Caterham Super Seven 1700 Super Sprint, c’est un nom presque aussi long que la voiture ! Elle doit forcément être « super » cette voiture ? C’est ce que l’on va essayer de voir…
Un look immuable et incomparable
On ne présente plus la Seven, véritable icône du plaisir sur 4 roues, d’autant qu’on en a déjà profité l’été dernier avec l’essai longue durée d’une 1600K à relire par ici. En découvrant cette version un peu plus ancienne que l’orange de l’année dernière, la grosse différence qui saute aux yeux est bien évidemment la configuration ailes longues, à opposer aux ailes de motos habituelles sur les Cat’ plus récentes. Quoique Caterham ayant ciblé une partie nostalgique de sa clientèle est revenu il y a peu aux ailes longues (lire ici). Bref je m’égare, revenons sur cette 1700 SS au look absolument classique : verte à bande jaune, ailes longues et petites roues en 13’’. Elle pourrait être le cliché de la Caterham des 80’s, c’est en tous cas comme ça qu’on l’imagine bien volontiers. A l’arrière pas de changement, ce sont les même feu, le même porte roue de secours, les portes et la capote sont identiques, bref c’est la même auto sauf les ailes avant. La Seven est incomparable et séduit toujours autant, vous en connaissez beaucoup des autos qui n’ont peu ou pas changé de look pendant des décennies et qui sont toujours en vente en 2022 ? Oui les Morgan, revisitez l’usine avec nous ici, mais à part ces deux bizarreries anglaises, je crois que toute comparaison s’arrête là…
Un intérieur vintage pour plus de place mais moins de confort
En regardant à l’intérieur, on reconnait très vite le poste de pilotage, pardon de conduite, puisque les changements sont vraiment mineurs en 26 ans de production. En jouant au jeu des 7 erreurs sur le tableau de bord, on ne pourra guère relever que le compteur kilométrique avec son totalisateur à rouleau contrairement à l’affichage digital de la 1600K et un volant un poil plus rétro. Par contre si on regarde la suite de « l’intérieur », oui très exposé à l’extérieur l’intérieur en question, là le coup de vieux se fait sentir. Premier détail, le frein à main n’est plus au centre derrière le levier de vitesse, mais caché au-dessus des pieds du passager. Pas grave, ça dégage de la place entre les 2 sièges et facilite l’entrée à bord. Les 2 sièges, vraiment ? Ah oui voilà une autre différence qui date cette 1700 SS et lui donne un charme délicieusement rétro. Point de sièges baquet enveloppant, mais 2 petites assises de chaque côté du tunnel de transmission recouvert de moquette, puis pour le dos une fine banquette commune. Le bon point ? Ça donne plus d’espace à l’intérieur puisque le dossier est beaucoup plus fin qu’un siège. Le mauvais ? Ben y’a 0 réglage possible, trop grand ou trop petit, pas possible d’avancer ou reculer. Trop droit ou trop couché, rien à faire même si c’est déjà le cas sur les baquets. Ici c’est à vous de vous adapter à la Cat et pas l’inverse… Plus d’espace donc, c’est un sérieux atout pour monter à bord et s’y sentir bien, par contre le confort est légèrement dégradé puisque les épaisseurs de mousse sont en net retrait. Je vous rassure on est loin de l’inconfort d’un baquet de Lotus Elise S1 (lire l’essai ici) qui m’a traumatisé en étant inconfortable après moins de 2 heures à son bord.
