1964. Comme Ferrari avec son département “Classiche“, le nouvel atelier de “Jaguar Heritage” est maintenant ouvert au public et propose des services de révisions garanties et de restauration de Jaguar anciennes. Vous l’aurez compris, cette nouvelle Type E Lightweight est donc un démonstrateur du savoir faire de Jaguar destiné à ses collectionneurs.
Pour la réédition de la Lightweight, Jaguar Heritage s’est appuyé sur les ressources internes ; compétences et expériences des nombreux ingénieurs et techniciens de talent travaillant déjà dans différents services du groupe ; de Jaguar en termes de conception, de design et de structures aluminium. Les spécifications comprennent une carrosserie en aluminium, tout comme les portes, le couvercle de coffre, le hard-top et le capot, le tout est assemblé selon des normes extrêmement strictes.
Le moteur XK six cylindres est semblable aux motorisations d’origine, avec un bloc aluminium, des culasses aluminium “wide-angle” et un carter sec.
Les voitures seront vendues ( 1 000 000 €uro l’unité) en tant que véhicules d’époque de compétition et homologuées par la FIA pour les courses automobiles historiques. Il faut dire que Jaguar a flairé le bon business du moment, les courses de véhicules classiques ayant trouvé un énorme succès auprès du public comme Le Mans Classic ou le Goodwood Revival.
La Type E Lightweight en détails
Pour les amoureux des automobiles anciennes que nous sommes, cette “reconstruction à l’identique” est un évènement très particulier et existant. Revue de détails…
Carrosserie
L’élément-clé de la Type E Lightweight est sa carrosserie aluminium qui a remplacé l’acier de la Type E de série pour gagner du poids soit -114 kg. Pour Jaguar cette caractéristique est important car les modèles actuels de la marque ; F Type et XJ ; sont assemblés à partir de carrosserie aluminium, faisant de la marque anglaise le premier constructeur mondial de véhicules en aluminium en grande série.
Pour la Type E Lightweight, il a été décidé de ne pas utiliser de matériaux ou de méthodes de production modernes. Même si des alliages haute résistance ou des soudures étaient invisibles, le design original n’aurait pas été respecté – et n’aurait pas été conforme aux normes d’homologation des voitures de course historiques.
Les techniques modernes ont plutôt été déployées pour rechercher la meilleure qualité qui soit et rendre les panneaux de carrosserie aussi fidèles que possible à ceux de la deux places découverte d’origine. A l’aide d’un scanner de pointe, les surfaces internes et externes de la carrosserie de la Lightweight ont été digitalisées.
Ce processus de digitalisation a permis aux ingénieurs Jaguar de parfaitement maîtriser les 230 éléments de la carrosserie de la Type E Lightweight. Leur forme a alors pu être optimisée avant que les données soit envoyées au centre d’ingénierie de Whitley. Même les panneaux invisibles à l’intérieur de la structure ont été fidèlement reproduits. Pour garantir une symétrie parfaite, l’un des côtés de la carrosserie digitalisée a servi de donnée de base ; elle a ensuite été “renversée” pour produire le côté opposé à l’identique.
Approximativement 75% des panneaux sont produits en interne à Whitley ; seuls quelques emboutissages de grande taille sont fournis par des spécialistes extérieurs utilisant des outillages dessinés par Jaguar. Les classes d’aluminium utilisées pour la structure et les panneaux sont pratiquement identiques en termes de propriétés mécaniques à celles des Type E Lightweight de 1963. La carrosserie est finie conformément au châssis de la Type E Lightweight n°12, sur laquelle Jaguar avait renforcé des zones-clé de la carrosserie. La structure aluminium est alors complétée par un capot, des portes et un couvercle de coffre en aluminium. Comme sur les voitures d’origine, un hard top aluminium est fourni de série. Le poids s’élève à 1 000 kg.
Un arceau de sécurité est monté d’origine, et la carrosserie est dotée de points d’ancrage pour une extension détachable à l’avant disponible en option. Les voitures sont assemblées pour répondre à une homologation FIA pour les véhicules historiques.
Moteur et transmission
La Type E Lightweight était motorisée par une version très développée du six cylindres en ligne de l’XK qui, avec son double arbre à cames en tête entraîné par chaîne et ses culasses aluminium avec leurs chambres de combustion hémisphériques, était en avance en 1963 malgré une première apparition sur la XK 120 dès 1948.
