Alfa Romeo nous a exceptionnellement invités sur le célèbre circuit de Balocco pour tester la version sportive de son nouveau SUV urbain électrique, le Junior. Il est des constructeurs qui marquent les esprits avec leurs véhicules, d’une élégance rare et qui redéfinissent le plaisir de conduire par leurs performances. C’est le cas d’Alfa Romeo qui a toujours tenu à cœur de proposer des voitures au design intemporel. Toutefois, le temps passe et il faut s’adapter au marché autrement qu’avec un design. Alors, pari réussi pour ce Junior Veloce ?
Avant d’être Junior, il fut Milano
Rappelons-nous, Alfa Romeo avait présenté son nouveau petit SUV dans le segment B le 10 avril dernier, et s’appelait alors… Milano ! Il faisait alors référence à Milan, où la marque a été fondée le 24 juin 1910. Mais coup de théâtre : cinq jours après la présentation, le SUV est rebaptisé Junior ! En effet, la loi italienne n’autorise pas qu’un produit ait le nom d’une ville s’il n’a pas été produit en Italie. Le Junior étant le premier véhicule de la marque à être développé sous l’ère Stellantis, il doit encore plus répondre à une logique de réduction des coûts. La première est par conséquent la délocalisation de sa production – hélas – en Pologne. Vous l’aurez compris, le SUV n’aura pas brillamment commencé sa carrière, d’autant plus que les Alfistes n’apprécient guère cette Alfa dont bien des éléments proviennent de Stellantis.
Toutefois, l’appellation « Junior » n’est pas inconnue chez la marque au célèbre Biscione. En effet, elle fait entre autres référence à l’Alfa Romeo Giulia GT Junior des années 1960 et 1970, version populaire de la Giulia Sprint GT afin de la rendre plus accessible. Drôle de coïncidence puisque l’on sait que le Junior est le modèle le plus accessible de la marque !
L’Alfa Romeo Junior a pour défi de représenter 40 % des ventes totales d’Alfa Romeo, aujourd’hui majoritairement composées des ventes du Tonale (lire notre essai ici), et de couvrir 68 % du marché sur segment B en Europe. Pour atteindre l’objectif, Alfa Romeo a donc conçu un SUV pour toutes et tous, cherchant à la fois une nouvelle clientèle mais aussi l’existante qui souhaiterait remplacer leur MiTo ou leur Giulietta. Trois lignes directrices ont alors suivi le développement du Junior : une voiture pour tous les jours (et pour la famille), efficiente et fun à conduire. Et c’est par cette version Veloce (rapide, en italien) qu’Alfa Romeo souhaite rendre son petit SUV encore plus fun à conduire !
Une esthétique comme on les aime
D’extérieur ou d’intérieur, il sera difficile de reconnaître un modèle Veloce, si ce n’est par le logo « Veloce » apposé sur les côtés ou par ses jantes de 20 pouces exclusives du plus bel effet. On y voit clairement la ressemblance avec le fameux trèfle à quatre feuilles « Quadrifoglio Verde », que l’on retrouvera également à l’intérieur sur les buses d’aération. Pour le reste, le véhicule reste le même avec une ligne franchement réussie qui lui permet de s’affranchir d’un air de ressemblance avec ses cousines 2008 ou DS3. La calandre avant n’est pas si catastrophique qu’on pourrait le penser, et l’arrière fait immédiatement penser à l’Alfa Romeo Junior Z Periscopio avec son bandeau noir. Le Junior a de la gueule – surtout vêtu de sa robe rouge – et c’est cela que l’on apprécie chez Alfa Romeo !
En effet, le Junior repose sur la plateforme CMP de Stellantis, bien connue puisqu’elle a été utilisée pour les dernières Citroën C4, DS 3, Fiat 600, Jeep Avenger (lire ici), Lancia Ypsilon, Opel Corsa et Mokka et Peugeot 208 et 2008 – en voilà une plateforme bien rentabilisée ! En revanche, les ingénieurs de la marque au Biscione ont effectué un énorme travail sur bien des éléments comme les barres stabilisatrices, les fusées et les suspensions avec un double stop hydraulique. Le Torsen a également été revu avec une nouvelle génération nommée « Type-D », le premier sur un modèle entièrement électrique à traction. Le tout est freiné par des disques ventilés de 382 × 32 mm avec une force de freinage annoncée supérieure à 1G. La marque a usé de superlatifs pour décrire tout le travail effectué sur les éléments du Junior, et promet alors la voiture la plus fun, la plus légère – avec seulement 1 590 kg – et dotée des technologies les plus avancées du segment.
