A l’idée de ramener pour le week-end la dernière version de la Civic Type R, j’avoue que mes sentiments sont mitigés. D’un côté je pressens que mon fils va adorer, d’un autre, je me demande vraiment si ma femme va accepter que je gare cet archétype de Fast&Furious devant la maison. Mais au-delà de l’aspect purement esthétique, j’ai hâte de savoir si la Civic va rallumer la flamme du sport chez le constructeur japonais.
En réalité je ne me fais pas trop de cheveux blancs quant aux qualités sportives de la Type R. J’ai beau éviter de lire des articles sur des véhicules que je vais moi-même essayer, il est difficile depuis près d’un an de passer à côté d’un comparatif entre la Honda et les autres bombinettes dévergondées que sont les Megane RS, Seat Leon Cupra ou encore Peugeot 308 GTi. Puis une auto élue sportive de l’année par le magazine Échappement doit quand même avoir quelque chose dans le ventre…
Mais avant de vous raconter ce qui se passe derrière le cerceau, revenons quand même à cette esthétique particulière.
Caricature
On ne peut pas reprocher à la Civic de se la jouer discrète. Pour reprendre les mots d’une collègue à qui je montrais une photo de la voiture : « On dirait un de ces dessins de gamins quand ils veulent représenter une voiture de sport ». Pas faux.
Soyons clairs, même une Subaru “Impreza” WRX STi parait sage en comparaison. Si vous arrivez à faire abstraction des élargisseurs d’ailes et de l’énorme aileron arrière (ce qui, soit-dit en passant devrait d’ores et déjà vous inciter à prendre d’urgence un rendez-vous chez votre ophtalmo), il reste encore l’extracteur arrière cerné par 4 sorties d’échappement dignes de William-Saurin et un spoiler avant soulignant l’énorme museau de la bête. Quel que soit l’angle de vue, la Civic est… effrayante. Si vous êtes de la même génération que moi, vous vous souviendrez peut-être du dessin animé « les Maîtres de l’Univers » avec Musclor (le gentil) et Skeletor (le méchant). Et bien la Type R, c’est un peu le « Tigre de Combat ». La version hardcore des GTi.
D’un point de vue personnel je ne suis pas un grand fan de ce look extraverti, cependant j’ai rarement vu autant de personnes se retourner sur une voiture ou prendre un selfie avec la Honda en arrière-plan. Certes il s’agit surtout de jeunes garçons entre 15 et 30 ans, mais c’est rafraîchissant de voir que la passion pour les voitures extravagantes est toujours d’actualité. Et malgré mes réticences initiales, j’avoue qu’au final je me suis habitué à son profil de poisson et que j’ai commencé à trouver du charme à son museau à la largeur impressionnante.
Intérieur Sport
L’habitacle est à peine plus discret que l’extérieur, mais c’est principalement dû au rouge omniprésent sur les sièges, le volant et les divers rappels sur le tableau de bord. A part cela peu de surprises. C’est moderne et dans la lignée des Civic plus classiques avec l’affichage de la vitesse en numérique au-dessus du volant tandis que les trois compteurs donnent des informations plus mécaniques (température d’eau, compte-tours, jauge d’essence). A l’usage la lecture des différentes informations est aisée, au final on n’en demande pas plus.
Côté Infotainment c’est pas mal non plus. Si la taille de l’écran et l’ergonomie de navigation n’est pas à la pointe de la mode, c’est une fois de plus simple, efficace et intuitif. Mention spéciale pour l’excellente réactivité de l’écran tactile : j’ai rarement vu un système aussi sensible dans le meilleur sens du terme.
Bon, une fois ces détails de décoration évoqués, il est temps de se jeter sur le fond du sujet Si j’ai accepté de dormir sur le canapé durant 3 jours par représailles de madame pour « oser garé une voiture d’ado’ nuisant à notre image sérieuse auprès des voisins », ce n’est pas pour jouer avec la cartographie Garmin de la Civic, mais bien pour voir si le ramage vaut le plumage.
