En ce jour de fête nationale, quoi de mieux que mettre à l’honneur un pur produit français ? Il y a des voitures qui font partie de la culture automobile pour tous les français ou presque. Selon votre âge, ce sera la 4cv des premiers congés payées, la DS de papy, la 4L du jeune conducteur, la 205 de toute une génération ou pour les plus jeunes la Twingo. Il en manque au moins une dans cette liste, une voiture qui a traversé les années et les générations et maintenant presque autant synonyme de la France que la baguette de pain ou le béret : la Citroën 2CV !
Je ne vais pas vous refaire l’histoire de la Très Petite Voiture de Citroën dont le cahier des charges lui demandait de pouvoir déplacer 4 personnes sous un parapluie sur toute sorte de routes. De nombreux livres, articles ou site internet tous très complets et consacrés à l’histoire de ce mythe Citroën existent et vous en apprendront bien plus que je ne pourrai le faire ici en quelques lignes. Aujourd’hui nous allons nous concentrer sur la vie à bord et l’expérience de conduite d’une Deuche, une 2CV6 de 1989 pour être précis.
Le look
Sa ligne est tellement familière et encrée dans le paysage automobile que je me vois bien maladroit au moment de commencer la description de la bête… Un gros brin rétro quand même avec ses phares ronds, ses ailes généreuses, son petit et bien vertical pare-brise ou encore ses roues arrières couvertes. Quel que soit l’angle sous lequel on l’observe elle donne tout de même une impression de légèreté ou fébrilité pour ne pas dire fragilité. Il faut la remettre dans le contexte de sa sortie en 1949 pour mieux l’apprécier, car forcément quand en 2015 quand une 208 est presque aussi imposante qu’une DS Break (oui j’exagère un peu mais on en est pas loin), une 2cv ne fait pas le poids dans un match de citadine. Mais en regardant plus en détails on remarque qu’il n’y a pas vraiment de superflu ni de « déco » pour faire joli, uniquement du fonctionnel bien pensé.
Car oui c’est une constante sur la 2cv, certainement une des clés de son succès, tout est bien pensé pour être fonctionnel et économique, tout, vraiment tout. Un exemple ? Le coffre, tout comme le capot d’ailleurs, ne sont pas montés sur charnières, des pièces lourdes, couteuses, qu’il faut assembler avec des vis qui demandent des renforts des 2 parties recevant les vis. Mais comment faire pour proposer un ouvrant sans charnière alors ? Très simple, une fine baguette de métal en U fait la jonction et l’articulation entre le panneau de coffre plié à son extrémité supérieure et la rainure formée en bas de l’armature de capote elle-même fixée par 2 vis sur la caisse : simple et astucieux, économique, robuste et léger !
Je ne vous ai pas convaincu, vous voulez un autre exemple ? Allez on reste sur le thème des charnières avec les vitres avant. Des vitres qui descendent demandent un mécanisme lourd, pas très simple, encombrant et qui peut tomber en panne. Il reste la solution des vitres coulissantes, ça demande des rails, on n’a pas accès à toute la largeur de l’ouverture, bref pas terrible. Citroën propose des vitres dont la moitié basse s’ouvre sur le haut, via deux charnières toutes petites et un verrouillage en plastique sur le haut pour maintenir, enfin essayer, la demi-fenêtre ouverte. Tous ceux qui ont déjà conduit une 2cv savent parfaitement de quoi je parle quand j’évoque ce verrouillage, celui-là même qui au passage d’un trou lâche la vitre qui vient nous claquer le coude à la portière !
A l’intérieur
Puisqu’on parle de porte, et si on l’ouvrait pour monter à bord ? Qu’est-ce qu’elle est fine cette porte lorsqu’on l’ouvre ! Une large banquette, en fait composée de deux sièges séparés, nous tends les bras. Plutôt confortable et d’un bon maintient, voilà un premier bon point pour l’habitabilité de la 2cv. Face à soit un énooorme volant monobranche typique des Citroën qui laisse présager une direction lourde… A moins que la taille du volant ait été faite pour laisser libre vue sur le compteur, mais quand on voit la taille réduite de celui-ci, le motif ne semble être gère valable 🙂 D’ailleurs hormis la vitesse et la jauge à essence, peu d’infos à se mettre sous la dent, coté comodo et planche de bord, pas mieux. Commande des essuies-glace, on ou off pas d’intermittence, les warning, 2-3 qutres bricoles et … c’est tout ! Après tout avons-nous besoin de plus ? Pas sûr !