Sous le capot, duo de Weber
Après avoir fait le tour du propriétaire, dehors et dedans, il est temps de s’intéresser à la mécanique. Sous le capot on retrouve un bon vieux Ford Kent, la base du 1600 bien connue et utilisée très largement a ici été réalésée à 1700 cm3 et la pipe d’admission s’est vue greffer deux beaux carbu Weber 45. Les filtres K&N au bout des cornets sont trop gros pour loger sous le capot ? Pas de soucis, on fait une ouverture dans la feuille d’alu, ils iront ainsi chercher l’air frais directement dehors ! Le bloc Ford est accouplé à une boite 4 de la même maison, le millésime suivant les Caterham se voyaient dotées d’un 5ème rapport. Je n’en connais pas l’étagement, ici les 4 vitesses sont parfaites pour un usage routier mais sans doute qu’une cinquième apporte un peu d’allonge ou un peu de repos pour les longs trajets monotones à vitesse élevée. Disons que la configuration ici est idéale pour faire un super sprint, sans doute un peu moins pour un marathon. Le pont arrière vient quant à lui d’une Morris Marina, tandis que les freins sont à disques à l’avant et tambours à l’arrière, une recette fiable et éprouvée, particulièrement bien adaptée au poids plume de la Seven.
Au volant, un voyage dans le temps
Et si on allait faire un tour pour voir comment elle se comporte ? Montée à bord selon le même protocole, on ne s’appuie surtout pas sur le pare-brise mais plutôt sur le tunnel central, on glisse ses jambes autour du volant et on s’installe dans la baignoire. Ah oui il y a bien plus de place que dans la 1600K avec ses gros sièges, appréciable ! On tourne la clé de contact cachée sous le tableau de bord à gauche du volant, on tire le starter qui retombe. Oup’s il ne tient plus « tiré », pas grave on va le tenir avec la main gauche pendant que la main droite contourne le volant pour lancer le démarreur.”Broappp” un son lourd sort de l’échappement, la belle est réveillée ! Par contre c’est un poil pénible de tenir le starter, on va mettre un peu de gaz au pied droit et le laisser retomber, ouf le ralenti tient comme ça le temps de passer les harnais. Embrayage et hop première engagée, euh vraiment engagée ? La commande de boite est un peu floue, la 2 rentre bien, la vitesse en face doit donc être la 1ère selon toute logique. Il est donc temps de décoller, oui non oui, la course d’embrayage un peu longue sème le doute un quart de seconde, la commande à câble doit sans doute pouvoir gagner un peu en course.
Douce montée en régime avant de passer rapidement la 2, laissons monter en température la mécanique et prenons nos repères avec cet engin loin de la normale quand même. Il faut avouer qu’en descendant tout droit de l’Audi RS4 Cab’ (relire l’essai ici), le gouffre qui sépare ces deux mondes est vaste… Le Kent est un peu râleur et pas très rond, il est froid et les Weber font au mieux pour le satisfaire, mais je découvrirai un peu plus tard que même plus chaud, il n’apprécie guère d’être en dessous de 3.500 tr/min, ou plutôt disons qu’il s’exprime bien plus clairement au-delà. C’est là tout le régal de cette configuration à l’ancienne, ça sent un peu l’essence, les gaz d’échappement ou l’huile chaude, mais quand les 2 carbus s’ouvrent en grand et de concert, on n’entend plus que le bruit d’aspiration quelques dizaines de centimètres devant son museau gaver le Ford autant que possible pour qu’il s’envole dans les tours. La 3ème vitesse passe à la vitesse de la lumière, et une fois la 4 engagée si on remet plein gaz ça repart de plus belle… L’avantage de la Cat c’est qu’en roulant à 70 km/h on a l’impression d’être à 150 km/h, alors imaginez quand vous approchez les 120 (là où c’est autorisé bien évidement) la déferlante de bruit et de vent qui viennent perturber tous les sens pourtant déjà très en éveil. Une expérience absolument pleine.
Accélérer c’est bien joli, mais on se doute que ce n’est pas là où la puce anglaise va révéler son vrai visage. Dès que ça tourne, plus aucun doute, on est bien au volant d’une Seven avec son toucher de route si particulier, léger, précis et facile. J’adore, au premier virage je retombe sous le charme ! Le freinage non assisté reste progressif, j’imagine que les pneus récents aident à ne pas le rendre compliqué, mais avant le freinage les grosses pétarades à l‘échappement au lever de pied donnent une large banane. Les Weber sont généreux et continuent de nourrir le Kent. Ça fait partie entière de cette ambiance vintage et amusante, avec malgré tout des perf loin d’être ridicules pour une auto de 33 ans. Le 1700 SS annonce fièrement 135 ch, sur les 550 kg tout mouillés de cette Seven, c’est bien assez pour un comportement dynamique agréable et généreux.
