Vous connaissez certainement la Honda Insight moderne, cette belle et propre berline hybride concurrente directe de la plus répandue Toyota Prius. Mais savez-vous que la première génération d’Insight, produite entre 1999 et 2006 se présentait sous la forme d’un petit coupé à la fois futuriste et expérimental ? C’est donc cette première génération que nous sommes allés essayer pour revivre les débuts de l’hybride chez Honda et (re)connaitre le frisson de l’an 2000 !
Comment ça marche l’Insight ?
Avec le recul, le cahier des charges de l’Insight apparait assez simple et limpide, mais replacé dans le milieu des années 90 il l’était moins : une voiture la plus épurée possible, équipée d’un petit moteur thermique consommant peu et aidé par un moteur électrique lors de fortes sollicitations. Dans les faits cela se traduit par une chasse au superflu, tant dans l’équipement que dans la conception, un tri-cylindre d’un litre de cylindrée et la fée électricité au milieu de tout ça…
L’emploi massif de l’aluminium se retrouve un peu partout, de la monocoque jusque dans les tambours de freins arrière ou les supports moteurs, et le recours aux matières plastiques est largement diffusé, y compris pour le réservoir de carburant. La chasse aux pertes a éliminé la direction assistée hydraulique au profit d’une électrique et le moteur utilise de l’huile 0W20 à faible viscosité, là aussi pour limiter les pertes par frottement… Entre la conception ultra optimisée et tous ces détails mis bout à bout, on obtient une (vraie) auto qui pèse 838 kg et offre une rigidité supérieure à celle d’autos bien plus lourdes tout en offrant un équipement suffisant, comprendre par là un peu plus que dans une 2cv Citroën par exemple. Un vrai pari technologique réussi qui n’a pas dû être de tout repos pour l’équipe en charge de la conception et du développement.
En parlant technologie, comment ça fonctionne une Insight ? Un moteur thermique 3 cylindres 1 litres VTEC développe 70 cv et propulse, enfin plus exactement tracte, la voiture via une boite de vitesse mécanique à 5 rapports. Sauf que vous vous en doutez, même si la voiture est légère, un 3 cylindres aussi petit, même VTEC ne déborde pas vraiment de couple ! C’est pourquoi un moteur électrique brushless ultra compact, directement greffé sur le volant moteur, vient aider le thermique en lui apportant jusqu’à 13 cv et surtout 49 Nm de couple. Il puise son énergie dans les batteries de 144 volts, dissimulées sous le coffre, en phase d’accélération, et les recharge en phase de freinage, apportant aussi un peu plus de force de freinage. On rajoute à ça un Start&Stop, devenu banal aujourd’hui, qui coupe le moteur dès que la voiture est l’arrêt et le relance instantanément via son volant d’inertie au moment de repartir (et non le démarreur comme sur nos citadines modernes). Le but était d’avoir le ressenti de performances et d’agrément d’utilisation produit par un moteur 4 cylindres 1.5 litres selon les témoignages d’Honda.
Si sur le papier tout semble évident en 2015, on peut volontiers imaginer comment les ingénieurs Honda se sont sérieusement creusé la tête pour aboutir à ce résultat, et encore plus pour que 15 ans et 160.000 km plus tard tout soit encore fonctionnel comme ici. Produite de 2000 à 2006 en faible quantité, 17.020 exemplaires en tout et pour tout, et destinée en priorité au marché américain et japonais, la voiture a peu évolué durant sa carrière puisque seul un chargeur 6 CD est venu se greffer dans la liste des équipements au cours de ses 6 ans de commercialisation. Côté gamme ou finition, là aussi le régime de simplification a été drastique sur le catalogue : un modèle de base, le même avec la clim en plus et un dernier à boite automatique à convertisseur et clim, c’est tout ! Fabriquée dans la même usine que la NSX et la S2000 à Suzuka, l’Insight ne pouvait être vendue très cher vue sa taille et ses performances malgré son fort coût de production, on peut donc comprendre pourquoi Honda n’a pas cherché à en écouler de forts volumes. L’Insight a permis de tester grandeur nature cette technologie novatrice, mais aussi les habitudes des conducteurs.
Mi-Civic, mi-proto du Eco Marathon Shell !