Ce qui surprend le plus, enfin après la manipulation de la célèbre queue de vache qui fait office de levier de vitesse, c’est la proximité du pare-brise juste derrière le volant. Plusieurs fois je me suis surpris à m’écraser violemment le doigt sur la vitre en voulant montrer quelque chose ou faire signe à un piéton qu’il pouvait traverser. Avec nos habitacles ultra spacieux et sécurisés, une telle proximité est surprenante. La position incite quant à elle à la tranquillité, légèrement vautré mais bien installé, les avant-bras se couchent naturellement sur le volant assez horizontal tandis qu’on domine bien l’avant de la voiture tout en profitant de la surface vitrée pour surveiller les alentours.
Comment ne pas finir le tour du propriétaire en décapotant. Car oui si la 2cv offre 4 places sous un parapluie, plutôt étanche en plus, il a le gros avantage de se replier vers l’arrière ultra facilement ! Il suffit de tirer sur l’élastique pour désengager les 2 crochets qui fixe la capote en haut du pare-brise et il ne reste qu’à la rouler, jusqu’à la moitié de l’habitacle ou jusqu’à l’arrière. Là aussi simplicité et efficacité, une vraie voiture à vivre truffée d’astuces ! En remontant à bord on constate la finesse du métal qui nous entoure, mais la présence du châssis en dessous nous rassure quant à la rigidité structurelle de l’ensemble, on se souvient avoir déjà vu un châssis nu rouler sans carrosserie.
Au rayon des astuces et de l’habitabilité intérieure, la banquette arrière a du inspirer les monospaces modernes, puisque même si elle est d’un seul bloc, une fois déverrouillée par le coffre elle se bascule en avant pour se retirer ultra facilement. Elle permettra de pique-niquer au bord de la Nationale 7 dans un confort tout à fait agréable et en dehors des vacances d’offrir une capacité de chargement suffisante pour au choix une botte de paille, quelques agneaux égarés ou encore 4 roues en 17’’ pour aller faire remplacer des semi-slicks usés.
En route
Et si on allait faire un tour ? On tire le starter, on tourne la clé et on laisse tourner le démarreur quelques secondes avant que le bicylindre ne s’ébroue dans un barrouf peu discret. Oui c’est vrai qu’il y a une petite fuite d’échappement en sortie de collecteur, mais le bruit typique de la 2cv est bien là 🙂 On tire la queue de vache vers soit en la tournant un peu sur la gauche une fois le point milieu passé, on sent une vitesse s’enclencher, on peut donc essayer de décoller. Bon décoller n’est pas forcément le terme le mieux choisi puisque si décollage il y a, il n’est pas foudroyant ! Mais le poids plume de l’ensemble fait que la petite Citroën évolue avec aisance en centre-ville. Je redoutais tout à l’heure la lourdeur de direction en voyant la taille du volant, mais c’est tout à fait raisonnable, point besoin d’un physique de camionneur pour extraire la Deuche de sa place de parking !
Oup’s voilà que j’approche du premier grand rond-point, moment que l’on m’a promis comme épique, ou tout du moins riche en sensations… Je rétrograde facilement en poussant le levier tout droit de la 3 à la 2, le rond-point étant vide je m’engage et là effectivement les sensations sont au rendez-vous : même à vitesse tout à fait raisonnable la voiture s’embarque dans un roulis prononcé me donnant l’impression d’être 50 cm plus haut que ma passagère !! Sortie de rond-point par une grande courbe à droite, les positions s’inversent, me voilà tout petit à coté de ma passagère qui me regarde avec un large sourire, tandis que je surveille si le rétro extérieur ne va pas limer le bitume ! Ah oui ça gite sérieusement mais la sensation de grip est impressionnante. Rond-point suivant, l’effet de surprise étant passé on peut analyser un peu plus la situation, la voiture se met certes très en appui mais elle semble autoriser des vitesses de passages en courbes à faire pâlir de nombreuses citadines modernes. La légende urbaine veut qu’il est impossible de retourner une 2cv (en marche avant en tous cas), je veux bien le croire sans essayer d’en faire la démonstration !
