Le japon a donné à l’industrie automobile de nombreuses sportives, devenues au fil du temps des icônes (liste non exhaustive) : Datsun/ Nissan 240 Z, 300 ZX, Skyline GT-R, Honda S800, Civic et Integra Type R, NSX, S2000, Lexus LFA, Mazda Cosmo 110S, RX-7, MX-5, Mitsubishi 3000 GT, Lancer Evo, Subaru WRX, Toyota 2000 GT, Corolla GT AE86, Celica, Supra…. Cette dernière a tiré sa révérence il y a 17 ans (Supra A80). En 17 ans, l’automobile a considérablement évolué, secteur en pleine mutation due à la transition énergétique. Produire un modèle sportif aujourd’hui n’est pas chose facile. Pourtant c’est la feuille de route qu’a fixé Akio Toyoda ; arrière petit-fils du fondateur Sakichi Toyoda, arrivé à la tête du groupe Toyota en 2009 ; à ses équipes.
Fan de compétition automobile, Akio Toyoda déclarait il y a peu : « A l’époque, j’ai passé de longues heures au volant d’une ancienne Supra sur le Nürburgring afin de devenir un Master Driver. La Supra est comme une vielle amie qui tient une place à part dans mon cœur. Alors que les autres constructeurs mettaient au point les magnifiques nouveaux prototypes qu’ils s’apprêtaient à lancer, je pilotais une vieille Supra qui n’était même plus produite. Donc, même si Toyota n’avait pas eu l’intention de concevoir une nouvelle Supra, comme tous ses grands fans dans le monde entier, je rêvais secrètement que cela arrive. La nouvelle GR Supra est née après des essais au Nürburgring et je peux dire en toute franchise qu’elle offre un très grand plaisir de conduite et qu’elle est meilleure que jamais. »
6 cylindres en ligne, moteur en voie de disparition
Chez Toyota, un yen est un yen. Aussi, quand en 2012 le projet de la Supra de 5ème génération (A90) est lancé, la marque nippone se met en recherche d’un partenaire capable de lui fournir un 6 cylindres en ligne, pièce maîtresse des précédentes générations de Supra (lire notre article ici). Klaus Fröhlich nouvellement nommé, en 2014, à la tête de BMW reçoit positivement cette demande. La même année, la présentation du Concept FT-1 évoque la future Supra (lire notre article ici). Les allemands travaillant sur le futur roadster Z4 (lire notre article ici), ce partenariat tombe à point nommé. D’une plate-forme commune, BMW aura un cabriolet et Toyota optera pour un coupé. Pour autant, un point très important aux yeux des Japonais n’a pas été retenu de suite par BMW : le rapport “empattement/largeur des voies” compris entre 1,5 et 1,6 (la Porsche 911 est à 1,6, la Ferrari 488 affiche 1,59 et la GT86 à 1,68 proche de l’ancienne Supra A80). Au départ, cette valeur était beaucoup plus importante. Les Allemands se sont finalement ralliés à la demande de leur partenaire nippon.
Le style de la nouvelle Supra A90 s’en ressent, étant un concentré du Concept FT-1. Les photos laissent apparaître un design purement japonais, manga diront certains, très clivant. Pour autant, en réel, dans l’espace routier, la Toyota GR Supra jouit d’un énorme capital sympathie. Nombreux sont les passants, les autres conducteurs ou passagers à la photographier, en action sur route et autoroute. Il faut reconnaître que la couleur « Lightning Yellow » de sa carrosserie ne fait qu’accentuer son côté spectaculaire. Elle ne laisse pas indifférent et sa plastique emprunte de flancs musclés marqués d’échancrures et prises d’air (parfois factices) en impose. La Supra A90 est compacte : 4,38 m de long soit 14 cm de moins que la précédente génération A80, largeur 1,85 m, hauteur 1,29 m et 2,47 m d’empattement soit 10 cm de moins que la Toyota GT86. Le profil est sportif avec son long capot avant, son habitacle décalé sur le train l’arrière, son becquet de coffre « canard » typé 911 2.4 RS.
