Remplacer un best-seller n’est jamais une mince affaire. Peugeot est au courant et l’a très bien su, dès lors que la question du remplacement du Peugeot E-3008 de deuxième génération s’est posée. Après plus de sept ans de carrière et un million trois-cent mille exemplaires, le SUV du Lion laisse sa place à une nouvelle version métamorphosée en un SUV fastback — entendez par là, un SUV coupé. Automotiv Press est allé le découvrir pour vous dans le Sud de la France, à Nice plus précisément.
Le Peugeot E-3008 : « A Star Is Born »
Place au contexte. À la sortie du premier Peugeot 3008, la presse s’est moquée du physique pas facile de notre SUV avec sa calandre coupe-frite. L’échec était alors assuré, disaient des journalistes autos sûrs d’eux, et le Renault Scénic n’avait aucune crainte à avoir. Zut ! Thérèse, alias le 3008, s’écoule à plus de 500 000 exemplaires — suivi par la version monospace 7 places, le 5008 — et participe au succès et à l’installation de la silhouette très appréciée du SUV dans le paysage automobile. Même si l’on n’oubliera pas le Nissan Quasqhai.
En 2016, Peugeot nous présente la très réussie deuxième génération de Peugeot 3008, qui prend immédiatement la route du succès et terrasse le pauvre Renault Kadjar, mais également les autres concurrentes. Mais quel est l’un des atouts majeurs du SUV produit à Sochaux, en France ? C’est simple : son style soigné, son habilité, mais surtout son ergonomie et l’atmosphère contemporaine à bord. L’i-Cockpit de Peugeot séduit les foules et la marque surfe sur sa pépite depuis.
Bon… vous l’aurez compris : ni Lady Gaga, ni Bradley Cooper n’auront participé au succès européen du SUV 3008. Toutefois, une star est née et la marque entend bien encore rouler — cette fois en électrique — vers les podiums des ventes, quitte à chagriner le Renault Austral ou encore les Volkswagen Tiguan et T-Roc.
Hélas, vous le verrez, mais le chemin est semé d’embuches…
Le tour du propriétaire
Notre modèle de test s’habille d’une resplendissante robe “bleu obsession”. Cette couleur est probablement la plus réussie — à l’instar de celle de la Peugeot 408 (lire notre essai ici). Les reflets sont incroyables et égaient les routes même en temps grisonnants, comme lors de notre essai. Les cinq autres couleurs sont un peu plus classiques : “blanc okénite”, “bleu Ingaro” (mélange de bleu et de gris), “gris artense”, “gris titane” et “noir perla nova”. Pas de rouge pour cette génération !
On notera que les déférences entre les deux finitions proposées — Allure et GT — sont moins visibles à l’œil nu désormais. Il était courant chez Peugeot de reconnaître les finitions d’entrée de gamme de celles plus onéreuses. Ici, la différence semble s’estomper et les détails sont moins marqués qu’auparavant.
La face avant adopte le nouveau design de la marque avec un nouveau regard acéré et une évolution des dents de morse qui mutent pour former trois griffes de lion. Le tout enchâsse une nouvelle calandre façon double haricot. Toutefois, au pied de cette esthétique flatteuse, le bouclier est d’un compliqué, et devient difficile pour l’œil humain.
Les ailes sont musclées et travaillées, lorsque les flans sont lisses avec une ceinture de caisse très haute dont l’atténuation de la carrosserie passe par un insert noir pour alléger la ligne. Le vitrage s’étire comme la récente Peugeot 408 faisant un lien de famille entre le cross-over et le nouveau SUV coupé. Par certains angles, on s’aperçoit que le nouveau E-3008 reprend quelques traits de la version sortante. Les ailes arrière adoptent à leur tour un dessin torturé avec une malle arrière tronquée… sacrément verticale. L’ensemble semble malheureusement déséquilibré avec une lecture du design de la voiture des plus compliquées pour un œil non préparé. Pourtant, je note un arrière très moderne qui se rapproche du concept Quartz de 2014.
Fort heureusement, certains angles de vue restent flatteur comme le trois quart arrière, les oreilles de chat ou encore l’aileron arrière façon Lotus — une jolie référence. Tout cela ne peut en revanche cacher un dessin beaucoup trop compliqué et parfois inégal, surtout face au 3008 II ou encore à la relative discrétion efficace du Renault Austral. Au milieu de ces petits déséquilibres esthétique, le Peugeot E-3008 a pour lui bien d’autres qualités.
D’ailleurs, Peugeot nous explique que le nouveau profil très effilé du SUV fastback offre une meilleure pénétration dans l’air et offre un Cx respectable de 0,28. Tout cela offre une meilleure autonomie électrique — et ce n’est pas forcément au détriment des occupants.
Sous le capot, Peugeot propose une seule déclinaison pour le moment de son moteur électrique. Il délivre 210 ch (soit 157 kW), couplé à une batterie de 73 kWh. Le constructeur promet 525 km WLTP pour notre version GT : sur le papier, la combinaison semble parfaite !
