Vous vous souvenez de l’époque folle du Group B en rally qui imposait que la voiture de course soit dérivée d’une version catalogue produite à au moins 200 exemplaires ? Oui oui cette époque qui a vu Peugeot commercialiser en 1984 une 205 4 roues motrices avec un 1,8 turbo installé à la place de la banquette arrière ! En voyant les premiers communiqués de presse de Toyota puis la fiche technique de cette Yaris GR, c’est exactement l’image que j’ai eu en tête : une bête de rally déguisée en voiture de série ! Et en replaçant cette nouvelle Yaris GR dans le contexte actuel, la proposition de Toyota semble encore plus irréelle quand le moindre gramme de CO2 est traqué et qu’une voiture doit être sage et policée avant d’imaginer une fiche technique sexy, ou pire de proposer du fun…
Mais Toyota n’est pas le constructeur automobile mondial numéro 1 pour rien (oui selon les chiffres, les groupes, les indicateurs, ça change…) et en plus d’une gamme d’hybrides ultra complète, des 4×4 dont les qualités de franchissements et l’endurance en rallye raid ne sont plus à démonter, des pick-up à la robustesse à l’épreuve de tous les traitements, la firme japonaise ose penser à des voitures fun et orientées vers la performance. Ce n’est pas uniquement récent avec la GT86 (lire notre essai ici), la Supra GR (lire nos essai ici, en version 3.0L et en version 2.0L) ou cette Yaris GR (lire ici), bien avant elles souvenez-vous de la Celica GT-Four (tiens GT-Four…), la Supra (lire ici) première du nom, la MR avec son moteur central ou encore la doyenne de toute la sublissime 2000GT de la fin des 60s. C’est d’ailleurs celle-ci, blanche, qui m’accueille dans le show room de la concession Toyota Degenève de Thonon-les-Bains, juste à côté d’une Supra dans la même teinte qui n’attend que son nouveau propriétaire. Le ton est donné, nous avons à faire à des passionnés !
Le tour du proprio’
Quelques minutes après moi, une Yaris GR blanche (encore !) arrive devant la porte de la concession, ce sera la mienne pour l’heure qui vient. Avant d’en prendre le volant, jetons un œil à la bestiole qui attise la curiosité de tous. Un look ramassé, c’est le moins que l’on puisse dire. L’avant ne laisse aucun doute sur sa vocation sportive : bouche béante XXL qui laisse entrevoir un énorme échangeur et de chaque côté au-dessus des antibrouillards des prises d’air qui gavent des boas en direction des freins avant ! Tiens la rampe de phares sur le capot doit être dans le camion d’assistance, non reprends toi Ambroise ! Le profil est surprenant car l’empattement est la même que la sage Yaris hybride 5 portes garée juste derrière pourtant la version GR n’a que 2 portes, fait 5.5 cm de plus en longueur et 4.5 de moins en hauteur. Étirée et profilée, le traitement 2 portes lui convient très bien avec l’arrière plongeant, mais ce qui saute le plus aux yeux ce sont ses hanches marquées ! Et oui dans le reste des mensurations je n’avais pas parlé des 6 cm de plus en largeur. L’arrière est presque le moins surprenant, en tous cas le plus Toyota puisqu’on y retrouve au choix de la Corolla, du Rav4 ou du C-HR, faites votre choix. Mais une nouvelle fois, les 2 sorties d’échappement qui entourent un semblant de diffuseur ne cachent pas le jeu de la citadine bodybuildée. Avant d’ouvrir la porte sans montant, un coup d’œil aux belles jantes forgées 18” (qui font partie du pack track dont est équipé ce véhicule de démo) complétées par les étriers rouges (4 pistons à l’avant), du sérieux, solide et au poids contenu. La chasse aux perfs est réelle !
Bienvenu à bord … d’une Yaris
J’ouvre donc la porte, en alu me souffle-t-on dans l’oreillette tout comme le capot et le hayon pour un gain total de presque 25 kg, en plus du toit carbone, et là je retrouve la normalité. Je ne m’attendais pas non plus à un arceau cage et des baquets fibre avec harnais, mais outre les sièges enveloppant, pour ne pas dire “semi-baquets” aux surpiqûres rouges que l’on retrouve sur les soufflets de frein à main et levier de vitesse, on est dans l’efficace et le pratique, presque trop sérieux. Un petit logo GR sur le volant, sur les appuis têtes, pour le reste noir c’est noir du sol au plafond. Si bien qu’une fois installé, assez haut, on se sent un peu oppressé. Il faut dire que la lunette arrière et les vitres arrière sont réduites dues à la ligne de toit plongeante, qui doit aussi en mettre un coup à l’habitabilité des places arrière, mais ce n’est pas forcément ce que l’on vient chercher en premier en choisissant la Yaris GR. Devant moi un bloc compteur simple mais complet, avec pression du turbo, température et pression d’huile. Au centre de la voiture un écran très Yaris standard, sans GPS sur ce pack track me ressouffle-t-on dans l’oreillette, mais dessous un gros bouton fort intéressant : “Push Normal” puis de chaque côté “Sport” ou “Track”. Il s’agit des modes de répartition du couple : Normal avec 60% à l’avant et 40% à l’arrière, Track 50/50 et Sport 30/70. Et oui cette petite Yaris est une vraie 4 roues motrices permanentes, et quand on parle de couple il y en a suffisamment avec 360 Nm de 3000 à 4600 tr/min !