Sous le capot ce n’est pas le 6 cylindres en ligne historique (2JZ-GTE) à double turbo que l’on trouve, mais le bloc 3.0L simple turbo à double entrée (twin scroll) BMW (B58B30M1) qui équipe notamment… le Z4 M40i (G29). Il développe une puissance de 340 ch (250kW) entre 5 000 et 6 500 tr/min pour un couple de 500 Nm de 1 600 tr/min et 4 500 tr/min, avec un régime maxi de 7 000 tr/min. Il est secondé par une boîte de vitesses automatique à 8 rapports issue de la banque BMW, d’origine ZF, avec palettes au volant en mode manuel, qui envoie puissance et couple sur le train arrière d’origine BMW (essieu à cinq bras, en aluminium).
Châssis aux réglages Toyota
D’autres éléments techniques portent le logo à l’hélice : papillon d’admission, turbo, durite de climatisation et de refroidissement, module d’antipatinage, poignée de porte, etc… A noter que les bras inférieurs de suspensions à l’avant (jambes MacPherson à double articulation en aluminium, butées hydrauliques) sont spécifiques à la Supra. Différences de carrossage et de chasse sont donc propres à la japonaise. Z4 et Supra partagent également les suspensions adaptatives, mais avec des programmations distinctes à chacune. La Toyota GR Supra repose sur des jantes de 19 pouces chaussées de pneus spécifiques Michelin Pilot Super Sport, 255/35 ZR 19 96Y à l’avant et 275/35 ZR 19 100Y à l’arrière. L’ensemble abrite des disques de freins ventilés Brembo de belle dimension 348 x 36 mm à étrier fixe 4 pistons à l’avant et 345 x 24 mm à étrier flottant simple piston à l’arrière.
La Supra A90 est équipée d’un différentiel actif pour améliorer le potentiel de traction et renforcer l’agilité en virage. La japonaise a hérité d’un des points faible des BMW : le poids. Avec 1 495 kg à vide en ordre de marche (1 570 kg en ordre de marche), répartit à l’équilibre 50/50 sur chaque essieu, la Supra accuse 110 kg de plus que la Porsche 718 Cayman S PDK (350 ch). Néanmoins, elle reste plus légère que la précédente Supra A80 (1,7T en ordre de marche). Enfin, le centre de gravité est inférieur à celui de la GT86 (1,25T), gage d’une tenue de route excellente.
D’après Toyota, la Supra A90 est presqu’aussi rigide que la Lexus LFA et son châssis carbone, ce qui lui permet d’afficher de belles performances : le 0 à 100 km/h est annoncé en 4,3 sec soit mieux que l’Audi TTS (306 ch, 1,4T, transmission intégrale) et proche de la Porsche 718 Cayman S PDK Pack en 4,2 sec (Pack Sport Chrono).
Tempérament de GT sportive
Autant le dire de suite, la Toyota GR Supra est une GT sportive réussie, pas une pistarde radicale, bien qu’elle réalise l’épreuve du circuit avec aisance, comme nous avons pu le constater lors de notre tour de piste des 24 Heures du Mans (lire notre article ici). Trois bémols l’empêchent d’être sereine dans cet exercice : une masse conséquente, une attaque de la pédale de frein trop molle et la lenteur de la boite de vitesse en mode manuelle. Mais le futur acheteur de la Supra A90 sera-t-il un adepte inconditionnel des circuits ? Ce n’est pas la cible de clients que Toyota a privilégié. N’oublions pas que la voiture a été développée avec BMW. Comme dans tout couple, chacun doit faire des compromis : un roadster d’un côté, un coupé de l’autre, le curseur de la sportivité n’a pas la même valeur pour chacun des partenaires.
Au quotidien, la Supra A90 se révèle être une formidable compagne de voyage. Elle est confortable, douce, polyvalente, dynamique, efficace, rapide et réactive. Elle se joue des terrains urbains, routiers et autoroutiers avec aisance. En mode automatique, la boite de vitesse égrène les rapports en silence (2 000 tr/min en 8ème à 130 km/h pour moins de 8.0L/100 !) laissant de ronronnement (trop) feutré du moteur vous parvenir aux tympans. Les suspensions adaptatives sont un régal, elles digèrent les imperfections du bitume sans malmener les occupants, bien maintenus dans les sièges baquets. A ce sujet, ces derniers sont fermes, avec une assise au ras du sol, réglables à souhait. Celui du conducteur est bien dans l’axe du volant. Je n’ai pas eu de mal à trouver tout de suite ma position de conduite. La direction ne souffre d’aucune critique même si elle pourrait être plus informative.
