Si je vous dis « Donnez-moi 3 symboles des Etats-Unis », quelle serait votre réponse ? Pour moi sans doute la Statue de la Liberté, le fameux billet vert de 1$ et la Ford Mustang. Mauvaise réponse, aujourd’hui je vais vous parler du … Coca Cola ! Non plus, on va s’intéresser à l’une des rivales historiques de la Mustang, non pas la Chevrolet Camaro mais celle qui l’a sans doute fait renaitre de ses cendres pour prendre part au regain d’intérêt pour les Pony Car : la Dodge Challenger. Si au début des 70s, elle a de la peine à se positionner entre les Pony Car avec leur petit V8 et les Muscle Car au Big Block, aujourd’hui le trio Mustang/Camaro/Challenger joue bien dans la même cours. La recette est d’ailleurs la même pour les trois, qu’elles aient continué à exister depuis leur première génération ou non : réinterprétation des lignes classiques de leur aïeule du même nom, un bon V8 qui chante sous le capot, un tarif contenu pour séduire le plus grand nombre, et des déclinaisons plus exclusives et plus puissantes pour satisfaire les gourmands.
Un look de Challenger assumé
La Dodge Challenger ressorti d’un long sommeil pointe le nez de sa 3ème génération en 2008, elle joue à fond la carte néo-rétro en reprenant jusque dans les moindres détails tous les gimmicks de la version de 1970. De face, impossible de se tromper : les 4 phares encadrent une calandre noire toute en largeur, logée en recul entre le pare-chocs et le capot avec sa grosse prise d’air centrale. Le profil est identifiable au premier coup d’œil également, une ligne de caisse brisée qui remonte au niveau de la custode arrière au-dessus de larges hanches, un toit débordant sur un long coffre, c’est bien une Challenger. Pour les plus hésitant, les deux longs feux arrières et le béquet de coffre finiront de parfaire le tableau. Les nostalgiques quant à eux auront reconnu la police du logo Challenger, HEMI ou encore R/T, de même que le bouchon de remplissage d’essence qui semble tout droit emprunté à la première génération. Beau boulot de la maison de design Daimler-Chrysler et plus particulièrement Michael Castiglione en charge du design extérieur, le bébé fait 5m02 de long pour 1m92 de large et 1m45 de haut affichant 1740 kg sur la balance. Pas mal plus que l’originale (autant en taille qu’en poids), la contrainte principale étant due au fait de devoir s’accommoder d’un châssis de Chrysler 300. Les grosses jantes de 20’’ remplisse bien les ailes et l’assiette légèrement plongeante reste fidèle à la pony car prête à se lancer dans un dragrace à chaque feux rouge.
Un intérieur un peu cheap
En ouvrant la porte, c’est un peu la déception de voir cet intérieur sombre et en tissus. C’est là qu’on comprend que cette pony car est la version de base qui revendique et assume son prix abordable. Les sièges sont massifs et garnis d’un tissus peu flatteur, mais une fois installé à leur bord les réglages multiples permettent de trouver une position convenable. Avec une grande porte et un siège basculant, l’accès aux places arrières se fait assez bien, et l’espace proposé est suffisant pour accueillir deux adultes. Bonne nouvelle, c’était nettement moins le cas dans la Mustang (ire notre essai) sa concurrente directe. Par contre claustrophobes s’abstenir ! La ligne de caisse qui remonte pour souligner les larges ailes arrières réduit d’autant la hauteur des vitres qui conjuguées aux larges montant de lunette donne assez peu de visibilité en 3/4 arrière. Gênant pour les manœuvres et peu ouvert vers l’extérieur pour les passagers arrières. Concernant les créneaux, la caméra de recul s’affiche sur l’écran central de 8’’, pratique en complément des deux gros rétroviseurs. L’auto est large et saisir son gabarit n’est pas évident au premier coup de volant. Vers l’avant le gros bossage du capot est flatteur, tandis que le bloc compteur regroupe pas mal d’infos. La partie centrale permet d’alterner les menus pour afficher ce qui vous semble le plus intéressant entre les données de conso, monitorer les différentes températures d’eau, huile ou transmission, ou encore l’onglet performance. Sur l’écran central, climatisation, radio, Carplay ou réglages divers complètent la panoplie. Une fois le volant réglé en hauteur/profondeur, on trouve bien 3 pédales malgré la boit’oto .Et oui, le frein à main est à pied, sans doute un héritage du partenariat Daimler Benz, j’ai l’impression de retourner la W124 de ma conduite accompagnée. En ouvrant le coffre, c’est presque pareil : le seuil est haut et étroit, mais quel volume de chargement ! On doit pouvoir y loger au moins 2 sacs de golf, plusieurs valises et des packs de Bud pour une semaine de camping entre potes. Pour le reste l’équipement intérieur rien de bien fou en 2021, mais le minimum voire même un peu plus est là, la R/T ne vise pas la catégorie premium et on en a pour son argent.