À bord, on s’assoit dans des sièges sport à l’avant fournis par Sabelt qui sont d’une esthétique, d’un confort et d’un maintien à couper le souffle, et renforce cet aspect à la fois chic et sportif du petit SUV d’Alfa Romeo. La sellerie arrière reste elle aussi agréable et offre assez d’espaces aux occupants. Les rangements sont très corrects pour la catégorie, et le vide-poches avec le Biscione est réussi. Le coffre, quant à lui, est spacieux pour sa catégorie avec 400 litres.
L’intérieur est à la fois simple, moderne et élégant. Les éléments en Alcantara offrent une atmosphère toute autre et sont très agréables à l’œil. On retrouve le compteur cannocchiale (ou double casquette), bien connu des fans de la marque. À l’instar des derniers modèles, l’instrumentalisation est entièrement numérique. On regrettera en revanche que l’écran soit rectangulaire et n’épouse pas les formes rondes aux extrémités de la casquette. Aussi, la personnalisation ne sera pas grande et l’on sera limité aux informations basiques (aides à la conduite, consommations instantanées ou moyennes ou animation de la voiture comme la récupération d’énergie, le niveau de batterie, quand le moteur est utilisé…). Le volant avec deux inserts d’Alcantara est agréable à l’œil comme au toucher, bien que l’on regrette que le bouton « Start & Stop » ait disparu du volant…
Malheureusement, les plastiques de la planche de bord et des habillages de porte sont durs – contrairement à une DS 3 par exemple – et ne respirent pas une grande qualité ni durabilité. À voir comment tout cela va vieillir mais nous nous y attendions hélas. Toutefois, l’ensemble rend un très bel effet et l’on se sent bien à l’intérieur.
L’écran de 10 pouces est placé plus bas que sur les autres véhicules. Si cela peut paraître déroutant au premier abord, on s’y fait très rapidement. L’ergonomie de l’info divertissement est identique à Peugeot, Citroën ou DS – seules les couleurs et les motifs changent – et est très réactif bien qu’un peu fouillis. Le planificateur de trajet est de la partie, ainsi que ChatGPT en s’écriant « Hey Alfa ». Petit bémol en revanche pour la caméra arrière qui ne m’a pas semblé d’une qualité folle mais qui remplissait toutefois sa fonction.
Du très bon et du moins bon
Alfa Romeo propose actuellement deux motorisations, directement issues du groupe Stellantis : l’hybride auto-rechargeable de 136 ch (appelée Ibrida) et l’électrique de 156 ch (appelée Elettrica). La marque proposera d’ici la fin de l’année deux nouveaux modèles : un bloc hybride aidé d’un second moteur électrique pour 163 ch au total en transmission intégrale, et notre version électrique Veloce de 280 ch que nous testons ici.
Alfa Romeo n’avait annoncé que 240 chevaux avant d’en annoncer 280, à quelques jours de notre essai. J’ai pu m’entretenir avec Eligio Catarinella, responsable du marketing et de la communication chez Alfa Romeo, qui m’expliquait que la marque avait terminé ses homologations et que tout le travail effectué par les ingénieux avaient permis de pousser le moteur de 40 ch supplémentaires. C’est ce moteur que l’on retrouvera également sur la Lancia Ypsilon HF – et probablement l’Abarth 600e.
Le moteur Alfa Romeo eMOTOR de nouvelle génération développe 280 ch (207 kW) et développe un couple de 300 Nm et 345 Nm selon le mode de conduite choisi. Le 0 à 100 km/h est atteint en 5,9 secondes, à mettre en comparaison avec les 220 ch de l’Alpine A290 (lire ici), qui se contente d’un 0 à 100 km/h en 6,4 s ou même le Junior Elettrica 156 pour qui il faudra 9 secondes (!) pour effectuer le 0 au 100 km/h. La vitesse maximale de Junior est indiquée à plus de 200 km/h, sans toutefois de mention de limitation électronique. Si la puissance du moteur augmente, la batterie reste inchangée et plafonne à 54 kWh. On aurait aimé un peu plus…
Pour cet essai, Alfa Romeo nous a conviés sur le Balocco Proving Ground, célèbre circuit sur lequel sont testées bon nombre de voitures italiennes ! Le circuit n’avait pas été ouvert à la conduite depuis 1962, nous dit Alfa Romeo… Nous avons débuté notre essai sur le Langhe Track, long de 21 km et limité à 90 km/h afin de simuler des trajets de tous les jours. Nous avons continué sur l’Alfa Track, long de 5,75 km et limité à 160 km/h afin de ressentir les meilleures sensations. Enfin, nous avons pu tester le confort de la voiture sur le circuit dédié avec des routes pavées accidentées et des routes travaillées pour tester le bruit, la vibration et la rudesse ressentis sur route.
