Nous publions une interview de l’époque (1999) du Président de Ferrari-France, Monsieur Daniel Marin, afin de bien comprendre le contexte du projet F40 LM et sa participation en compétition.
Bien que l’engagement en compétition ait toujours été une réalité pour Ferrari France. Quelle raison principale vous a incité à lancer le projet F40 Corsa ?
Cela remonte à une période plus ancienne, c’est à dire quand nous avons commencé avec la 308 Rallye, à l’époque l’on poussait déjà l’usine à fabriquer des voitures clients plus légères, plus sportives, disons en séries spéciales. Le commendatore Ferrari disait à l’époque que c’était très difficile de faire des voitures légères et quand est née la 308 Rallye, qui pesait 950kg, il fut très surpris d’arriver à un tel poids. En résumé, il s’est dit, il y a des possibilités, on peut faire quelque chose d’où la naissance de la 288 GTO. Toute suite, la GTO étant construite, nous fîmes la GTO Evoluzione qui devait courir en Groupe B. A l’époque, j’avais une divergence de vue avec le commendatore Ferrari qui voulait faire du circuit alors que j’étais plus favorable au Rallye avec des épreuves tel que le tour de France, le tour de Corse. Évidemment avec un pilote compétent et de qualité, c’est une voiture qu’il aurait fallu conduire sur la route. Il a donc été construit trois voitures GTO Evoluzione, ces voitures terminées le Groupe B était supprimé. Abandon de ces voitures qui furent vendues à des collectionneurs. Puisque la voiture avait été préparée, équipée, testée, de là vint l’idée de faire la F40 client, sur la base de la GTO Evoluzione. Et sur la base de la F40 Client, nous pensâmes pourquoi ne pas continuer à faire une voiture de course. Ferrari était tout a fait d’accord, le directeur général Razelli de même. Nous prîmes la décision de fabriquer deux voitures pour nous engager en GTC. Les voitures fabriquées, le GTC n’existait pas et cela après avoir eu les assurances à l’époque de la FIA et FISA. Le GTC était un projet mort-né. Il fallait bien faire quelque chose de ces voitures. Il y avait une possibilité, c’était de les faire courir en Amérique, en IMSA, d’où la décision finale. C’était une suite logique.
Vous l’avez précédemment dit , la F40LM devait participer à la compétition européenne GTC, au dernier moment elle n’existait plus . Néanmoins, votre décision de vous engager au États-Unis en catégorie IMSA fut-elle immédiate ?
Oui, nous avions les voitures. Nous avions déjà eu l’expérience de la GTO Evoluzione où trois voitures avaient été construites pour aller directement au musée. Nous ne voulions pas recommencer avec la F40.
Pour la première fois, de mémoire de Ferrariste, un importateur engage seul un modèle en compétition. Pour être plus précis, les 250GTO, 250GT, 365GTB/4, 365 GT/BB, BB512, etc…ont toujours été développées parallèlement et présentées conjointement en compétition par des concessions phares : Ferrari France, NART, Scuderia Filipinetti, Francorchamps, etc… Au commencement, ne vous êtes vous pas senti “isolé” sur ce projet ?
Non, dés l’origine du projet, pour des raisons d’intendance, il eut été très difficile de préparer plusieurs voitures. Ferrari réalisa deux châssis. Puis le projet évolua avec des voitures clients que ces derniers firent courir ou non, puis il y a eu la GTE. Mais bon, il fallait déjà prouver que cette voiture marchait. Maintenant je peux ajouter une chose, c’est que faire des courses en Amérique catégorie IMSA, c’est un peu aujourd’hui comme le sport-proto en Europe. Comme le disait le Commendatore Ferrari cela se rapproche plus des courses de chevaux que des courses automobiles. C’est à dire que si vous gagnez on vous impose un leste ou alors un “restricteur” plus petit pour que vous attendiez les autres, ou l’on vous enlève de l’appui aérodynamique. C’est plus des courses spectacles que des courses automobiles. A la limite avec ce genre de courses automobiles vous pouvez faire gagner qui vous avez envie.
C’est pour le moins direct !
Mais c’est la vérité. Maintenant en proto ISRS, c’est pareil, le gagnant est lesté de 40Kg à chaque fois. Alors si on n’appelle cela de la course automobile.
Lors de la phase de développement, si le staff technique fut stable, plusieurs pilotes se succédèrent sur les différentes pistes d’essai, pourquoi ne pas avoir nommé un pilote d’essai titulaire ?
Quand nous avons commencé fin 89, c’était une fin de saison. Il était difficile d’engager un pilote pour deux mois, chose que nous avons essayé de faire mais en cours d’année ces personnes avaient des contrats avec d’autres “maisons”. Donc nous prenions les pilotes au coup par coup. Nous avons fait essayer le maximum de pilotes pour avoir le maximum d’avis sur les réglages, tenue de route, etc..