Dernière évolution du concept de base, la 2cv6 profite du bicylindre dans sa plus grosse version : 602 cm3 sortant la folle puissance de 29 ch. Cela se ressent bien dès que tracé de la route s’étire en une grande et longue ligne droite, le paysage met du temps à défiler… Là aussi si on la remet dans son contexte d’époque, les performances étaient sans doute tout à fait honorables, aujourd’hui elles semblent un peu justes. Oh tient ça monte ici, je n’avais jamais remarqué ! Le moindre relief se ressent tout de suite au tachymètre, le principe des vases communiquant est parfaitement illustré, quand l’un monte, l’autre descend et inversement ! C’est bien là le seul reproche que l’on pourrait faire à la 2cv, son manque de puissance pour affronter la grande route ou le relief.
Car pour le reste elle est vraiment très bien : vous avez un peu froid, les conduits en carton aperçus sous le capot viennent réchauffer l’air extérieur sur le collecteur d’échappement avant de le diriger sur vos pieds. Un peu chaud et l’air provenant de la capote et les vitres avant ouvertes ne vous suffit pas ? La petite molette au centre du tableau ouvre une trappe sous le pare-brise qui vous souffle directement du bon air frais de l’extérieur. Besoin de traverser un champ de pierre, ou de vous rendre au travail malgré les 20 cm de neige fraiche tombés dans la nuit ? Pas de problèmes avec sa garde au sol important et ses fins pneus en 125 de large, la Deuche saura se montrer efficace dans ces situations délicates. Ce n’est pas pour rien qu’elle fut une monture de choix pour les aventuriers des 60’s au 80’s ! Dans de nombreuses contrées lointaines et reculées, l’automobile a été découverte par l’apparition d’une 2cv ou d’un Defender 🙂
Rouler en 2cv en 2015 ?
Du coup ça vous donne envie, non ? Moi oui ! Alors avoir une 2cv en 2015, si c’est possible, est-ce une galère annoncée ou plutôt un long fleuve tranquille ? La côte de la petite Citroën ne cesse de monter, ce n’est pas un effet de mode puisque la courbe est en hausse depuis plusieurs années. Donc même si le prix d’achat peut vous paraitre élevé (pour une voiture produite à si grande échelle et si peu motorisée), dites-vous que c’est un investissement qui devrait vous rapporter au moins autant que votre livret A à la banque. Une fois l’exemplaire de vos rêves identifié, pensez à jeter un œil sur le châssis pour s’assurer que sous une robe flatteuse ne se cache pas une future galère.
Bien sûr toutes pièces sont disponibles facilement via de nombreuses échoppes pour entretenir et restaurer sa 2cv, y compris des châssis neufs galvanisés résistant mieux à la corrosion. Et comme tout est accessible, bien conçu et démontable avec un minimum d’outillage, vous pourrez faire votre premières armes de mécanos ou continuer votre perfectionnement, pas d’inquiétude de ce côté-là.
Enfin cerise sur le camembert, la vie associative autour de la 2cv est l’une des plus actives qui existe. La Deuche est bien évidement acceptée sur toutes les manifestations anciennes, même au Tour Auto c’est dire (!), et des rassemblements internationaux réunissent tous les ans plusieurs milliers de 2cv aux quatre coins de l’Europe se font dans une ambiance joyeuse et conviviale. Je vous laisse, j’ai quelques annonces à aller regarder sur leboncoin…
Crédit photos @ Ambroise Brosselin
La Deuche est un rêve accessible, il faut en profiter avant que la cote ne devait vraiment irraisonnable !
J’ai toujours rêver d’avoir une deuche mais malheureusement cela ne reste qu’un rêve. Un jour peut être sinon merci pour ce partage et surtout pour les photos.
Super article. Sinon faudra que j’en essaie une un de ces quatre !