Sous le capot ? Du plastique qui cache … 3 cylindres !
Mais qu’est-ce qui offre autant de couple ? C’est vrai que nous n’avons pas encore parlé du bouilleur plutôt bien dissimulé sous le capot, hormis un cache GR et une énoooorme boite à air, rien de bien excitant … à voir. Mais la fiche technique l’est nettement plus puisqu’il s’agit d’un 3 cylindres cubant 1618 cm3 aidé par un turbo pour développer 261 ch à 6500 tr/min ! Avec 3 cylindres ? Et oui, pas mal hein ?! Allez fini les chiffres, il est temps d’aller voir ce que ça donne en mouvement tout ça. Pression sur le bouton “GR Start” et la bête prend vie … timidement. J’avance un peu le siège, toujours assis un peu haut, règle le volant en hauteur/profondeur et il est temps de passer la 1ère. Oh la course de la pédale d’embrayage semble longue, par contre la commande de la boite 6 plutôt bien guidée et au verrouillage ferme. On décolle doucement de la concession pour s’engager dans la circulation d’une zone commerciale entre les fêtes. La Yaris GR se comporte comme une Yaris et donc très docilement dans cet environnement urbain bouchonné. Au premier arrêt je suis surpris par la courte course morte de la pédale de frein et son mordant, plutôt une bonne surprise. Redécollage, oui la course d’embrayage est longue, mais je ne le remarquerai plus ensuite, jusqu’à reprendre ma voiture 🙂 C’est aussi à ce moment-là que je me rendrai compte que l’impression est sans doute accentuée par la position haute des sièges. Empattement plus contenu et profil de compact font que les jambes ne sont pas très allongées et qu’on se sent un peu assis droit mais rassurez-vous, on ne se sent pas dans un monospace non plus.
Pousse au crime
Cligno’ à droite, rond-point suivant à gauche et me voilà sur une 2×2 voies dégagées. Bien que limitée à 90 km/h, la voiture étant chaude, je ne peux m’empêcher d’enfoncer la pédale de droite pour voir la réaction. Instantanée, l’aiguille du compte-tour va s’écraser en zone rouge quasi instantanément, elle a du répondant la petite. Sortie de la 2×2 voies direction Allinges, non pas pour aller à la Brasserie du Léman faire des réserves, mais plutôt pour continuer sur la route du Col du Cou. Petite montée dégagée avant l’entrée en agglomération, l’occasion de tirer la 2 puis la 3, l’aiguille du compte tour semble montée sur ressort : après avoir grimpé en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire à 7.000 elle retombe à peine sous les 5.000 pour pousser à nouveau aussi fort sur le rapport suivant ! Rapports courts, moteur turbo et 4 roues motrices, le combo est gagnant pour allonger sans fin. La traversée du village et ses gendarmes couchés montrent une suspension ferme, oui pas mal ferme même. Je passe le panneau de sortie d’agglomération, laissant la limite des 50 km/h derrière moi, les courbes rapides se dessinent au loin, l’idéal pour sentir l’équilibre du châssis à rythme un peu haussé. Il pleuviote, il fait 2 degrés, restons tout de même raisonnable. Premier gauche passé en appui j’écrase l’accélérateur, passe la 4 quand le droit suivant me saute au visage. Wahou quelle réactivité, on est pas collé au siège à chaque accélération, mais ça pousse fort bien et semble ne jamais s’arrêter ! Revenons à ce grand droit qui ne saute au visage, je saute sur les freins, la pédale est toujours aussi mordante et la puce n’a aucun mal à calmer les 1280 kg. Oui des étriers 4 pistons, rouge en plus, des gros pneus (neige) en 18”, le freinage est à l’avenant de la méca’ ! Relance en 3, puis 4 puis 5, oup’s mieux vaut ne pas regarder le compteur mais lâcher les gazs.