C’est ce moteur qui avait mené les Type C et D à cinq victoires au Mans dans les années 50. Le moteur de la Type E Lightweight est basé sur celui de 3 868 cm3 qui avait permis à la Type D de gagner le Mans en 1957. Une culasse “wide angle” semblable à de grandes soupapes est utilisée mais le bloc en fonte de la Type D est remplacé par un bloc en aluminium réduisant ainsi substantiellement le poids sur les roues avant. On le retrouve aussi sur la voiture actuelle, avec des chemises en acier embouti.
Autre élément important transféré de la Type D : le système de lubrification à carter sec. Une pompe de vidange récupère l’huile du carter et la renvoie dans un réservoir séparé sous le capot. L’arrivée massive d’huile est ainsi éliminée dans les virages rapides et donc le risque d’endommager les roulements ; une plus grande quantité d’huile peut également être utilisée.
Le taux de compression est de 10 :1. Les voitures d’aujourd’hui sont équipées de trois carburateurs “Weber 45DC03” qui étaient homologués par Jaguar pour la Type E Lightweight en plus du système d’injection mécanique – disponible en option (et monté sur la “voiture zéro”). Le collecteur d’échappement en acier emmène les gaz d’échappement dans deux lignes, les fait passer par un silencieux central vers l’arrière de la voiture où ils ressortent par deux sorties d’échappement polies.
Que ce soit avec les carburateurs ou l’injection, la puissance développe 340 cv à 6500 tr/min et avec un couple de 380 Nm à 4 500 tr/min. Un volant moteur léger à faible inertie, un embrayage monodisque et une boîte de vitesses entièrement synchronisée à quatre rapports courts sont montés comme celle de la Type E Lightweight de l’époque. Plusieurs rapports finaux sont disponibles, tous avec le différentiel à glissement limité “Powr-Lok”, mais un rapport final de 3,31 :1 est livré de série.
Un système électrique de 12 volts négatif à la terre est utilisé, et le moteur est doté d’un démarreur moderne à inertie. Les radiateurs à eau et à huile sont en alliage d’aluminium, le vase d’expansion est en aluminium et le réservoir d’essence cube 64 L.
Suspension, direction et freinage
Les suspensions à double triangulation à l’avant et indépendante à triangulation espacée à l’arrière (où l’arbre de transmission sert de bras supérieur) sont configurées selon les pratiques sportives de l’époque, avec des amortisseurs renforcés contrôlant les barres de torsion à l’avant et les quatre ressorts hélicoïdaux à l’arrière. La direction à crémaillère de la Type E de série est reprise, avec le traditionnel volant en bois. Des disques de frein plus grands (305 mm) sont montés à l’avant alors que les freins arrière sont repris de la Type E de série.
Les jantes de 15 pouces sont du style perforé de l’époque et sont, comme à l’origine, en alliage de magnésium. Leur largeur est de 7 pouces à l’avant et 8 pouces à l’arrière. Elles sont équipées de pneumatiques de compétition Dunlop, de section 6,00 à l’avant, 6,50 à l’arrière, en composé CR65.
Sources CP Jaguar
Belle reproduction en effet… Je dois avouer qu’il vaut mieux ça qu’un restylage par saison… au moins, on retrouve les modèles qui ont fait leur renommée et les 1 000 000 € valent bien cette voiture de collection.
Superbes toutes ces infos et tous ces détails ! Les photos mettent vraiment bien en valeur la qualité de la réalisation.
Une Jaguar Type E Lightweight neuve, ça fait rêver quand même. Pour répondre à “Bonnin”, je pense que cette expérience restera limitée, en effet Jaguar complète la série inachevée en 1964…
Merci pour ce reportage très détaillé, très intéressant !
Je pense que cela va lancer la mode des copies conformes chez les constructeurs. Autant les Mini, GT40, Fiat 500 étaient des copies moderne de leurs descendantes, autant ces Type-E, comme copie conforme sont un phénomène unique pour le moment (même si le monde des répliques est belle est bien présent, et il y a d’ailleurs des très belle choses). Qui sais, peut-être aurons nous un jour une copie made in jaguar de la XJ13 !
En tout cas merci pour cette article !