En mode sport (permettant un paramétrage individuel des éléments mécaniques), le châssis se révèle incisif, homogène et équilibré. Le train avant est précis, guidant parfaitement le reste de la voiture et le train arrière qui reste prévenant au déhanchement. Cependant la réactivité du kick-down, en mode auto, sur mauvais revêtement amène une vivacité du train arrière qui peut surprendre. Le moteur fournit puissance et couple à la demande avec facilité et linéarité. J’aurais aimé un peu moins de politesse, un caractère plus tranché et surtout un allant plus marqué au-delà de 6 000 tr/min. Clairement, les capacités du châssis et des trains roulants sont surdimensionnées par rapport au groupe motopropulseur. La Supra A90 revendique son statut de GT performante malgré la lenteur des passages de rapports de boite vitesses en mode manuel et le manque de mordant du freinage. Il faut appuyer très fort sur la pédale de frein pour avoir un résultat correct, testé sur la base militaire de Châteaudun lors d’un essai de VMax sous Launch Control. Vivement une version plus sportive, plus dévergondée, plus méchante, avec un ensemble moteur/boite (double embrayage) de BMW M4 !
Habitacle ergonomique
Construite chez Magna Steyr en Autriche, La Toyota GR Supra partage les lignes de montage de ce sous-traitant automobile avec BMW (Z4 et Série 5), Jaguar (I-Pace) ou Mercedes-Benz (Classe G II). Assemblage et finition sont à l’unisson. L’ergonomie est parfaite, levier et commandes sont bien placés. L’ouverture du coffre de 290 litres se fait par un bouton placé dans la contre-porte conducteur, rigolo. Les surfaces vitrées latérales étant mesurées, la vision de ¾ en marche arrière demande de l’attention.
Toyota a équipé la Supra A90 d’éléments intérieurs spécifiques : instrumentation numérique, volant, sièges électriques revêtus d’Alcantara, contre-portes,… La dotation est complète et reprend l’interface homme-machine issue de chez BMW : système multimédia avec écran 8,8 pouces, connectivité smartphone, 10 haut-parleurs, régulateur adaptatif, clé mains libres, GPS précis et réactif, aides à la conduite de série (Pack Safety+ : système pré-collision, détection des piétons, alerte de franchissement de ligne, avertisseurs d’angles morts, de collision arrière et de circulation arrière), radars de stationnement avant et arrière avec caméra de recul, ou phares adaptatifs !
Les seules options se résument au Pack Premium pour 2 000 euros : sellerie sport cuir noir, système audio JBL 12 haut-parleurs, affichage tête haute, chargeur à induction.
Conclusion
L’attente fut longue, 17 ans, mais Toyota a réussi le retour de la Supra, dont 50 exemplaires (tous vendus) seront alloués à la France cette année (sur 900 en Europe), 150 ex. en 2020 pour le marché français. La marque nippone a dû composer avec des contraintes environnementales, industrielles et technologiques comme nous l’a expliqué Tetsuya Tada, Ingénieur en Chef de Toyota Gazoo Racing, en charge de la Toyota Supra, lors de notre interview au salon de Genève (lire notre article ici). Les fans de la Supra seront-ils déçus ? Surtout, ils doivent se pose cette question : n’attendent-ils pas trop de cette nouvelle Supra A90, après une si longue absence, sur une planète automobile qui a tant évoluée ? Typée Grand Tourisme sportive, la Toyota GR Supra se révèle être une avaleuse de kilomètres, confortable, polyvalente, efficace et performante, donnant du plaisir de conduite. A 65 900 euros, ses concurrentes se nomment Nissan 370Z (328 ch, 40 K€, lire notre essai ici), Jaguar F-Type V6 3.0L Supercharged (340 ch, 73 K€) et Porsche 718 Cayman S PDK (350 ch, 73 K€). Nous ne retenons pas l’Alpine A110 (lire notre essai ici), beaucoup plus légère, agile et radicale. Pour répondre aux fans qui resteraient sur leur faim, espérons que Toyota Gazoo Racing produise une version plus affûtée, plus épicée “Wasabi”, qui aurait sa place dans la gamme Supra.
Nous remercions le Musée Aéronautique Canopée de la base militaire de Châteaudun BA279 qui travaille à la sauvegarde d’aéronefs réformés, non opérationnels. Plus d’infos sur le site internet du musée : http://canopee-chateaudun.fr/ .
Vous pouvez contacter son responsable, William Smith, pilote commandant de bord sur Boeing 737 300-900 (william-smith@club-internet.fr)