Circulant dans Lyon au volant du dernier millésime de l’Elise Sport 220 (lire la présentation ici ), je n’avais qu’une hâte, poser au plus vite ses roues sur des chemins de traverses. Certains imageront un désir répréhensible mais non, rien de cela, juste un retour aux sources.
Genèse et découverte
Il y a fort longtemps j’ai possédé une Elise 111R grimée du Pack Sport et d’un différentiel à glissement limité (LSD), le pack sport se composant de ressorts/amortisseurs tarés fermes, barres antiroulis majorées et d’un deuxième radiateur d’huile. En résumé, hors asphalte des pistes, sa motricité était calamiteuse et sa conduite dangereuse. Sitôt la première aspérité franchit la voiture se mettait à sautiller grevant radicalement son comportement sans parler du survirage et sous-virage, au choix suivant la situation. Cette voiture était inconduisible sur route dégradée, encore moins sur revêtement gras à tel point que le président du Club Lotus France me suivant lors d’une sortie aux alentours d’Antraigues, voyant comment je bataillais à la garder sur la route, me conseilla d’urgemment la vendre. J’aurais pu changer les amortisseurs mais le LSD imposait cette configuration, donc rien à faire sauf à passer son temps sur la piste. D’un autre côté, quand vous maîtrisez un tel engin rien ne vous effraie. Je confesse que sans la pratique intensive du karting deux-temps dans ma jeunesse l’accident eut été inévitable. Ce que j’appris à son volant fut bien plus positif que la frustration des débuts. Avec le recul, je ne regrette vraiment pas cet achat, me forçant à apprendre, à m’adapter, une excellente auto-école, exigeante et impitoyable.
Voilà pourquoi je souhaitais vérifier si cette Sport 220 « Stock » new génération était «more friendly». Déjà le LSD est remplacé par une version électronique nommée EDL (electronic differential lock), une sorte de McLaren Brake Steer du pauvre, comprendre qu’il agit sur le différentiel ouvert par l’activation des plaquettes de freins pour mieux répartir le couple des roues en cas de perte de grippe, McLaren s’en sert aussi pour lutter contre le sous-virage et faire pivoter la voiture, un mécanisme hérité de la Formule 1 mais depuis interdit en compétition. D’ailleurs contrairement aux idées reçues, une Elise est loin d’être une voiture non asservie, il suffit de consulter ICI la liste des assistances offertes par son DPM pour comprendre que l’électronique veille.
Concrètement, quand, Lotus Lyon, me dit: «La prochaine Elise S ’2017.5’ que je commande, tu pourras l’essayer», je répondis : «Why not ? Profitons-en alors pour ajouter deux options obligatoires me concernant, à savoir les jantes forgées de la version Sprint (2.270€) et les disques de freins Haute Performance allégés (2.020€), ceux de l’Elise Cup 260». Dans ses yeux vitrifiés, je lus l’étonnement car oui, maintenant que Lotus s’attaque à la réduction du poids des masses non suspendues, sûrement la première chose à travailler avant de s’offrir d’autres options, je ne me priverai pas du caprice. J’aurais aimé l’option «orthopédique», seuils de porte en carbone (1.695€), abaissant de 10mm la hauteur des caissons latéraux mais Fred souhaitant punir mon effronterie décida qu’il suffisait, les conseilleurs n’étant pas les payeurs. Dommage qu’avec l’avènement de la superbe Alpine A110 (lire notre essai ici) à la praticité bien meilleure, Lotus n’en profite pas pour généraliser cette modification forte utile.
Revenons aux masses non suspendues et comme souvent dit communément, un kg de masse non suspendue équivaut à plusieurs kilos de masse suspendue, avec un rapport augmentant exponentiellement en fonction du carré de la vitesse. La masse ne varie pas mais l’énergie cinétique oui, Ec=1/2mv2, particulièrement pour une roue cumulant l’énergie cinétique de sa translation et de sa rotation, sans parler de celle de son déplacement vertical contre laquelle la suspension travaille. Pour mieux comprendre l’importance de cette diminution je vous invite à visionner cette vidéo (sous-titre Français). Dans notre cas, le gain de poids s’élève 2,5kg par roue: 6kg pour les jantes, 4kg pour les freins, 10kg au total, énorme ! Plus la vitesse augmente, meilleur est le ressenti au volant. Ce gain assure de gagner en puissance à la roue mais aussi en freinage tout en augmentant le contact de la roue avec le sol donc sa motricité, un détail important pour une Elise dont l’habitat naturel reste majoritairement les routes secondaires.
