Après la présentation détaillée du modèle, passons derrière le volant.
Honnêtement, j’ai longtemps attendu la rédaction de cet article. Il est vrai que les meilleures choses ont besoin de patience et dans le cas présent l’adage se vérifie. Je refusais l’essai d’un modèle pré-2012, le considérant non abouti. Malheureusement trouver un modèle du bon millésime s’apparente à l’ascension du « Doigt de Dieu » … massif de la Meije. Finalement la sagesse paiera mais longue fut l’attente.
Saisissant une rare « occasion » chez Lotus Lyon, je fis bonne pitance d’une Evora S IPS.
D’une livrée Ardent Red, un rouge basique mais rutilant, la voiture adopte les jantes d’origine 18’’/19’’ teintées gris anthracite. Je suis conquis, superbe ! Greffé du Pack Premium Sport, la finition intérieure conquiert tout blasé, le passepoil s’harmonise parfaitement avec la peinture extérieure. Pas de Pack Tech sur notre modèle imposant la présence du régulateur de vitesses sur le volant, tant mieux, la mode des champignonnières sur le cerceau m’exaspère. Dernières concessions à la modernité, la présence d’une unité GPS Alpine montée à postériori et du réglage électrique des rétroviseurs finalisent la configuration. Notons que le modèle S reçoit d’origine le pack sport incluant des disques de freins ventilés AP Racing aux étriers rouges.
Une chance pour moi, cette Evora adopte une boite automatique IPS, tant décriée mais jamais essayé pour ma part, parfait pour ma carcasse usée et fatiguée d’excès en tout genre. Reste que la descente à bord de l’Anglaise, bien que facilité par un seuil de porte inférieur à celui d’une Exige, s’apparente au traditionnel exercice yogique « Lotussiens ». Décidément, ces « Tue-l’-amour » ne sont plus pour moi, je rêve d’une Morgan Plus 8 !
Confortablement assis, je règle les rétroviseurs électriques. Pied sur le frein, contact, depuis l’habitacle la sonorité du moteur se fait discrète. J’appuis sur le bouton D (Drive), lâche le frein, la voiture avance. Légère accélération et me voila parti, les rapports s’égrènent fluidement, 2ème, 3ème. Je laisse faire la boite et n’interfère pas son fonctionnement. En zone urbaine, la voiture se faufile avec dextérité, la direction assistée facilite l’exercice, rien de commun avec l’Exige V6, au premier abord l’Evora n’est pas une brute. La rétrovision nulle vous rappelle le caractère exotique du véhicule.
En rejoignant le périphérique, je me fais la réflexion d’être à bord d’une Elise, pas pour les sensations de conduite mais pour le champ de vision, les ailes plongeantes donnent l’impression de conduire une berlinette bien plus compacte que ne l’est le modèle. C’est très agréable. A chaque accélération, je retrouve la puissance de sa cadette Exige V6 S. Déjà je découvre un confort inconnu à ce jour dans une Lotus.
Arrivant sur l’autoroute, je donne une pichenette sur la palette droite, montant un rapport. En mode Drive, la boite repasse en full automatique après 10s si aucune activation des palettes. Autant vous confesser, vouloir jouer avec ces dernières sans le mode sport activité n’a aucun intérêt. Je teste seulement la réactivité de la boite et sa fluidité en mode manuel, verdict ; très correct. Restant en mode DRIVE, j’applique quelques franches accélérations, les rapports montent rapidement n’attendant pas un régime moteur élevé pour enclencher le suivant. Notez que je m’applique à freiner après chaque accélération redescendant parfois à une vitesse inférieure à celle du départ. Je veux comprendre le travail de la boite de vitesses, du bel ouvrage, aucun à-coup. Pour être honnête je m’attendais à beaucoup plus lent. Il n’en est rien.
Une courbe serrée se présente, je ne ralentis pas me contentant de placer la voiture et laisser faire, aucune correction appliquée au volant, la voiture ne bouge pas. Même si ma vitesse en ligne droite n’est pas « vertement » répréhensible, les lois de la physique imposeraient la réprimande en courbe mais avec une bonne visibilité l’exercice n’a rien de dangereux. A vrai dire une Exige V6 passe l’épreuve en rigolant du collecteur d’échappement mais je ne m’attendais pas à cette facilité concernant la « civilisée » Lotus. Surtout que ne gérant pas les rapports vous êtes sur des rails, pas de pompage.
