Avec l’ISF, Lexus avait fait une entrée remarquée dans le monde des sportives premium. La marque du groupe Toyota espère bien enfoncer le clou avec le coupé RCF qui vise directement les cadors de la catégorie que sont les BMW M4, Audi RS5 et Mercedes C63 AMG.
Que les choses soient claires pour commencer. N’attendez pas de ma part que je compare la RCF avec ses concurrentes directes, pour la simple bonne raison que je n’ai jamais pris le volant de l’une d’elles.
Par conséquent, je ne pourrais pas vous dire si la japonaise est meilleure, plus sympa ou même plus mauvaise que les copines. Je ne pourrais donc que vous parler de la voiture en elle-même.
Cette RCF, je la découvre au siège français de la marque, dans le parking. Elle se fait entendre avant de se montrer. Il n’y a pas à tortiller : un V8 c’est sympa quand même. La bonne surprise vient du choc visuel qui suit. Déjà la ligne générale est plutôt réussie, faisant presque passer cette auto de 4m70 de long pour une petite voiture. Mais si on rajoute la gueule de squale avec la calandre en sablier et les feux au design ultra-travaillé, on se retrouve vite avec la bouche béante devant la bête.
Si votre fils est fan du robot Optimus Prime et de ses compagnons, il sera sans aucun doute fan du style manga de la RCF. De mon côté, j’ai toujours eu un faible pour les designs tout en finesse, mais je dois avouer que je suis malgré tout tombé sous le charme.
Le modèle essayé se présente dans une teinte gris mercure assez discrète pourtant, mais cela n’enlève rien à l’impact visuel qui, durant les trois jours d’essai, aura dévissé de nombreuses têtes sur mon passage. Et contrairement aux premiums allemands, la Lexus offre de plus l’avantage de l’exotisme, là où ses concurrentes semblent toujours déjà vues à chaque coin de rue, même si c’est dans une version diesel basique.
L’intérieur de l’auto est à l’avenant : le dessin des sièges est très « science fiction » mais à l’usage ils s’avèrent très confortables tout en offrant un bon maintient lors des séances plus sportives. Même à l’arrière le confort est acceptable bien que la place reste réduite pour des adultes.
Dans le genre, la RCF reste cependant mieux lotie que sa petite sœur la Toyota GT86.
Le tableau de bord est très épuré. En fait non… Euh si. Bon, je m’explique. Autant le design général est simple, fait de surfaces lisses et planes assez modernes, autant la profusion de boutons et autres éléments plus ou moins décoratifs (telle la montre façon Maserati) chargent un peu l’ensemble. A l’usage cependant il faut bien reconnaitre que l’ergonomie générale tient la route. Mention spéciale aux barettes verticales de chaque côté des commandes de climatisation sur la console centrale : elles permettent de régler la température tactilement avec style.
A contrario le pavé tactile pour servant à sélectionner les options de l’écran multifonction n’est pas des plus simples ni précis.
Comme d’habitude, un essai de 3 mois serait nécessaire pour maîtriser l’ensemble des fonctionnalités de l’auto. Mais pour l’essentiel (connexion Bluetooth, GPS, régulateur de vitesse) l’utilisation est suffisamment instinctive.
Dernier point sur l’habitacle : si la qualité des matériaux est globalement bonne, il faut tout de même noter que la tension du cuir n’est pas homogène sur l’ensemble de l’accastillage. Par ailleurs les surpiqures sur les éléments en Alcantara auraient gagné à être toutes de la même couleur (bleues sur la casque du tableau de bord, grises sur l’accoudoir et blanches sur les portes).
Passons maintenant à la partie conduite. Tout d’abord se pose une grande question : comment tester sur route ouverte une bestiole de 477 ch et 1800 km ? Autant aller taquiner un peu une petite GTi sur une départementale peut se faire sans prendre trop de risques, autant à ce niveau de performance, taper l’arsouille devient vite une aventure hasardeuse.
Je me suis donc demandé qui était l’acheteur potentiel de cette auto ? A près de cent mille euros, il faut déjà avoir une certaine assise financière. Tablons donc sur un cadre dirigeant ou un entrepreneur qui a réussi. Quelle logique l’a conduit à acheter ce modèle ? L’envie d’avoir une auto qui peut à la fois faire le trajet jusqu’au bureau la semaine dans un confort royal et qui peut, à l’occasion, donner un bon frisson à la demande.
Me voilà donc parti pour ma journée de boulot typique. Départ de la maison de bon matin, ça commence par le réveil du V8 5.0L avec un feulement qui, à défaut de réveiller en sursaut le voisinage, donnera quand même envie aux copains de regarder par la fenêtre s’ils sont en train de déguster leur café.
La RCF dégage un parfum d’Amérique (son marché de prédilection) : la boite automatique en mode « normal » donne l’impression de conduire une péniche de chez Ford ou GM : on appuie sur l’accélérateur (modérément pour laisser la machine monter en température), le moteur monte dans les tours…mais l’auto n’accélère pas. Quelle inertie !
En attendant la RCF se conduit avec autant de facilite qu’une citadine. Je pourrais la prêter à ma grand-mère sans l’ombre d’une hésitation.
Rajoutez au tableau que le système audio est excellent, le gros coupé permet de démarrer la journée dans une ambiance calme et détendue.