Premières impressions : l’installation au poste de pilotage. Tiens, comme dans le Juke Nismo RS, les ailettes du siège martyrisent le fessier lorsqu’on monte à bord. Espérons que ce soit pour la bonne cause quand il sera question de prendre des « G » latéraux… En attendant le siège est plutôt confortable. Serré, mais confortable. Je commence mes réglages de base : assise au plus bas… plus bas… quoi ? Je suis au max ? Bon. Donc il faudra s’y faire, le plancher surélevé limite les réglages verticaux. Tant pis, je vais donc remonter le volant. Plus haut… ah, là aussi c’est limité ? Bon, allons-y donc pour une position avec le volant sur les genoux. Au-delà du changement d’habitude, cela ne gêne pas vraiment la conduite il faut bien l’avouer. C’est plus pour rentrer et sortir de l’auto que c’est compliqué car une fois ma position de conduite à peu près trouvée, je me retrouve finalement assez près du volant et l’espace pour m’extirper de l’habitacle est réduite, avec en plus toujours ces ailettes de siège qui me scient les fesses quand je tente de passer au-dessus. Une bonne excuse pour rester au volant ceci-dit.
Le volant d’ailleurs, parlons-en. Si son look bicolore noir-rouge est un peu excessif, sa prise en main est proche de la perfection. Agréable au touché et doté d’une jante épaisse juste ce qu’il faut, il promet beaucoup. Le levier de vitesse ensuite. Parfait ! La boule métallique me rappelle celle qui équipait la S2000 d’un de mes amis, en plus grande. La matière autant que la forme sont un plaisir pour la paume de la main. C’est donc dans un baquet confortable, avec main droite le pommeau de vitesse idéale et main gauche le volant presque parfait que je vais pouvoir démarrer.
La “Civique” : Elle ne réveille pas les voisins
Une pression sur le bouton rouge à droite du cerceau et le 2.0L turbo injection directe s’éveille… calmement. Ah, je m’attendais à un cri rageur, il est finalement assez discret. Les premiers mètres démontrent aussi que le confort de roulage n’a pas été oublié. Sans véritablement parler de souplesse, les suspensions ont une bonne capacité à absorber les imperfections de la route. Attention cependant, l’auto est super basse et le spoiler avant a vite fait de frotter au passage d’un dos d’âne. Il est préférable de passer au ralentit dans ces conditions. Tandis que la mécanique chauffe doucement, je découvre la direction. Bonne surprise, elle est très communicative à vitesse raisonnable sans se montrer particulièrement lourde. On se sent bien dès les premiers kilomètres au volant de la Civic. C’est de bon augure pour la suite de l’essai.
La Civic : T’y perds… ton permis
Moteur en température, il est temps de lui tirer un peu plus sur la couenne. La poussée est très vigoureuse. Dans le même registre que ce que j’avais éprouvé au volant de la Megane RS Trophy-R, mais avec plus de pêche encore. Côté sonorité c’est là aussi dans le même registre que pour la Renault mais plus « animal ». Ça gronde à l’accélération, puis les turbos déchargent bruyamment dans la foulé : « BRoooooOOOAAA, PFFFIIIiiuuuuu, BroooOOOAAAA, PFFFIiiuuuuu… » Le tout avec la brutalité induite par une boite mécanique qui nécessite de couper les gaz entre deux rapports. Les boites à double embrayage seront certainement plus efficaces pour le chrono, mais certainement pas aussi jouissives. Car si le moteur se montre exempt de reproches, c’est à mon sens la boite qui donne le plus de plaisir. Au-delà du toucher du pommeau, c’est le feeling mécanique qui se dégage de l’engagement des rapports qui apporte une touche de sensualité complémentaire. On sent la timonerie se mettre en place, le métal qui s’enclenche, c’est véritablement jouissif. Et tant pis pour les quelques dixièmes qui s’envolent certainement. Avec ces 5,7 sec pour taper les 100 km/h on n’est quand même pas dans la catégorie des poumons.
Alors que la rage du moteur répond bien présente, qu’en est-il de la motricité ? Et bien elle est irréprochable là aussi. Alors certes je n’ai pas déconnecté l’ESP durant l’essai, mais ce dernier ne s’est jamais déclenché malgré quelques départs de péage musclés. Certains pourront regretter les remontées de couple dans le volant, mais personnellement j’aime cette nouvelle marque de brutalité. Sans être incontrôlable, cela demande à bien cramponner le cerceau et participe à la sensation de plus en plus présente que la Civic demande de l’implication à son pilote.
Rapide et sûre
A ce stade la Civic Type R s’avère finalement assez en phase avec son look dévergondé : moteur brutal, boite au feeling très mécanique et capacité à passer la puissance au sol, je commence à comprendre comment elle arrive à tenir tête aux ténors de la catégorie. Je me dirige alors vers les petites routes du Vexin pour tester un peu plus le châssis. C’est ici que mes premiers doutes apparaissent. Si le train avant fait preuve d’une belle précision à l’inscription, peut-être plus finement encore qu’avec la Megane, la sortie de courbe met en évidence un réglage clairement typé sous-vireur. Rien de véritablement rédhibitoire, mais le sentiment initial qui s’en dégage est que l’auto est finalement moins extrême qu’elle ne le semblait jusqu’alors. Le bon côté de ce comportement relativement sage est que l’on peut attaquer sans se faire peur.
