Pour être totalement honnête, je dois avouer que je partais avec un apriori négatif sur le Juke Nismo RS. D’une part parce que tout ce que j’avais lu à son sujet était plutôt critique, ensuite parce que je n’adhère toujours pas à l’idée de marier SUV et caractère sportif. Se posait donc un cas de conscience au début de l’essai : allais-je réussir, tout en gardant une certaine honnêteté, à dire du bien de ce qui a la base me semble une hérésie ?
Depuis l’essai de l’Audi RSQ3 je reste convaincu d’une chose : on ne mélange pas les torchons et les serviettes ! Ainsi il faut choisir : soit on veut une voiture à la mode qui conjugue esthétiquement le côté aventurier des 4X4 classiques avec un aspect plus polyvalent au quotidien, soit on veut une sportive qui se respecte avec un comportement joueur et efficace à la fois. Autant dire qu’avec le Juke je restais sceptique.
Déjà je n’adhère pas franchement au look de la petite Nissan. Certes, il est évident qu’il présente une certaine originalité et je conçois que cela puisse plaire. Mais en ce qui me concerne le dessin est un poil trop tarabiscoté. Et d’abord ils sont où les phares ? Sont-ce les optiques rondes sous la calandre ou les boomerangs sur le dessus du capot ? Dans le dessin animé « Cars », le Juke serait une voiture féminine qui aurait comme punchline « Regardez-moi dans les yeux… J’ai dit les yeux ! ».
Enfin, je pourrais digresser pendant des pages sur le design, au final vu que l’auto à la base ne s’adresse pas directement à moi en tant que client, cela reste très subjectif. Et il semblerait que la Nissan n’ai pas vraiment de problème pour trouver son public.
Reste le cas de cette version Nismo RS. Cas bien délicat il faut l’avouer. Et afin de trouver le bon angle d’attaque j’ai tenté de trouver sa vraie raison d’être.
Nismo. Pour les fans de sport automobile autant que pour les amateurs de jeux vidéo comme Gran Turismo, c’est un nom qui évoque la performance. C’est l’équivalent chez Nissan de AMG chez Mercedes ou Motorsport chez BMW. Autant dire que lorsque Nissan décide d’apposer ce nom sur un modèle, une certaine catégorie de passionnés s’attendent à voir débarquer une voiture extrême. Quand en plus le constructeur y ajoute les deux lettres universelles du sport auto « RS », c’est à une bête de circuit qu’on espère avoir à faire.
A partir de ces éléments et en rajoutant que la fiche technique nous propose 218 ch, on se prend rapidement à rêver d’une concurrente de la 208 gti By Peugeot Sport.
Il n’en est rien. Le Juke est en fait la victime des équipes marketing de la marque qui, comme Renault avec Gordini il n’y a pas si longtemps (tiens, Renault et Nissan, même loupé ?) mettent en avant un nom évocateur pour vendre un produit inadapté à son appellation.
Alors imaginons que, au lieu de s’appeler Nismo RS, le Juke avait reçu en baptême un nom comme, disons, GT. Nous aurions été en droit d’attendre une version performante et haut de gamme du petit SUV, sans pour autant lui demander de tenir la dragée haute aux meilleures GTi.
Partons donc sur le postulat suivant : la Nissan s’appelle en fait GT et doit garder les qualités du Juke classique tout en lui ajoutant des performances sympathiques et un dynamisme jovial.
Le kit carrosserie ? Il est plutôt réussi. Liseré et rétroviseurs rouges apportent la touche de sportivité attendue tandis que les jantes de 18’’ sont suffisamment discrètes tout en restant assez travaillées pour apporter un peu d’exclusivité. Sous certains angles, j’arrive presque à lui trouver du charme finalement.
A l’intérieur l’ambiance sport est assez flatteuse. Le volant cuir et Alcantara est absolument parfait en terme de touché et de taille. Dommage que le réglage ne soit que vertical et qu’il n’y ait pas la possibilité de l’avancer ou le reculer. L’ensemble de la planche de bord ne présente pas une grande originalité mais c’est simple, ergonomique et d’aspect robuste.