Au bout de 10 km, la mécanique est à température et la route un peu dégagée. Les démarrages au feu se font moins feutrés et la RCF démontre l’étendue de ses talents pour l’accélération. Ça pousse fort, ça chante haut et ça motrice bien (sur le sec). Rien qu’avec ça la journée est déjà sauvée. Arrivé sur l’autoroute, je cale le régulateur à 120 km/h et j’attends que ça se passe. Contrairement à la BMW i3 essayée précédemment, le régulateur de vitesse adaptatif fait preuve d’une bonne intelligence et évite les coups de freins quand on double. Bon point pour Lexus.
L’épreuve du daily est passée avec succès : la RCF est une voyageuse confortable et agréable.
Mais le mode « normal » ou même « éco » (à 15L/100km faudra m’expliquer l’économie…) ça va un moment. Place au sport un peu. Comme d’habitude il faut triturer un ensemble de boutons invraisemblable pour trouver le bon réglage. Chaque constructeur y allant de son acronyme, difficile de trouver à chaque fois la séquence à activer pour rendre l’auto vivante. Chez Lexus le trigramme proposé est le TVD. Il s’agit d’un différentiel à vecteur de couple. Mais ne comptez pas sur moi pour vous parler de technique. Faisons plutôt un jeu : comment désactiver un maximum d’aides au pilotage sur la RCF ?
En premier lieu, mettez le sélecteur de vitesse sur « Manuel ». Jusque là c’est facile.
Ensuite, le VDIM (Gestion Dynamique Intégrée du Véhicule, le gros bouton gris à droite du levier de vitesses) en position… Non, c’est pas ça. En fait il faut mettre le VSC (contrôle de stabilité) sur OFF (où il est le bouton ?) et le TRC (contrôle de motricité)… Bon, je les trouve pas ces deux boutons. Alors le VDIM je le mets sur Sport S+, ça semble sympa ça. Puis le TVD (ah, c’est le bouton juste sous le VDIM) sur OFF… Sauf que c’est pas OFF qui s’affiche, c’est EXPERT. Mais si j’appuie une seconde fois c’est TRACK qui s’affiche. C’est quoi la différence ? Bon, essayons TRACK, où il est passé ? je ne le retrouve plus… 15 minutes plus tard j’arrive pas miracle à actionner tous les boutons dans le bon ordre pour avoir l’auto un peu libérée de son carcan électronique. Sur les routes du Vexin je libère la cavalerie. Toujours sur sec la motricité reste correcte, autorisant quand même une belle dérive très saine au démarrage. Le moteur semble de plus bien libéré dans ses vocalises (ce qui est en fait autant du à sa musique naturelle qu’à un système d’amplification électronique) et on prend vite des allures délirantes sur les départementales. C’est pas sérieux ça… Mais c’est grisant.
Dans les courbes rapides l’auto reste saine, mais j’avoue ne pas aller chercher la limite vu la combinaison impressionnante de sa capacité à prendre de la vitesse et à son poids (1,8 T) sommes toutes considérable. Mais le plaisir n’est de toute façon pas dans la recherche du grip dans les courbes avec la RCF, plutôt dans sa capacité à reprendre de la vitesse entre deux virages. Même plus : le coup de gaz rageur au rétrogradage rend les phases de décélération amusantes même sans chercher à faire un freinage de trappeur.
Dans le serré, c’est un peu plus drôle. Pour peu que l’on bénéficie d’une bonne visibilité et d’un bon dégagement pour embarquer la Lexus, elle raffole des ruades en sortie d’épingle, tout en restant très prévenante. On gagne alors en excitation ce qu’on perd en efficacité.
Reste que sur le mouillé la prudence s’impose car elle patine jusqu’en troisième et ce en ligne droite…
En conclusion de ces trois jours, difficile de trouver des défauts rédhibitoires à la RCF. Certes quelques détails de finition sont à déplorer mais l’ensemble reste de qualité. Mais à côté de cela, elle offre à son propriétaire une ligne racée et originale, un confort excellent, une habitabilité appréciable et des performances bien au-delà de ce qu’il est raisonnable d’exploiter sur route ouverte.
Bien sûr elle devrait vite démontrer ses limites sur piste, poids oblige, mais soyons sérieux, ce n’est pas sa vocation.
Pour en revenir donc à l’acheteur potentiel : ses moyens lui permettant une excentricité automobile, il aura avec la Lexus le beurre (look, performances et originalité) et l’argent du beurre (fiabilité et confort). Une excellente auto pouvant rendre toute sorte de services au quotidien et sachant se rendre sexy et excitante à la demande.
Lexus réussit avec la RCF un splendide exercice de style : proposer une alternative crédible aux indéboulonnables premiums allemands. Belle ou bête à tour de rôle, elle offre un double visage en jouant parfaitement chacun des rôles. Voici le “daily drive” idéal pour tout chef d’entreprise qui ne veut pas sacrifier le plaisir au quotidien.
Crédit photos @ Cyril Ainsri aka 6ix
D’un autre côté je suppose que Clarkson a voulu voir si l’auto était une reine de la piste. C’est aussi pertinent que de mettre un costume à queue de pie dans des toilettes turques…
C’est sur c’est pas une LFA… et son prix n’est pas celui d’une LFA 🙂
Clarkson a été déçu dans son essai mercredi sur RMCDécouverte, il en attendait peut-être trop… Mais le bon point c’est qu’en plus de ton essai Philippe, on a pu avoir la bande son 🙂