Sous le capot … un HEMI
Bonne nouvelle, le ramage est à la hauteur du plumage puisqu’un V8 HEMI s’y glisse sans peine. Bien qu’une version V6 existe en entrée de gamme, la majeure partie des ventes se fait avec le V8 HEMI, qui reprend le nom de son ancêtre, ses culasses HEMIsphérique, et même sa cylindrée puisque le small block cube 5.7 litres. Ici il n’est pas question d’hybridation, de downsizing ou suralimentation, le V8 atmo délivre ainsi 375 généreux chevaux. Ce n’est pas assez pour vous, pas de problème comme à l’époque de la première Challenger, les déclinaisons puissantes sont nombreuses : Scat Pack, Hellcat, Demon en tête avec des puissances folles sur le 6.4 litres atmo ou en ayant recours à la suralimentation du 6.2 litres. La curiosité mécanique qui pousse à ouvrir le capot sera quant à elle loin d’être comblée, la prise n’alimente pas un ou deux gros carbus au centre du V, mais tombe sur un cache plastique, tandis que la grosse boite à air pointe vers le bas du pare-choc. Pas grave le look extérieur flatte la rétine ! La puissance est envoyée aux roues arrières par une boite automatique à 8 rapports, qui offre aussi des palettes derrière le volant pour un semblant de mode manuel. Allez, assez discuté de fiche technique et diverses datas, il est temps de tourner la clé.
Gentleman, start your engine !
Tourner la clé pas vraiment, modernité oblige la voiture est keyless et c’est par un bouton à droite du volant que l’on réveille les grosses gamelles. Impossible de retenir ce petit rictus stupide au premier démarrage à froid dans un parking sous-terrain, les murs tremblent, ça glougloute fort et grave ! Clic, on glisse la commande de boite sur Drive et on décolle en douceur. Le premier effleurage de la pédale de droite déchaine un peu plus les vocalises et fait comprendre que le V8 n’a qu’une envie, s’éclaircir la voix. Juste le temps de s’extirper du trafic un peu chargé pour tomber sur une voie d’insertion dégagée et hop “pedal to the metal” ! Bon c’est la moquette qui accueille l’accélérateur en butée, mais la poussée est franche et puissante, la boite tire les rapports jusqu’au début de la zone rouge à 6.000 tr/min avant de claquer le suivant dans un fracas que ne renierait pas une Classe A AMG délurée. C’est expressif et communicatif, mais pas mal efficace également puisqu’on a vite fait de se retrouver à des vitesses répréhensible par la loi ! D’autant que le boite profite de ses 8 rapports pour exploiter au mieux le V8, presque inutile vu le couple du bloc, mais très efficace en conduite cool. Ainsi il n’est pas rare de voir la 5ème engagée en ville alors que l’on roule cool à moins de 50 km/h, et si le besoin se fait sentir, elle aura vite fait de faire tomber 2 rapports pour repartir avec une certaine violence. Certaine car on est jamais vraiment incrusté au fond du siège, mais on ressent bien volontiers que le bateau de 1,8 tonnes se déplace vite, très vite.