Nissan Juke Nismo RS
En fait le seul défaut véritablement flagrant du modèle essayé provient de l’option sièges baquets Recaro. Ils sont certes magnifiques et très confortables, mais au moment de s’asseoir ou de sortir de l’auto, les renforts au niveau du bassin s’avèrent bien trop hauts et trop durs. C’est la première sportive que j’essaye qui s’avère plus tape-cul quand on y entre où qu’on en sort que quand on roule. Un conseil : optez plutôt pour la sellerie d’origine. Elle maintient peut-être un peu moins mais au quotidien elle sera largement plus vivable.
Moteur, c’est parti pour balade. Au niveau sonorité, le 1.6L – identique à la Renault Clio R.S. 220 EDC Trophy – n’enflamme pas les foules. Il n’a franchement rien de sportif. Plus GT que RS à l’oreille le 4 cylindres… Par contre il enroule bien et présente un chouette petit caractère. A défaut de voix, il a de bonnes jambes !
La commande de boite est plutôt agréable, même si un peu plus de fermeté dans les guidages ne serait pas de trop. Un bon point pour le pédalier qui s’avère parfait pour effectuer le talon-pointe.
Côté direction c’est pas mal non plus. Le ressenti est plutôt naturel. Mais les remontées de couple importantes sont d’une autre époque. Cela me rappelle les GTi des années 90. En soit ce n’est pas idéal, mais à défaut d’efficacité pure, au moins on se sent impliqué dans la conduite. Personnellement je ne vois pas forcément cela comme un défaut.
Sur la route le Juke est plutôt confortable et étonnamment bien suspendu. Le compromis entre dynamisme et confort est vraiment réussi. Mais je parle bien de dynamisme et non pas de sportivité. Car même si l’essai s’est déroulé sous la pluie, il faut bien avouer que la Nissan est loin de l’efficacité des meilleures sportives de puissance équivalente (principalement les GTi).
La comparaison qui me vient le plus naturellement en tête est le duo Toyota GT86/Subaru BRZ. Comme le coupé “Toybaru”, le SUV Nissan n’évolue pas sur le registre de l’adhérence à tout prix mais sur l’équilibre.
S’agissant dans le cas présent d’une traction, il n’est pas question de faire du Juke une machine à drifter. L’équilibre se retrouve plutôt dans la neutralité du châssis qui, s’il ne vous embarquera jamais dans un survirage amusant, ne vous infligera pas non plus de se vautrer dans un sous-virage abrutissant. La limite de grip est facile à cerner et lorsque vous y arriver, si c’est bien le train avant qui abdique en premier, il le fait de façon très progressive. Ce n’est pas ce qu’il y a de plus amusant, mais ce n’est pas non plus source de frustration. D’autant que globalement la voiture reste plutôt agile et donne un sentiment de légèreté. C’est en fait une voiture très agréable au quotidien, permettant de se déplacer rapidement avec un certain plaisir.
Revenons-en donc à ce nom de baptême. En tant que Nismo RS, le Juke n’a ni la hargne mécanique, ni l’efficacité châssis attendue. En tant que GT, elle est dynamique, confortable, originale et bien équipée. Ses concurrentes directes ne sont donc pas les GTi endiablées comme la 208, la Mini Cooper S ou même la Clio RS. Elle se positionne plutôt comme l’alternative abordable aux Mini Clubman/Countryman ou soyons fous, Mercedes GLA.
En tout état de cause, il ne s’agit pas de la voiture ratée que je craignais mais plutôt d’une voiture qui subit un patronyme qui ne correspond pas à sa personnalité profonde.
Ah le marketing ! S’il peut parfois faire des merveilles, il peut aussi en certaines occasions faire d’un produit pourtant réussi un flop injustifié. Nous faire passer le Juke pour une sportive d’exception mérite le qualificatif d’abus de confiance. Une fois compris que l’auto est en fait une version dynamique mais toujours polyvalente du petit SUV urbain de Nissan, il faut bien avouer que ce n’est pas une mauvaise auto. Et même si je reste plus que dubitatif sur le fait de vouloir marier sport et SUV, je ne jetterai plus la pierre aux acheteurs potentiels de ce type de véhicules. Sauf ceux qui choisissent l’option Recaro. Là, c’est clairement du masochisme !