Alors cette Civic Type R, finalement elle ne serait qu’une gentille fille sous son maquillage ? S’apparenterait-elle à ces fraises de supermarché à la couleur éclatante et au parfum enivrant mais n’offrant finalement que de la flotte aux papilles ? Eh bien non. Si le châssis est globalement permissif, il n’en reste pas moins efficace et, accouplé au duo infernal que forment le moteur plein de nerfs et la boite excellente, il permet à la Honda de délivrer un vrai plaisir de pilotage. Ce genre de plaisir que vous pouvez ressentir quand vous vous sentez engagé dans la conduite, obligé de décomposer vos mouvements autant au volant que dans le maniement de votre boite de vitesse au travers du levier et du pédalier (au demeurant très bien agencé pour le talon-pointe).
Les kilomètres s’enchainent et le plaisir devient de plus en plus évident. Entre deux villages la Civic avale les routes de campagne comme des spéciales de rallye, à coup d’accélérations physiques, sonores et visuelles (sympa les leds au-dessus de l’indicateur de vitesse qui s’allument en jaune puis rouge lorsqu’un s’approche du rupteur) et de freinages bien dosés, tandis que les promeneurs et cyclistes sont prévenus de son arrivé par ses râles bestiaux. Puis elle se mue en gentille familiale quand elle arrive dans une agglomération, passant de la bête de course à la gentille familiale un peu voyante en un clin d’œil, permettant à son pilote de reprendre son souffle par la même occasion. Puis au bout de quelques heures le déclic se fait. Le châssis est bien réglé sous-vireur, cependant la confiance venant, il devient possible de faire pivoter l’auto au lever de pied et c’est alors un plaisir rare (pour une traction) de jouer avec l’équilibre de la Civic. Elle peut ainsi passer du sous-virage rassurant lorsqu’un arrive dans une courbe un peu délicate à une légère dérive dans un virage bien dégagé. Aucun doute que sur circuit elle ravira autant les débutants que les pilotes chevronnés.
Avant de reprendre le cours normal de la vie, je teste rapidement le mode R qui joue à la fois sur la cartographie moteur et les réglages d’amortissement. La sentence est rapide : côté moteur le changement n’est pas flagrant, contrairement au châssis qui devient beaucoup trop raide sur route ouverte. A n’utiliser que sur piste.
La Civic Type R : Curseur tendance sport malgré tout
La partie arsouille de l’essai étant terminée, je regagne mes pénates tranquillement. L’occasion de tester pour finir les qualités familiales de la Civic. L’habitabilité est parfaite pour une famille de 4 et la capacité de la japonaise à rouler « normalement » reste toujours surprenante. L’équipement comme souvent au pays du soleil levant, est généreux et la consommation ne semble pas totalement délirante (je n’ai pas fait de mesures mais je ne suis pas arrivé au bout du réservoir en deux jours malgré de nombreux kilomètres à rouler fort). Restent deux éléments jouant contre la Type R : l’obligation de se contorsionner pour rentrer et sortir de l’auto n’est pas complètement compatible avec mes lombaires et l’esthétique qui, définitivement ne me laisse aucune chance auprès de ma femme…
Si vous cherchez une compacte sportive, la Civic s’avère une bonne pioche avec un positionnement pertinent : par rapport à la Peugeot 308 GTi elle gagne en plaisir de pilotage ce qu’elle perd en polyvalence et discrétion. Par rapport à une Renault Megane RS elle apporte la touche de nouveauté et de modernisme qui fait la différence avec en plus la praticité des 5 portes.
C’est bon, Honda à retrouver le rang qui était le sien dans les années 90 : celui d’une marque capable de générer de l’émotion chez le pilote. La Civic Type R vise juste par son comportement sain, efficace et joueur quand on sait y faire, ainsi que par ses performances impressionnantes. Elle ajoute par ailleurs un vrai plaisir mécanique dans le maniement des commandes (volant, levier de vitesses et pédalier) qui redonne son sens primal au mot « piloter conduire. Reste que son look si particulier reste clivant. Si vous détestez, rien n’y fera. Il a au moins le mérite d’annoncer la couleur et d’interpeller ceux qui assument de rouler en sportive. Merci Honda d’oser la différence et de le faire avec autant de panache.