À bord, entre Star Wars, Star Trek et un mauvais Marvel
La première impression à bord de se nouveau E-3008 se révèle après une escalade digne d’une session d’alpinisme — ou simplement d’escalade. Le pack de batterie de 73 kW, assez épais, impose une position des sièges assez haute. J’ai eu l’impression de monter à bord d’un ancien 4×4 — vous vous souvenez, les véhicules vendus avant les SUV… Une fois que vous êtes installé, le siège vous récompense par son confort et son moelleux avec son superbe revêtement en alcantara — facturé plus de 2 000 € tout de même. Face à vous, l’empire contre attaque — ou plutôt le i- Cockpit — avec une nouvelle ergonomie et surtout une nouvelle interface.
L’écran flottant qui regroupe le compteur et la dalle d’info-divertissement fait son effet ! Le tunnel central, bien qu’imposant, offre visuellement un effet d’espace avec ses boutons physiques réduits au minimum. Au-dessus, l’i-Cockpit adopte la tablette i-Tuggles qui regroupe des raccourcis lié à l’info-divertissement de l’écran. On reste dubitatifs quant à ces raccourcis : pas toujours fonctionnels, c’est le défilement qui frustre. Il demandera en effet un doigté expérimenté : il faut positionner son doigt ni trop à gauche, ni trop à droite pour que le défilement soit fluide. L’appui sur un raccourci aurait également mérité un retour haptique ou sonore. Dommage !
Le profil fastback impose une rétroversion arrière des plus complexes, voire à l’aveugle. Malgré son profil de coupé, une troisième vitre de custode apporte un peu de lumière à l’arrière du SUV. Le passage à l’électrique permet à la marque au lion de libérer de l’espace à la place d’une boîte mécanique ou automatique. On gagne un autre bac de rangement aussi profond que celui placé entre les sièges passagers. L‘i-Cockpit renouvelle aussi le revêtement en tissu qui parcourt la planche de bord et qui meurt sur les contre-portes.
Le nouveau E-3008 laisse pourtant un arrière goût d’inachevé avec des plastiques dont la qualité semble régresser entre les deux générations. On se rassure avec le revêtement en tissu, dur comme la justice et un plastique moussé au sommet du cockpit. Le tout est agrémenté par un motif moderne qui accueille une lumière d’ambiance qui s’ajuste selon le mode de conduite choisi.
Passons à l’arrière qui offre un bel espace pour les occupants avec l’arrière des sièges avant creusé, ainsi que la suppression du tunnel central. La banquette arrière, creusée également, offre un bon maintien et un excellent confort. Surtout, la lumière envahit l’habitacle grâce au toit panoramique et la troisième vitre de custode. Le coffre se montre correct avec 520 L et ne progresse pas par rapport à la précédente génération. La chute de pavillon exigera des petites valises. Sous le plancher, un espace permet d’y glisser les câbles de charge. On ne pourra s’empêcher de comparer le coffre à celui du Tesla Model Y, qui propose 854 L de coffre à l’arrière, et 117 L à l’avant ! Une référence à la matière, encore aujourd’hui.
Sur la route : entre assurance et déception
Pétri de qualité, ce Peugeot E-3008 GT 100% électrique de 210 ch (154 kW) déçoit autant qu’il surprend. Sur la route, le constat est identique. Dès le premier tour de roue, on profite d’un silence de cathédrale. Le SUV offre en ville un confort routier très agréable avec une bonne vision sur la route. En sortant de la ville, le E-3008 est à son aise en extra-urbain. L’amortissement est bon et l’on profite d’un comportement routier serein, avec un centre de gravité bas grâce aux batteries. Pour du dynamisme, il ne faudra pas compter sur le mode « Normal » qui privilégie le confort. Le mode « Sport » promet logiquement plus de réactivité, mais toutefois loin de vous mettre un coup de pied dans les fesses. On l’appréciera plus réactive dans ce mode-là, donc.
Pour le reste, Peugeot a fait un réel travail autour du silence et d’un esprit cocooning pour le bien- être de ses occupants. Les bruits d’air sont extrêmement bien filtrés et l’on se sent en sécurité à bord du véhicule. Enfin, pour clôturer l’essai, la consommation électrique se situe pour notre essai entre 14 kWh et 25 kWh. Cela paraît énorme, mais peut-être pas tant que cela pour un véhicule qui pèse tout de même 2 200 kilos sur la balance (lire ici). Pour la recharge, Peugeot nous promet du 20 à 80 % après 20 minutes de charge et une autonomie de plus de 490 kilomètres. Malmené sur les petites routes, notre exemplaire a su nous rassurer pour la partie consommation et une autonomie confortable — à vérifier pour un test plus complet.
Mais, il y a un mais. Tout n’est pas parfait. À force de vouloir toujours faire mieux, Peugeot se perd. Je m’explique : le passage entre la première et la version sortante a fait passer le SUV de sujet de moquerie avec son physique à star des ventes. Peugeot, qui retente le coup de la révolution avec son dernier né, semble être allé à la fois dans la révolution et dans la précipitation. De nombreux éléments frustrent, comme la place du sélecteur de vitesse derrière le volant et du mode de conduite à la place du sélecteur de vitesse. Il y a également l’ergonomie de l’écran central qui nous pousse encore à quitter la route des yeux, mais aussi un réglage volant qui aurait mérité plus de profondeur ou encore un freinage plus mordant — car ce dernier opte pour une pédale « molle ».