Cette première ruade ne donne qu’une envie, recommencer ! Tant mieux la route continue de serpenter entre les bois tout en continuant de monter. Du monde au loin qui va casser le rythme, pas de soucis, l’échappatoire se trouve à gauche en prenant la route du col des Moises, sans doute encore plus déserte ! La route moins fréquentée est grasse et jonchée de feuilles mortes humides, j’ai beau écraser l’accélérateur, dès que je peux, je ne verrai qu’une fois un voyant orange s’allumer au tableau de bord sans vraiment sentir de coupure ou perte d’adhérence. Oh la belle épingle, freinage toujours puissant, rétrograde en 2 (sans l’option talon pointe automatique activée car le pédalier s’y prête assez bien), remise les gazs très tôt pour sentir l’avant nous attirer vers la corde, c’est ultra efficace et vraiment sympa. La zone rouge arrive très vite, la 3 et ça continue. Incroyable, je l’ai déjà dit, mais la poussée semble vraiment sans fin !! La pluie s’intensifie un peu, mais le grip est toujours imperturbable et digère fort bien le couple. Les épingles s’enchaînent, le rythme reste diabolique jusqu’à ce que je rejoigne une paisible 4L qui monte à son rythme. Peine perdue d’essayer de la dépasser raisonnablement sur cette petite route, d’autant que la neige fondue qui tombait sur le pare-brise commence à tenir au sol. L’horloge m’indique que si je ne veux pas abuser de l’heure qui m’est attribuée, il serait bien que je fasse demi-tour. J’ai bien lu sur la fiche technique (voir en fin d’article) que le frein à main agit sur des tambours dédiés et déconnecte le diff’ arrière pour éviter le blocage des roues avants, mais n’étant pas coutumier de la manœuvre on ne va pas tenter le diable.
La descente plus calme me permet de mieux apprécier la voiture. Oui on est assis un peu haut et le maintient latéral pourrait être meilleur, mais dans l’ensemble ça va pas mal. La direction est bien, pas exceptionnelle de finesse ou en remontée d’infos, mais pas un point négatif non plus, elle fait le job d’autant plus que la voiture est équipée en pneus neige. La bande son est étrange, pas désagréable mais pas vraiment envoutante non plus. Comme moi vous avez dû lire que le son moteur est amplifié via les haut-parleurs à l’intérieur de la voiture. C’est un peu triste, mais c’est une bonne intention de la part de Toyota qui n’oublie pas que cela fait partie du plaisir du conducteur. Alors si les normes actuelles (pollution, bruit, conso, et toutes celles que j’ignore) font que le 3 cylindres est très timide, c’est plutôt cool d’avoir pensé à palier à ça. Nul doute que les lignes aftermarket vont vite fleurir dans les échoppes spécialisées, en attendant grâce à cette amplification notre oreille se souvient que l’on ne se trouve pas au volant d’une Yaris normale. La tentation de refaire une montée en mode Sport avec 70% de couple vers l’arrière est grande, mais je serai définitivement en retard. Alors laissons la découverte complète de l’auto lorsque nous l’a récupérerons pour quelques jours chez Toyota France très prochainement.
Saloperie de malus
Au moment du bilan, il faut souligner l’incroyable audace de Toyota d’oser offrir une auto aussi délurée et en opposition totale à la tendance actuelle. Le pire dans tout ça c’est que le tarif est carrément raisonnable : 35.600 Euros pour le pack premium et 2.000 Euros de plus pour le pack Track qui enlève quelques bricoles (dont le GPS) mais rajoute les jantes forgées, les autobloquants et la direction et suspension raffermies (p’tre pour ça que je la trouve un peu sèche…). Mais à ce tarif attractif il faut rajouter cette saloperie de malus, 7.851 Euros en 2021 la faute aux 186 g de CO2/km 🙁 En restant objectif, quelle concurrence opposée à la Yaris GR ? Une Fiesta ST (lire notre essai ici) ? Compacte, ultra joueuse mais 60 ch et surtout 2 roues motrices en moins : les perf seront en net recul par rapport à la Toy’, le prix aussi. Une allemande compacte à 4 roues motrices ? Oui là l’offre est vaste, Classe A ou CLA badgées AMG (lire ici), Audi S3 voir RS3 (lire notre essai ici) en tête. Mais niveau poids on est parti pour 300 kg de plus minimum, certes avec une finition autrement plus premium, une boite auto (pour ceux qui préfèrent) et une poignée de chevaux en plus, par contre c’est au moment de passer à la caisse que la différence va se faire sentir. C’est au minimum 15 à 20.000 Euros de plus qu’il faudra débourser !
Cette Toyota Yaris GR est donc assez unique sur le marché 2021, ce qui la rend encore plus attachante. D’ailleurs les clients ne s’y trompent pas, une commande confirmée fin Décembre donnait une livraison en Juin, et quelque chose me dit que les délais ne vont pas se raccourcir. Encore un grand merci à toute l’équipe passionnée de la concession Degenève à Thonon-les-Bains, et si vous voulez en savoir encore plus sur cette bestiole, patience, l’essai détaillé de Philippe arrive bientôt !
Crédit photos @ Toyota et Jpog Photographie