L’Insight est plutôt compacte, moins de 4 m de long, 1m70 de large et 1m35 de haut, mais plus que sa relative petite taille, ce qui saute aux yeux tout de suite c’est la partie arrière. Si de face on pourrait croire à une Civic du début des années 2000, dès que l’on commence à apercevoir le profil et l’arrière on comprend que les ingénieurs aéro et la soufflerie ont eu le dessus sur les designers et leur planche à dessin. La voix arrière plus étroite, la ligne de toit plongeante et étirée, les roues arrières carénées, on penserait voir un proto de l’Eco Marathon Shell sans ses peintures de guerre.
A mieux y regarder c’est l’ensemble de la voiture qui est soignée dans les moindres détails aéros, l’intérieur des passages de roues lissés, le fond plat, les entrées d’air réduites au strict minimum à l’avant, des pneus étroits, bref un gros gros boulot. Il en résulte un Cx de 0.25 tout proche des records pour une voiture de série.
Voyage dans le temps à l’intérieur
Comme vous pouvez le constater sur les photos, l’Insight est une stricte deux places puisque les éventuelles places arrières, tout du moins la partie basse, sont occupées par les batteries. Malgré le petit format de la voiture, l’espace intérieur est plutôt vaste et offre pas mal de rangements. Les sièges sont enveloppants et confortables, on se sent bien une fois installé, le seul reproche pouvant se faire sur la qualité du tissu des sièges. Certes résistant puisqu’il présente toujours bien 15 ans plus tard, mais surprenant au toucher, un détail il est vrai mais pas très flatteur à l’œil…
L’ergonomie est bonne, la visibilité et la position de conduite aussi, le seul truc qui dérange une fois à bord c’est le look du tableau de bord. Disons qu’on est sur la fin de la mauvaise époque des autos japonaises et du plastique, ça date, ça se voit et ce n’est pas terrible. Mais c’est surtout en tant que passager que cette impression est visible, car une fois derrière le volant, on change de siècle face à au bloc compteur ! Quel look, plein de couleurs et un design ultra futuriste … pour l’an 2000. J’aime assez, j’avoue, certainement des souvenirs de jeunesse à avoir passé trop de temps devant les épisodes de K2000, mais je pourrai comprendre qu’on n’aime pas du tout !
Ce morceau de futur coloré permet de suivre en live le fonctionnement de la salle des machines : le niveau de charge des batteries, du réservoir d’essence, bien évidement la vitesse et le compte tour, mais surtout ce petit cadran en haut à droite pour voir en instantané le fonctionnement du « mode » électrique (assistance ou recharge et dans quelle proportion).
Électrisante à conduire
Très honnêtement avant de commencer cet essai je ne savais pas à quoi m’attendre. Les premiers tours de roues en passager me donnent l’étrange impression d’être à bord d’une voiture thermique normale, impression qui se retrouve une fois aux commandes. En fait Honda a été assez fort pour faire en sorte que rien ne transparaisse à l’utilisation de la voiture, l’intervention de l’assistance électrique étant imperceptible. Du coup la petite citadine est plutôt nerveuse, avec des reprises très vivaces dès que l’assistance se met en route, on arrive même assez bien à gérer cette aide, et donc la consommation de la batterie, en modulant l’effort sur la pédale d’accélérateur.
L’étagement de la boite de vitesse est par contre plus discutable, un tour énorme entre la 1ère et la 2nde fait que si on ne tire pas un minimum le premier rapport on tombe très très bas dans les tours. A l’inverse on peut tenir la 2nde jusqu’à plus de 80 km/h, les rapports supérieurs suivent la même logique en étant tout aussi longs, pour dire, je ne crois même pas avoir passé la 5ème durant les 2 jours passés à son bord ! J’imagine volontiers que pour les cycles de consommation ou d’émission de particules polluantes c’est un plus, à l’usage c’est discutable. Au freinage on sent bien qu’une aide extérieure aux freins traditionnels ralenti la voiture, c’est puissant et rassurant, ainsi uniquement au frein moteur on arrive à décélérer grandement. Plutôt confortable en utilisation et lorsque l’on jette un œil au compteur magique on se rend compte que les batteries se rechargent un maximum durant cette phase.