Le touché typique de Peugeot semble avoir été en chambre d’isolement en 2020, pendant le développement du SUV. La tenue de route du SUV semble aseptisée. Bon point : il conviendra à tout le monde, mais pas à ceux qui apprécient le touché de route « Peugeot ».
Un prix difficile à tenir face aux concurrents
Après un épisode e-308 un peu chaotique, les prix du Peugeot E-3008 GT étaient très attendus, notamment pour le bonus écologique. Bonne nouvelle : il est éligible, pour les deux finitions demandées !
La finition de base, Allure, débute à 44 990 €. Elle inclut les projecteurs LED, les feux arrière LED, l’i-Cockpit avec deux écrans de 10 pouces, i-Connect, le VisioPark 1, l’accès et démarrage mains libres, la climatisation bi-zone, les rétroviseurs dégivrants et les jantes alliage 19” diamantées.
La version GT, que nous avons testée, est proposée à 46 990 € hors options. En plus de la finition Allure, elle comprend des projecteurs Pixel LED, des feux arrière LED 3D, l’i-Cockpit avec un écran incurvé de 21”, l’i-Connect Advanced, les i-Toggles, le Drive Assist, le toit et le becquet arrière Black Diamond, les feux de route automatiques, le hayon motorisé mains libres, le volant chauffant et les jantes alliage 20” diamantées.
On regrette que le prix des options soit si élevé, chez Peugeot. Le Pack 360° Vision & Drive Assist réclame 1 650 € sur la finition Allure, et 1 250 € sur la finition GT. Pas de pompe à chaleur incluse — il vous en coûtera 800 € — et le toit ouvrant se négocie à 1 250 €. Mais c’est pour la sellerie que le bât blesse : 1 400 € pour un intérieur Mistral Premium sur un E-3008 Allure, et 2 800 € (!) pour un intérieur Mistral Executive sur un E-3008 GT. Certes, la sellerie cuir Nappa est de toute beauté, les réglages sont électriques, les sièges chauffants, mais on se demande si le prix ne serait pas un peu trop élevé pour une option aussi répandue.
Qu’avons-nous en face de ce nouveau Peugeot E-3008 ? Côté français, Renault a annoncé son nouveau Scénic, exclusivement électrique. Proposé hors bonus écologique à partir de 39 990 € pour 170 ch / 430 km WLTP et 46 990 € pour 220 ch / 625 km WLTP, le nouveau Scénic est mieux doté que sa rivale pour un prix légèrement inférieur — la pompe à chaleur est incluse dès la finition evolution par exemple.
Impossible de ne pas comparer ce E-3008 au ténor de l’électrique : le Tesla Model Y. Le constructeur américain propose son SUV d’entrée de gamme à partir de 42 990 € (455 km WLTP) pour son modèle de base et 49 990 € pour le modèle Grande Autonomie. À ces tarifs, peu d’options à rajouter chez Tesla, la dotation de série est extrêmement généreuse.
Conclusion
Ce Peugeot E-3008 n’obtient pas les félicitations des professeurs mais une mention bien. Oui, je suis un peu tatillon car je m’attendais à beaucoup mieux de la part du constructeur ou, au moins, une évolution du 3008 II qu’une énième révolution. Avec son profil fastback, le SUV offre une meilleure autonomie, ce qui bénéficie aux performances électriques de son moteur. Son style se fait désormais encore plus clivant et Peugeot nous promet être plus sage avec le prochain 5008.
Malheureusement, pour assurer une autonomie séduisante, le Lion pèse lourd et cela se ressent dans la conduite. Le comportement routier est imputé au poids et c’est son principal reproche auquel s’ajoute la question de son autonomie… On ressort de l’essai du Peugeot E-3008 un peu sur notre faim — peut-être aussi car la durée des tests était extrêmement limitée, il a fallu faire vite.
Peugeot continue dans la voie de constructeur moins généraliste et parfois plus premium. L’intérieur est soigné mais reste maladroit à quelques endroits. À bien des égards, le nouveau E-3008 ose transgresser son image de SUV des familles pour aller vers un véhicule plus fun mais surtout plus haut de gamme avec un grand apport de technologies. Oui, il est technologique, mais trop de technologie ne tuerait-il pas le plaisir, finalement ?
Enfin, bien que Peugeot communique uniquement sur un E-3008, une version hybride est disponible sur le site du constructeur. Pas d’excitation en revanche, il s’agit du moteur hybride e-DCS6 de… 136 chevaux ! Même si le SUV pèse alors 1 600 kg sur la balance, on reste inquiets de mettre le même que sur la nouvelle Peugeot 208 qui pèse environ 350 kg de moins. Côté tarif, l’hybridation légère demande 38 490 € en finition Allure et 42 990 € en finition GT. Une bonne raison de préférer le nouveau SUV familial en version électrique, sûrement… !
Crédit photos et vidéo @LesCylindres