Arrivant gentiment sur ma zone d’essai, je passe en mode sport. A cet instant, roulant à bas régime et vitesse faible, la voiture se métamorphose, instantanément le régime moteur grimpe plus vite, le pot se libère, les changements de rapports opèrent maintenant à haut régime. J’ « engage », la voiture bondit, je retrouve l’Exige V6 S, pourtant 255 kg les séparent ! (1182 kg vs 1437 kg : poids officiels plein fait).
Le pot éructe et l’accélération suivante me projette brutalement en avant, impressionnante la motricité ! Je vais enfin tester la boite et le châssis, je me cale rapidement en 4ème pour rester le plus clair du parcours sur ce rapport. En théorie, en mode sport si aucune pression sur la palette, la vitesse reste engagée au moins 30 secondes avant que la boite reprenne le contrôle. Avec le dernier Software IPS, le retour en tout automatique n’interviendrait plus. Peu importe, 30 secondes, c’est long, très long sur ce type de trajet, je passe donc mon temps à basculer entre 3ème et 4ème, très rarement en 5ème pour soulager en ligne droite. La voiture est impressionnante de stabilité, cela rappelle une Mclaren 12C dans les courbes rapides, même impression de main écrasant la voiture au sol.
L’asservissement hydraulique de la direction travaillant de concert avec une crémaillère parfaitement calibrée font merveille. Comme si des nano-lilliputiens observant le tracé routier aux jumelles interféraient sur la colonne de direction le moment venu. Après un comparatif de l’engin avec une 997 Carrera S PDK, je comprends pourquoi des journalistes Américains de Road&Track donnent l’Evora gagnante alors que les chronos favorisent l’Allemande, plaisir et implication du pilote les départagent.
Comparé à la version 280 cv, ce modèle S reçoit une barre antiroulis majorée ne détériorant en rien le confort de conduite. En sortie de virage, le travail des amortisseurs Blistein bien secondés par les ressorts Eibach assurent un appui solide, pas d’appréhension pour appuyer fermement sur l’accélérateur, les limites trouvant surement leurs frontières sur circuit, le TCS veille (Traction Control System). Notez un différentiel ouvert. Lotus pilote le train arrière en agissant dessus via l’EDL (Electronic Differential Lock). Evidement face à Mclaren et son brake-steer, la technologie embarquée est simple. Avec la transmission choisie, le montage d’un différentiel à glissement limité s’avère impossible mais peu importe, vu l’usage GT réservé au modèle nous en avons cure. Puissant, le freinage AP Racing fait merveille sur les entrées de virages en appui, j’imagine que l’ABS associé à l’ESC (Electronic Stability Control) et l’EBD (Electronic Brake Distribution) jouent un rôle majeur. Pas de trace de sous-virage non plus lors de mon essai « soutenu », là encore l’UR (Understeer Recognication) gère.
Mes premiers essais dynamiques terminés je cherche à « perdre » la boite, comprendre lui intimer des ordres stupides dans des situations anachroniques. Je veux comprendre son fonctionnement. Exemple, un virage large à 90° en montée, j’accélère fortement me calant en 3ème puis en plein milieu du virage, train avant allégé, ce qu’il ne faut jamais faire, je monte un rapport. Sur une Audi R8 E-gear, au Castellet et par trois fois sur le même exercice, j’eus droit à un « bang » déstabilisant le véhicule, merci la boite E-gear ! Imperturbable, l’Anglaise passe la 4ème et poursuit son chemin.
Maintenant, partant d’une faible vitesse stabilisée, j’accélère fortement en ayant pris soin de monter un rapport au préalable, la voiture rétrograde d’elle-même pour me projeter en avant. Tout en accélérant je presse la palette pour remonter le rapport, à ce moment je sens un à-coup, ce fut l’une des deux seules fois ou je perdis la fluidité des passages de vitesses. Que ce soit à la montée des rapports ou en descente, la boite réagira toujours correctement, me gratifiant d’un artificiel talon pointe au rétrogradage. Évidemment, ce n’est pas la boite double embrayage d’une Huracan ou 12C mais elle apparait plus performante que certains articles laissent à penser. La deuxième fois où je perdis la boite sera à l’arrivée d’un rond point en relâchant brusquement l’accélérateur, passant de 3ème en 2ème, la voiture fit un « en-avant », comprendre une rupture de couple dans le changement de rapport et cela dans un virage précédent un rond-point. Je suis fautif jouant trop sur le frein moteur. Je suppute un passage au point mort dans l’attente d’une correspondance de rotation entre stator et rotor du convertisseur de couple comme expliqué dans le manuel technique de la boite Toyota.