Si on essaye de hausser un peu le rythme le châssis se révèle ferme tout en restant confortable, les infos remontent bien dans la direction et le train arrière étroit ne fait pas ressentir d’instabilité particulière comme on pourrait le craindre. Très bon point sur le comportement dynamique donc, affronter de grands trajets à bord de l’Insight ne fait pas peur, bien moins en tous cas qu’une 1007 qui une fois sorti de la jungle urbaine ne rassure pas vraiment… Elle sait même se montrer fun si on la bouscule un peu, aidé il est vrai par des pneus étroits, fort gonflés selon la recommandation constructeur et particulièrement secs comme sur bon nombre d’autos anglaises. Ainsi un lever de pied provocateur dans ce grand rond-point de zone industrielle déserte et humide engage une chaleureuse dérive du train arrière. Et oui au fond d’une sérieuse production japonaise se cache toujours un petit morceau wasabi piquant et amusant !
Mais en vrai, ça consomme combien ?
Vendue à l’époque pour consommer 3.4 litres d’essence sans plomb pour 100 km de route, ou 3.9 pour 100 km de trajet urbain, l’Insight était, et certainement de loin, la voiture consommant le moins parmi celles vendue sur le territoire américain en 1999 ! Durant la campagne de lancement Honda avait organisé pour les magazines auto US un concours de conso entre Colombus dans l’Ohio et Détroit sur 314 km. C’est le magazine Car & Drivers qui remporta l’épreuve avec une conso incroyable de 1,933 L/100 km pour une vitesse moyenne de 93 km/h ! Grosse astuce, certains diront tricherie, l’Insight était en fait nichée derrière une cloche tractée par un gros pick-up, lui offrant ainsi nettement moins de freinage aéro et même certainement un peu d’aspiration.
En vrai Nico, le proprio depuis bientôt 1 an de l’Insight qui illustre l’article, arrive à descendre à 2.8 litres pour 100 km de conso, en faisant attention et en optimisant au mieux le profil du trajet pour les zones de recharge et décharge de batterie. Un usage un peu plus prenant qu’un simple déplaçoir diesel mais qui peut se révéler amusant et challengeant. Autrement sans y prêter plus et en utilisant bêtement l’Insight, la conso se stabilise tranquillement entre 4 et 4.5 litres aux 100 km. Décevant, non ? Presque, car une Twingo de 2015 ou même un petite Yaris diesel doit y arriver, mais une nouvelle fois, rapporté dans le contexte de la fin des années 90, la perf est carrément bonne. Et puis disons-nous que grâce à elle la Civic ou Jazz Hybride, la CRZ, les Insight 2 et 3 et bien d’autres ont pu voir le jour enrichies de cette expérience grandeur réelle.
Un bon plan ?
Voilà la question qui ressort après cet essai, agréable à conduire, spacieuse pour peu qu’on ne recherche pas plus de 2 places, originale et très économique à l’usage, tout laisse à croire que cette Honda Insight 1 est un sérieux bon plan ! Alors comment vous répondre autrement que par oui mais non ? Le plus gros souci sera déjà d’en trouver une en France : jamais officiellement importée, on en compterait une dizaine roulant sur le territoire français. Et même s’il est plus facile, quoique, d’en trouver en Allemagne ou en Angleterre pour les “RHDistes”, l’âge aidant les voitures commencent à être kilométrées laissant présager quelques problèmes d’approvisionnement de pièces. Imaginez la tête du magasinier de votre concessionnaire Honda local face à son PC ne reconnaissant même pas votre numéro de série…
Il faut savoir aussi que les batteries ont une durée de vie limitée, certes longue mais pas infinie, et dans le cas d’un remplacement, possible en UK, il vous en coutera entre 3.000 et 3.500 £ ! Méfiance donc des prix d’achat trop bas si jamais vous voulez vous lancer dans l’aventure à long terme. Par contre si vous vous sentez l’âme d’un “Hondiste” bio et que vous n’êtes pas effrayé des possibles galères à venir, nul doute que c’est l’engin qu’il vous faut en “daily” à coté de votre S2000 pistardisée pour le week-end 🙂
Crédit photos @ Ambroise Brosselin
Bonjour, Sympa le test, je viens d’en acheter une de 2006, que du bonheur