L’essai de l’Audi R8 V10, nous voulions le réaliser depuis longtemps. Mais comment tester sereinement une GT de plus de 500 ch sur route ouverte sans un arrière goût de frustration ? Alors, quand Audi France nous a appelé pour réaliser cet essai sur circuit, nous n’avons pas hésité une seconde. La R8 est un tournant dans l’histoire de la marque aux anneaux. Le palmarès sportif d’Audi est sans conteste l’un des plus fournis mais la marque restait synonyme de constructeur de berline premium et/ou sportive. Point de GT à l’image de ses concurrents… Depuis 2006 date de lancement de la R8, ce n’est plus la cas. Huit ans plus tard, nous avons pu passer une journée entière à son volant, dans l’une de ses versions la plus aboutie, la V10 Plus.
R8, fruit d’une longue réflexion
C’est en 1991, au Salon de Francfort, qu’Audi signale son intention d’avoir à terme une GT 2 places à moteur central, avec le Quattro Spyder Concept, véhicule laboratoire, motorisé par un V6 2.8L de 174 ch et équipé de la transmission intégrale Quattro. Quelque mois plus tard au Salon de Tokyo, Audi présente l’Avus Concept doté d’un W12 6.0L de 509 ch. Ce moteur, nous le retrouverons plus tard dans une version profondément modifié (W16) sur la Bugatti Veyron.
12 ans ont passé, en 2003, Audi expose au Salon de Francfort le Concept Le Mans Quattro, dont l’actuelle version de série de la R8 sera très proche. Déjà, la motorisation est un V10 FSI, d’une cylindrée de 5.0L et doté de deux turbocompresseurs, délivrant une puissance de 610 ch pour 750 Nm de couple (!), secondé par une boite manuelle à 6 rapports… Au niveau de l’éclairage, c’est une petite révolution, plus d’ampoules mais des LED, dont Audi sera le précurseur jusqu’aux feux laser.
La R8 ; du nom du prototype LMP1 quintuple vainqueur des 24 Heures du Mans de 2001 à 2005 ; est lancée officiellement Mondial de l’Automobile de Paris en 2006 puis disponible en concessions dès avril 2007. Produite à Neckarsulm (Bade-Wurtemberg) en Allemagne, sa construction est organisée comme dans une manufacture. L’auto est d’abord vendue avec la motorisation V8 4.2L de 420 ch puis en 2009 apparait la version V10 5.2L de 525 ch. Un an plus tard, une carrosserie Spyder est lancée reprenant au choix les deux motorisations. Contrairement au Concept Le Mans Quattro, les moteurs restent atmosphériques.
La GT n’est pas celle que l’on croit !
C’est sur le circuit de Bilster Berg que nous nous retrouvons, pour une journée dédiée au pilotage, lors d’une session Audi Driving Expérience. Après deux petites heures de mise en jambe au volant des RS4 et RS6 Avant, nous passons sur la R8 en version V10 Plus. Cette évolution est apparue en 2012 avec deux points notables : l’augmentation de puissance (+25 ch) soit 550 ch au même régime de 8 000 tr/min (maxi 8 700 tr/min) et de couple (+10 Nm) soit 540 Nm au même régime de 6 500 tr/min et la baisse de poids de 50 kg, soit 1 645 kg au lieu de 1 695 kg. Notre modèle était équipé de la boite de vitesse séquentielle à double embrayage S-Tronic à 7 rapports qui remplace avantageusement la vieillissante R-Tronic à 6 rapports. Cette option “coûte” 25 kg supplémentaires sur la balance, soit 1 670 kg pour notre modèle d’essai. La boite manuelle à 6 rapports est également disponible.
A boite de vitesse équivalente, la version Plus apporte un léger gain de performance par rapport à la première version de 525 ch : -0,1 sec sur le 0 à 100 km/h en 3,5 sec, -0,5 sec sur le 0 à 200 km/h en 11,2 sec, -0,2 sec sur le KM Départ Arrêté en 20,6 sec et +3 km/h en VMax soit 317 km/h.
Présente également, la version V10 GT, produite en 333 exemplaires, dont la particularité est d’être équipé spécifiquement pour le circuit. La GT c’est pour la piste et la Plus pour la route… Vous suivez, tout est clair ?