Votre équipe était constituée de membres Français et Italiens, la logistique inhérente à cet exode forcé ne fut-elle pas un problème aussi bien pour le développement de la voiture que pour la gestion du team durant la saison IMSA ? Comment avez vous réglé les problèmes inhérents à l’éloignement ?
Non, il n’y a jamais eu de problème. Vous savez entre les français et les italiens tout le monde s’entend très bien. C’est la même façon de voir les choses et puis ce sont des gens qui travaillent pour Ferrari depuis de tellement nombreuses années qu’ils ont tous la même passion. Il n’y a aucun problème. La seule chose que je pourrais dire, c’est que les italiens ont du mal à s’adapter à la vie outre-atlantique. Il fallait faire venir des containers de pâte, d’eau minérale, de mozzarella. C’est la seule différence dont je me souviens.
Vous étiez le seul team européen engagé dans ce championnat. Connaissant le protectionnisme Nord Américain en sport-auto, votre arrivée dans cette compétition a-t-elle été bien perçue par les autres concurrents ?
Oui, elle était bien perçue. L’organisateur était très heureux que Ferrari vienne. Cela revalorisait leur championnat. Mais comme je vous l’ai dit, le problème était surtout la réglementation.
A votre avis, existait-il des différences majeures entre votre voiture et celles de la concurrence ? Notamment concernant le moteur et le châssis ?
Sur le moteur non, mais concernant le châssis oui, pour nous la base de la voiture était une GT puisque nous devions courir en GTC. A l’origine c’était une base GT. Les voitures de nos concurrents étaient de véritables protos qui n’avaient plus rien à voir avec la voiture d’origine. Le moteur était avancé, reculé. En fait l’architecture de la voiture n’était plus du tout la même. Les dés étaient un peu pipés mais ce n’était pas la faute des autres concurrents, c’était la notre puisque nous avions fait une voiture pour le GT, pas pour l’IMSA.
Le team a obtenu 5 podiums sur 8 courses. Fin 90 la voiture était de plus en plus performante, n’avez-vous pas regretté de vous retirer à ce moment ? N’était-ce pas trop tôt à la vue des performances réalisées par les F40 GTE dans les années qui suivirent ?
Ce n’était pas une volonté d’aller en IMSA, de plus il nous fallait faire des voyages incessant tous les quinze jours en Amérique et cela posait beaucoup de problème. Je l’ai regretté à l’époque bien que nous n’ayons pas la voiture construite pour ce championnat là. Néanmoins nous avons participé à ce dernier pour faire quelque chose, nous ne pouvions pas de nouveau laisser ces voitures aller directement au musée. A l’époque, l’on aurait pu dire ils font des voitures pour les musées.
Que sont devenues vos deux F40 LM (79890,79891), pourrions-nous les revoir un jour sur un circuit en France ?
Elles sont à Lyon. Ils nous arrivent de les faire tourner.
Pour faire suite à cette épopée de la F40 LM, aurons-nous la chance que Ferrari France engage un modèle actuel dans un championnat GT, catégorie GT2 ou GT3 ?
GT2 non, Ferrari n’a pas l’intention de préparer une GT2. GT3, je crois qu’il en est actuellement question sur la base d’une Modena, nous verrons plus tard. Mais vous n’êtes pas sans savoir que le challenge nous prend beaucoup de temps. GT3, je ne dis pas non. C’est possible si Ferrari construit une voiture sur la base d’une Modena Challenge future.
Source Club Cavallino Rosso
Philippe Campana
Bonjour Jean-Claude,
Effectivement, Daniel Marin est un personnage entier avec une très forte personnalité et un charisme hors norme. Contemporain d’Enzo Ferrari qu’il a côtoyé, Daniel Marin n’a eu de cesse que de promouvoir Ferrari en France avec les Ets Ch. Pozzi, au travers du sport automobile. On lui doit notamment l’engagement de modèles mythiques en rallye ou en endurance comme la 308 GTB ou les 365 Daytona GTB4 et BB 512 LM. Il repris l’importation Ferrari en France avec Ch. Pozzi au début des années 60 lorsque la “Franco-Britannic” céda l’affaire. Il détenait 50% du capital de Ferrari France. Homme d’affaire aguerri, il a la réputation d’être très dur durant ces 40 ans de négoce Ferrari où il commença comme responsable commercial. Il fut bien secondé par Gérard Chainet et Thierry Decerisi.
Monsieur Daniel Marin a éte mon patron chez Ferrari a Levallois-Perret. J’aimerais tellement le revoir, c’est un homme bien, avec lui il y avait un esprit de famille au sein de Ferrari France. Je ne l ai jamais oublié, pour moi c’est un exemple. De la part de son “ambassadeur” au service pièces détachées de 1992 a 2006.
Malheureusement, cela fait longtemps qu’elles ne sont plus sur Lyon… Google devrait aider à les retrouver… 🙂
Merci pour ces souvenirs. Sachant que les autos sont sur Lyon et qu’elles tournent parfois (?), il ne reste plus qu’à les voir de près…