Si j’étais au premier abord peu fan des ailes longues, j’avoue que je m’y habitue assez vite, d’autant plus qu’elles limitent un peu les courants d’air à l’intérieur de l’habitacle (oui ce mot un poil surfait pour une Seven) et évitent aussi les intrusions de graviers, cailloux, eau ou bouse de vache dans vos poches ou sur vos bras. Le bémol est que l’on perd la vision directe sur les roues avants et les suspensions qui travaillent, le spectacle était captivant. Mais cela permet de placer la phares un peu plus bas puisqu’ils n’ont plus à cohabiter avec des gardes bouts tournant, on gagne ainsi en visibilité. Et puis elles sont bien raccord avec le reste de l’auto, que ce soit la bande son, l’intérieur ou son combo de couleurs typés 80’s. Puisqu’on parle des suspensions, même avec des assises moins rembourrées le confort est tout à fait acceptable. La Caterham est souple et absorbe bien les défauts de la route pour aller chercher le grip là où il se trouve. Elle se penche un peu dans les virages, pique du nez au freinage, mais elle est vivante et pas sèche ou piégeuse. Je n’en dirai pas autant sur le mouillé où son poids plume ne l’avantage pas, prudence si vous vous faites piéger par un bel orage ou que les roues sont très humides !
T’y fout l’cul, t’es foutu
Cette maxime semble en effet applicable à toutes les Seven, jeune ou moins jeune, pour peu qu’on soit un minimum réceptif au concept de Colin Chapman bien sûr, évidement que tout le monde n’apprécie pas ce genre de chevauchée. Mais si vous avez lu jusque-là, sans doute que nous sommes atteints du même attrait. Alors si les pièces se trouvent assez bien car venant de grandes marques, le point faible de ces autos artisanales restes les finitions et l’électricité. Oui oui c’est vraiment artisanal, relisez la visite de l’usine d’assemblage de Dartford ici pour vous en convaincre. La bonne nouvelle c’est que l’électricité est réduite à son strict minimum sur une version à carbu, pas d’électronique ou d’injection à gérer. Alors si vous vous dites qu’une Seven vous plairait encore plus avec un côté vintage, c’est une Caterham d’avant 1995 qu’il vous faut.
Bonne nouvelle les plus de 30 ans peuvent être importée d’Angleterre et immatriculée en Collection, ce qui les rend un peu plus abordable que les versions conduite à gauche. Les prix commencent autour de 20.000 Euros immatriculées en France, si vous vous sentez l’âme d’un aventurier on peut trouver moins cher à la source. N’oubliez pas que le Brexit est passé par là et qu’il faudra s’acquitter des droits de douanes et de la TVA en plus de la partie administratives. Les modèles LHD restent assez rares sur le marché, forcément un peu plus cher. La vigilance est de mise sur la conformité et correspondance de la carte grise et de l’auto, encore plus vraies sur les autres variations du modèle original non badgé Caterham revendiquant le fameux chiffre 7. On ne peut que vous conseiller de vous rapprocher des connaisseurs qui se trouvent soit auprès du Club Lotus France soit vers l’association Sevener. Les conseils y sont nombreux, les points à vérifier aussi, de quoi entamer une démarche d’achat bien plus sereinement. La Seven se mérite, ne vous précipitez pas, et surtout ensuite profitez-en. Le plaisir qu’elle distille est généreux et pur, des choses rares pour ne pas dire introuvable dans la production automobile actuelle.
Crédit photos @ Ambroise BROSSELIN.