La V10 GT gagne 10 ch soit 560, la couple restant identique. Au niveau poids, son pack carbone aéro lui fait gagner 45 kg soit 1,6 T pile, malgré la présence d’un arceau et de harnais. Son châssis est réglé aussi ferme que la version Plus (tarage d’amortissement et angle de chasse) et elle ne dispose pas du restyling de cette dernière. Toutes deux reprennent le châssis “Audi Space Frame” et les trains roulants forgés en aluminium, les suspensions classiques à double triangulation équipées de l’option “Audi Magnetic Ride” qui permet d’adapter la force d’amortissement en continu, notamment.
Cette R8 V10 GT, ce sera celle de notre instructeur…
En piste !
Après les RS4 et RS6 Avant, breaks familial très sportifs, mes premiers tours de roues au volant de l’Audi R8 V10 Plus ne furent pas des plus académique ! Trop en confiance, je part dans survirage prononcé dans une courbe en devers et en descente que je surnomme « la cuillère » type Laguna Seca. Il faut dire que j’ai mal séquencé mon freinage précédent, freinant trop tard en haut de la bosse qui précède, délestant la voiture. Malgré la transmission Quattro, 15% de la puissance et du couple passent sur le train avant et 85% sur le train arrière, avec un maximum de 30% à l’avant et 70% à l’arrière avec l’action du différentiel, la R8 reste donc typée propulsion.
Je dois changer mes repères, je ne suis pas au volant de ma très légère sportive anglaise qui rend près d’une tonne à la R8. Je vais l’apprendre à mes dépends en bout de ligne droite des stands et notamment dans le virage montant en devers qui suit. Le “freiner tard” reste d’actualité, les freins carbone céramique (380 mm à l’avant à 6 pistons et 356 mm à l’arrière à 4 pistons) sont d’une efficacité et d’une endurance à toute épreuve, mais avec la R8, il faut “charger” longtemps l’avant au freinage pour garder de l’adhérence sur le train avant, permettant d’emmener la voiture dans la courbe et de garder une trajectoire propre… Mon escapade sous-vireuse sur le vibreur (sans gravité) se rappellera à mon bon souvenir pour le reste de la journée, laisser du temps au transfert de masse !
La voiture est vive, dynamique et malgré sa masse, se révèle être facile à emmener. Son moteur V10 5.2L de 550 ch pousse virilement dès 4 000 tr/min jusqu’au rupteur. C’est jouissif et addictif ! Le couple de 540 Nm est présent dès les bas régimes et ne s’essouffle jamais. La R8 V10 Plus s’avère être une GT sécurisante, homogène, franche, ne prenant jamais son conducteur en défaut, elle prévient. Une fois calée en appui, on peut écraser l’accélérateur sans retenu, l’auto ne bouge pas. Merci l’autobloquant (25% à l’accélération et 45% à la décélération) et le système Quattro pour cette motricité imperturbable !
Les pneus Pirelli PZero 19 pouces de 235/35 à l’avant et 305/30 à l’arrière remplissent parfaitement leur rôle.
La boite de vitesses séquentielle, à double embrayage S-Tronic à 7 rapports, ne souffre d’aucune critique. Douce et rapide (il y a certainement plus rapide sur le marché), elle égrène les vitesses sans à coups. La prise en main et l’utilisation des palettes au volant est facile, le maniement du levier restant opérationnel à tout instant.
L’activation du mode sport donne à la R8 un tout au visage. Elle libère la fauve qui est tapis dans votre dos, derrière au niveau de la baie moteur. L’auto devient tout de suite beaucoup plus agressive, brutale, rigide sans avoir la violence d’une Lamborghini équipé de la même motorisation. L’électronique reste permissive, permettant d’emmener la voiture vers ses limites … que personnellement, j’étais loin d’atteindre. La très belle sonorité à l’échappement est là pour vous prévenir ou vous motiver, c’est selon votre humeur !
Keep Pushing !
Ce fut le thème de cette journée sur le circuit de Bilster Berg : accélérer, améliorer son rythme et augmenter ses vitesses de passage en courbe et donc ses chronos (officieux). Sacré machine que cette R8 V10 Plus, dont l’un des dirigeants d’Ingolstadt résumait avec humour « une voiture pour aller chercher le pain ». Oui, elle sait le faire part sa polyvalence, sa facilité de conduite et son confort. Elle sait aussi “avionner” sur circuit, intégrale typée propulsion au comportement très sain, efficace, très performante, même si elle n’a pas la précision de ses concurrentes les plus récentes (Ferrari, Lamborghini, McLaren). Alors, au crépuscule de sa carrière, celle qui va bientôt tirer sa révérence, n’a rien perdu de sa superbe et de sa voix, les chants du V10 sont magiques. Elle reste une GT de premier plan.