Le châssis quant à lui arrive à contenir ce débordement de couple, parfois aidé par l’électronique mais sans jamais s’avouer vaincu face au poids ou à la taille de l’engin. La direction n’est pas un modèle de précision mais elle donne assez d’infos, la suspension est ferme sans être inconfortable, le roulis plutôt maitrisé, le tableau est tout à fait respectable compte tenu des mensurations de la bête. C’est sans doute le freinage qui pourrait être le premier à rendre les armes, pas vraiment mordant il demande à appuyer fortement sur la large pédale. La boite auto en mode sport à l’intelligence de rétrograder au lever de pied offrant ainsi un frein moteur bienvenu pour offrir un peu de répit aux freins. Sur les petites routes étroites et tortueuse, finalement c’est plus le gabarit global de la bête qui pourrait être gênant plus que son comportement ou dynamisme. Evidement les lois de la physique restent applicable, on sent la masse embarquée et ses transferts au freinage ou sur route bosselée, mais je ne l’ai jamais trouvé piégeuse ou malsaine, et lorsqu’on prend le temps de regarder le compteur de vitesse, on se rend compte que ça va rapidement assez vite. C’est peut-être là son défaut, avec un moteur tellement généreux, elle est très, pour ne pas dire trop, facile en emmener vite.
Calmons le rythme puisque nous revenons sur une 2 fois 5 voies de périphérie urbaine, la boite se cale sur le 8ème rapport et une fois la vitesse de croisière atteinte et stabilisée un petit logo « 4cyl » apparait au centre du compteur. Magie moderne, le gros V8 se transforme en 4 cyl 2.85 litres qui consomme (un peu) moins, stabilisé à 120 km/h et 1800 tr/min, l’ordinateur de bord affiche une moyenne autour des 6 l/100 km. Pas mal si on compare au 12.8 l/100 réalisés sur les 900 km de cette balade, avec certes quelques morceaux un peu plus éloignés d’une quelconque notion d’écoconduite. Donc si certains (moi le premier) peuvent avoir du mal à comprendre l’intérêt de 8 vitesses avec un V8 aussi coupleux, les derniers rapports ultra-long (2.000 tr/min à 130 km/h !) permettent de faire baisser la conso. En parlant de cette boite, un de ces autres atouts est une certaine intelligence pour les conducteurs qui ne le seraient pas : propulsion, gros V8, parking désert, pas besoin de vous faire un dessin … ou alors avec les pneus. Mode sport, ESP off, pied gauche sur le frein et pied droit sur l’accélérateur pour voir. La voiture se calle une demi-seconde avant que le mode cerveau off s’enclenche libérant les freins arrières ! Et là, la taille des traces ou du nuage de fumée ne dépend plus que votre patience. Inutile je vous l’accorde, mais sans doute efficace pour chauffer les gommes avant un 400 mètres départ arrêté sur une piste dédiée. En parlant perf, l’onglet performances du compteur vous propose de mesurer vos distances de freinage ou encore le 0 à 100 km/h. Quand je vous disais qu’elle était fun cette Challenger 🙂 Après quelques tentatives sans trop d’application et avec la clim toujours enclenchée, le chrono affiche 5.3 sec pour passer la barre des 100 km/h, pas mal du tout quand le chiffre officiel est à 5.1 sec !
Une Challenger en France
Arf c’est là que ça se complique un peu, puisque la Challenger n’est pas importée officiellement, il faut donc se rabattre vers des officines spécialisées dans l’import d’Américaines. Ces sociétés sont nombreuses et bien établies, pas de crainte à avoir, mais le prix de vente clés en main s’en ressent. Une R/T 375 ch de base comme celle de cet essai est affichée juste en dessous de 40.000 $ aux US, rendue en France, importée et immatriculée, c’est près de 60.000 Euros qu’il faut débourser. En contre partie vous aurez une voiture originale que l’on ne croise pas au coin de toutes les rues et dont le décote est assez faible. Alors si vous avez toujours eu un faible pour l’ “American way of life”, faites vous plaisir et vous ne le regretterez pas ! Pensez à prendre la carte de fidélité chez votre pompiste et savourez le son du V8, la glouglou thérapie c’est bon même si pas toujours très discret.
Crédit photos @ Ambroise Brosselin