Une vraie ballerine
Quatre mois sont passés et voici l’heure de l’essai qui sonne. Je prends donc livraison de la voiture en cette matinée printanière. Je confesse que le “Night Fall Blue” est vraiment une superbe peinture, peu commune sur une Elise mais vu la douloureuse, 2.630€, ceci explique cela. Peu importe, j’ai hâte de partir et après quelques contorsions pour descendre dans l’Elise, je m’agrippe par réflexe au levier de vitesses et découvre le mécanisme apparent de la commande de boite (0.8kg gagnés). A ce moment, je ne peux m’empêcher de sourir en pensant à l’ingénieur Nicola Materazzi, le père de la Ferrari F40, qui parlant des boites F1 et de l’une de ses créations dit – video sous-titres Français :
«Tout ceux qui conduisirent l’Edonis furent enthousiastes parce qu’elle était légère sans toutes ces fioritures électroniques actuelles, toutes ces crétineries qui amusent l’ordinateur au lieu de divertir le pilote, parce qu’en fin de compte, cela n’arrive pas. En Formule 1 les pilotes sont payés, une GT est payée par le pilote, donc vous devez lui procurer quelque chose dont la F1 ne se soucie pas, j’ai toujours été contre ceci, je pense que c’est un contresens. Parce que comme le souligne un ami, c’est bon pour les chauffeurs de Taxi, car les taxis, s’ils bénéficient d’une assistance automatique, d’un départ assisté, c’est un avantage parce qu’ils ne rigolent pas dans le trafic. Mais celui qui dépense 200.000€ veut s’amuser avec la voiture, il veut la gérer. En Formule 1, plus la sophistication est importante, plus la voiture est forte et meilleur c’est pour le pilote. Ce n’est pas vrai pour une GT, c’est le pilote qui veut se divertir, pas divertir l’ordinateur. Si je faisais aujourd’hui une voiture, ce serait sans toute cette électronique. Malheureusement nous avons tendance à imiter la Formule 1. Aujourd’hui, les pilotes, je pense qu’ils ne prennent pas de plaisir. Je me réfère à ce que dit Gilles Villeneuve quand il essaya pour la première fois la boite de vitesses automatique F1 : «La boite fonctionne mais je veux parler au Commandatore», Le Commandatore était à Fiorano et Gilles lui dit «Voulez-vous que je cours avec une voiture équipée de cette boite de vitesses ?» «Nous verrons» «Alors trouvez-vous un autre pilote, je veux avoir le levier de vitesses en main, je dois gérer ce qui se passe sur la voiture, pas l’électronique.»
Chacun aura son avis. Certains se sentiront «Materazziste» d’autres verront l’éternelle querelle des anciens et des modernes sévissant déjà à l’académie Française au XVIIIème siècle mais peu importe, l’argutie méritait la citation.
Passée cette digression, concentrons-nous sur cette Elise Sport 220 annoncée 10 kg plus légère que le modèle remplacé. Avec un gain majoritairement obtenu sur la carrosserie et notamment sur le bouclier avant, elle affiche sur la balance un poids constructeur de 904kg avec tous ses fluides et 90% du réservoir rempli, pas spécialement léger pour ce modèle.
A l’instar de la nouvelle Exige Sport 410 (lire la présentation ici), remplaçante de la version Sport 380, le nombre de ses feux arrière est divisé par deux. Pour démarrer l’Elise, il vous faut désactiver l’alarme en pressant un bouton de la clé de contact et nouvelle contrainte, appuyer à fond sur la pédale d’embrayage, puis enfin presser le bouton Start. Sitôt le moteur lancé, vous découvrez une sonorité caverneuse et gutturale inconnue à ce jour sur une Elise, plus besoin d’échappement spécial !
Passant la première vitesse, je comprends les louanges adressées à cette nouvelle commande de boite, déroutante pour celui qui comme moi fut habitué au flou de l’ancien mécanisme. Celle-ci possède des débattements très courts et chose nouvelle apparaît bien guidée. Chaque enclenchement de vitesse se ponctue d’un «clong».
Je remarque aussi une sellerie standard bien plus jolie qu’attendue. Tout cela me conforte dans l’idée que les packs optionnels relèvent plus du gadget que du fonctionnel.
Je note aussi que le volant MOMO cuir-alcantara (405€) semble plus petit que celui connu à mon époque et sa prise en main ergonomique bien meilleure avec un excellent toucher, option à cocher. Accessoirement, contrairement au cuir, l’Alcantara ne chauffe pas au soleil.