En fait, après moult exercices, j’arrive à la conclusion que cette IPS vaut largement une boite E-Gear, même beaucoup mieux. Je la trouve aussi exploitable qu’une boite F1 de 360 Modena.
Penchons nous maintenant sur la relative lenteur de l’IPS. En fait, le dit phénomène peut se traduire par un delta temps entre l’activation de la palette et le changement du rapport. J’ai constaté ce phénomène en rétrogradant ou accélérant là où un pilotage académique l’interdit néanmoins si vous freinez tout en rétrogradant ou accélérez en changeant le rapport au bon moment, comprendre à la bonne vitesse linéaire et au bon régime moteur, le delta temps s’évapore. La logique cognitive IPS anticipe l’action. Sur mon dernier protocole de tests, pilotant académiquement, je n’éprouvai aucune gêne.
Chose rare, je réédita trois fois mon parcours d’essai, autant pour m’assurer de mes observations que pour le plaisir. Oscillant en 3ème et 4ème, je ne me lasse pas des passages en courbes. Plus civilisée qu’une Exige V6 S, la voiture apparaît tout aussi ludique. Ma préférence va à l’Evora, plus gratifiante pour l’épicurien que je suis, après cela dépendra des aspirations de chacun. Contrairement à l’Exige V6, l’Evora ne vous gratifie pas d’un uppercut à chaque accélération.
Il est temps de conclure, j’oublie le mode sport et retrouve l’engin civilisé des débuts. Je traverse au pas quelques villages puis je finis par une portion « tôle ondulée », aucun problème, à 60 km/h la voiture vibre moins que ma Polo ! Avec ma 111R Pack Sport, mon squelette entrait en résonnance. Le retour s’effectue conduisant avec l’index gauche, le coude appuyé sur la porte. Maintenant relaxé, mes cervicales nécrosées me sanctionnent d’un douleur lancinante et mes lombaires implorent un massage. D’ailleurs, je pense qu’un réglage lombaire du siège ne serait pas un luxe pour les colonnes vertébrales en sucre. Un ex-propriétaire partage la remarque. Sachant l’Exige plus « violente», j’avais pris des précautions lors de l’essai, résultat, je suis plus marqué physiquement avec cette EVORA S bien que n’ayant aucun grief relatif au confort.
Entrant dans Lyon, l’engin se manœuvrant facilement, je choisis délibérément un trajet urbain chargé, je me faufile entre les voitures garées en double fil d’un coté et les poids lourds de l’autre, fastoche.
Me voila arrivé chez Lotus Lyon. J’ai adoré ce grand huit en habit du dimanche. Croyez-moi, cette Evora mérite les prix gagnés à sa sortie, son châssis est fantastique et son moteur bien vivant, à se demander comme certains le suggèrent si moteur rodé le cap des 350 cv n’est pas dépassé tellement cela pousse fort. Que de progrès faits par les sportives modernes depuis la Ferrari 328 GTB. Aujourd’hui cette simple Evora S est plus performante que beaucoup de Supercars des Eighties, comme d’autres d’ailleurs. D’occasion, l’Anglaise est cadeau pour qui sera l’exploiter et pour les autres vous profiterez d’un monument d’exclusivité. De même, une Sport Racer neuve se proscrit tellement la chose est rare.
Avec l’avènement de l’Evora 400, Lotus tourne une page de l’histoire d’Hethel. Le modèle troque l’élégance de Rosamund Pike pour celle de Jason Statham, une virilisation bienvenue ? L’avenir nous le dira. Peu importe, avec cette itération, Lotus rappelle que disposant d’une grande compétence et expérience « Tomorrow Never Dies ».
Un grand merci à Frédéric Decelle et Alexandre Bouvier, Lotus Lyon, pour le prêt de cette superbe Evora S IPS.
Superbe compte rendu !
Merci tout simplement…