Ceci dit, profitant de sa direction « scalpel » je me faufile dans la circulation, aucun bruit de rossignol ne perturbe mon voyage. Je n’étais pas vraiment habitué à cela dans mon ex-111R. Pour l’anecdote, à sa livraison, je n’avais pas parcouru 17km qu’il me fallut retourner chez le concessionnaire croyant que je laissais les pignons de boite de vitesses sur la route alors qu’au final ce n’était qu’un câble qui rentrant en vibration à 3000tr/min amplifiait les bruits de transmission. À longueur de temps je suis devenu un expert certifié en acoustique Lotus et vous garantis le filtrage des bruits parasites sur cette Elise Sport 220.
Débutant mon trajet test, je commence par une bretelle d’accès à l’autoroute sur laquelle je ressens une légère inclinaison de la voiture en virage, plus marquée que celle de mon ex-111R mais sans trace de roulis. Vint le moment de rentrer sur le périphérique en troisième, la poussée linéaire est impressionnante, l’inertie du véhicule tend vers zéro, le couple ressenti en ville s’exprime pleinement. Plus loin sur l’autoroute en 6ème à 2000 tr/min, en montée, j’écrase l’accélérateur, la voiture pousse sans faiblir, impressionnant. Notez que ce moteur équipé d’une distribution Valvematic Toyota et d’un compresseur refroidi à eau n’a strictement rien à voir avec celui de l’ancienne version de l’Elise compressée, la SC. Ce moteur apparut sur la série 3, possède une plage de couple très supérieure culminant à 250Nm à 4.600tr/min contre 210Nm à 5.000tr/min pour celui de la SC. Détail surprenant, le moteur perd son cache moteur, après vérification ce n’est pas un oubli !
Dés mon arrivée sur la partie rurale du test, j’ai quelques confirmations de ce que je supputais. J’engage la voiture sur des départementales au revêtement déliquescent et chose incroyable, la voiture ne sautille pas. Je ne dirais pas qu’elle gomme la route, mais elle ne sautille pas affichant une motricité exemplaire. Comme dira Gilles Calderoni à qui je fis essayer la voiture, « elle est très bien suspendue ». Lui qui pour se détendre entretient quelques Elise remarque aussi que la voiture ne se désunit pas. Pour reprendre son expression, «son confort est ferme mais onctueux, très bien, c’est nettement mieux qu’une Club Racer » et d’ajouter «Lotus est vraiment une référence au niveau châssis». Evidemment, la notre profite de masses non suspendues diminuées mais surtout elle n’embarque pas de barres antiroulis majorées. Peut-être que sur circuit la voiture serait juste, quoique j’en doute pour un usage club, mais sur ce terrain elle est parfaite.
Plus en confiance qu’avec mon ex-Lotus, je passe courbes et virages à des vitesses qui m’eurent été impossibles d’atteindre sur ce revêtement avec mon ex-voiture, trop instable. De même, la puissance de freinage et sa constance sont remarquables, très supérieures à celles de mes souvenirs. Avec Gilles, chacun à notre tour au volant nous remarquons que sitôt la voiture inscrite dans une courbe, même sur revêtement dégradé, elle ne bouge pas, invitant à augmenter la cadence au premier virage pour ralentir la courbe passée, le monde à l’envers.
Concernant l’ergonomie Gilles remarque que le mécanisme de boite de vitesses apparent impose une console plus large touchant sa jambe, rien de grave mais cette contrariété n’existait pas avec l’ancienne console de forme oblongue. Moins grand que Gilles, je ne souffre pas du problème.
Continuant l’essai, la voiture ne remonte toujours aucun bruit parasite, particulièrement au niveau de la direction aussi précise que communicative. Ce modèle n’a jamais été vanté pour son confort, pourtant cette Elise Sport 220 réussit la performance d’allier un minimum de confort tout en restant très sportive. Notez que l’activation du bouton Sport diminue l’asservissement du DPM. Honnêtement, son activation ne change pas grand chose, tout du moins aux «vitesses raisonnables» auxquelles l’essai se déroula. Gilles pense que pour parfaire le tableau il aurait fallu un son moteur plus cristallin, ce à quoi je lui rétorque que la solution existe, l’échappement titane mais le plaisir a son prix : 5.550€. Vous gagnez aussi un peu moins d’une petite dizaine de kilos. En phase de décélération, pédale d’accélérateur relevée, s’entendent de légers borborygmes très Lamborghini, jouissif ! Pour information, dès cette année, Lotus anticipe l’interdiction faite par l’UE de la présence de soupape à l’échappement faisant que plus aucune Lotus ne dispose de cette fonctionnalité.
Sur le trajet retour, cloué dans un embouteillage, je profite de la manœuvrabilité de la voiture pour me faufiler dans la circulation, ce qui me rappelle à quel point l’Elise reste lilliputienne et invisible à la vue de ses congénères sauf que maintenant elle s’entend et pas qu’un peu !
Arrivé, je me gare alors qu’une école maternelle passe en rang serré sur le trottoir mais cela c’était avant de voir l’Elise, après c’est plutôt la débande sous le regard réprobateurs des accompagnatrices. Je n’ai pas le temps pour une photo. Je suis trop occupé à surveiller les bambins s’exclamant devant ce gros jouet qui garde une cote de sympathie élevée auprès de la jeune population.
Conclusion
Avec la Série 3, le modèle s’est bonifié devenant un classique du marché. Cette nouvelle itération Elise Sport 220 ‘2017.5’ ainsi configurée s’avère sur routes secondaires aussi performante qu’une Exige V6 (relisez mon essai). Un ami Anglais me l’avait certifié, il avait raison. Cet essai valide aussi les options Jantes forgées et Disques de freins «Haute performance» mais aussi et surtout la suspension d’origine. Si vous souhaitez vous offrir un «collector », trouver rapidement l’adresse de votre concessionnaire le plus proche car malheureusement doutons que le modèle passe l’année 2021 avec la nouvelle législation en cours d’élaboration à Bruxelles, bien plus contraignante que celle Américaine où cette sportive n’est plus homologuée.
L’Elise traversa l’ère Bahar, ère suivit d’une forte chute des ventes, mais Lotus finit par se relever. Cette survie s’explique peut-être par le fait que la marque applique un concept cher à Enzo Ferrari, concept rapporté par Nicola Materazzi : «Les voitures doivent être faites par des passionnés d’automobiles. Ceux qui les font uniquement pour le profit se ruinent et leurs voitures avec».
Merci à Lotus Lyon toujours prompts à me prêter une Lotus et à Davide Cironi pour la photo de Nicola Materazzi. Un grand merci à Frederic Decelle pour le «cadeau» des deux options, jantes et freins.
Juste pour terminer, je ne trouve pas trace d’une BAR plus grosse dans le pack sport de l’époque. Peut être une des raisons du comportement.
Merci encore pour les articles
Oui, j’avais pensé au Nitron mais cela m’avait été déconseillé pour garder les réglages de géométrie usine. C’est un débat que j’avais eu au sein du CLF à l’époque. Il m’a aussi été rapporté que les modèles qui succédèrent étaient montés avec un setup moins durs. Je ne sais pas si c’était vrai mais me concernant je partais en survirage à 50km/hm à la première courbe dès que le terrain devenait gras, voir à 70km/h en ligne droite …. et cela fait drôle !!! Je me suis toujours demandé si je n’avais pas un problème de tarage du LSD. C’était tellement prévisible que je m’en amusais. Cela ne me pénalisait pas trop car je prenais régulièrement une route pour me rendre dans les hautes-Alpes parfaitement surfacée à la pluviométrie faible où la voiture était un vrai régale, en Corse c’était une autre affaire … L’Elise ci-dessus est la synthèse des deux mondes, parfaite en toute circonstance, Lotus a vraiment fait des progrès énormes en tout point, une réussite 🙂 PS: Je fais mes tests sur des routes mixant tous les types de surface. J’ai été à bonne école avec Gilles Calderoni, mon professeur 😉
Bonjour, je suis très surpris des remarques sur la 111R. En possédant une depuis plusieurs années dans la configuration décrite, elle ne m’a jamais fait peur loin de là et pourtant j’ai aussi pas mal limé de petites routes défoncées comme du circuit.
Peut être n’allait je pas assez vite.
Il est cependant vrai qu’avec des Nitrons Fast Road elle devient plus confortable sur ce genre de petite route sans perdre de son efficacité sur circuit.
Et comme il faut lui rendre justice, une montée à régime à plus de 8.000 tours est un bonheur de plus en plus rare.
Merci pour cet article qui donne envie de Lotus.
Merci pour l’essai et l’article.
Pour être tout à fait exact, la querelle des anciens et des modernes a débuté à la fin du XVIIe siècle…