On croyait le sélecteur DNA disparu, mais il a juste été victime de la réduction des coûts du groupe Stellantis. Plus de sélecteur avec les lettres D, N et A, mais simplement un double bouton « Drive Mode ». Nous retrouvons donc les modes Dynamic, Natural et Advanced Efficiency connus de la marque que l’on ne peut qu’apprécier ! Contrairement aux modes A et N, le mode Dynamic ne permet pas de récupération d’énergie avec la pédale de freinage. À la place, Alfa Romeo indique une régénération agressive avec le mode Brake sur le sélecteur de boîte. Nous avons essayé cette régénération sur circuit, et l’effet est saisissant. La conduite à une pédale dans ce mode semble envisageable, mais à tester en ville pour un arrêt à un stop par exemple, ce que nous n’avions pas pu faire sur circuit. Le freinage avec la pédale de frein est également satisfaisante, on n’a pas cette sensation de mollesse que l’on peut retrouver sur certaines voitures.
Sur route, le petit SUV urbain est très agréable à conduire. La direction est incroyablement précise et fluide, la voiture nous amène exactement sur la trajectoire qu’on lui demande. Sa précision est d’autant plus importante dans les virages que nous avons pu prendre à basse comme haute vitesse : le Junior ne sourcille pas, il tient la route et rassure. Le moteur répond bien aux accélérations demandées et les reprises se font sans difficulté aucune.
Sur route normale, le Junior est confortable. L’isolation est très bonne et la conduite silencieuse. En revanche, je n’ai pas retrouvé le même confort sur les routes plus rugueuses. La conduite sur les fameuses routes pavées accidentées n’a pas été de tout repos, et j’ai même ressenti un sentiment assez désagréable. Cela devrait toutefois rester à la marge sur route classique, il s’agit de conditions extrêmes pour tester les voitures.
Parlons consommation. Alfa Romeo indique une autonomie de 334 km WLTP pour le Veloce, et le Junior nous indiquait 350 km pour 97 % sur le cockpit au moment de prendre le volant. Avant l’essai, le cockpit indiquait 222 km réalisés pour une moyenne de 30 km/h et une consommation moyenne de 36,4 kWh pour 100 km – autant dire des consommations très hautes alors que le point fort d’une voiture électrique est habituellement dans la conduite urbaine. N’ayant pas le contexte de cette consommation, j’ai décidé de tout remettre à zéro avant l’essai sur les différents parcours. Si le pourcentage de batterie ne diminuait pas beaucoup, l’autonomie en kilomètres, elle, fondait comme neige au soleil. Pour un peu plus de 56 km et une vitesse moyenne de 61 km/h, le véhicule indique une consommation de 23,2 kWh pour 100 km, sans régénération « agressive » d’activée. La batterie indiquait alors 75 % mais 256 km d’autonomie. Les chiffres sont un peu élevés à notre goût mais n’oublions pas que nous étions là sur circuit et l’excitation nous a peut-être poussés à rouler plus énergiquement…
Achat malin ou achat plaisir ?
Le Junior Veloce a été annoncé à 46 900 €, hors options, voire 48 000 € (un écart de 8 400€ entre l’Elettrica de 156 chevaux et le Veloce). À l’heure actuelle, difficile de comparer ce Junior avec ses cousins de chez Stellantis, puisqu’il est le seul à proposer pour le moment ce moteur de 280 chevaux. Le très réussi Volvo EX30 (lire notre essai ici) doté de 272 ch pourrait bien faire réfléchir avec une autonomie de 476 km et une propulsion au lieu de la seule traction du Junior. Difficile également de ne pas parler du Tesla Model Y, qui lui proposera une autonomie plus importante mais un design beaucoup plus aseptisé.
Il semblerait qu’Alfa Romeo ait toutes les cartes en main pour réussir son pari, d’autant plus que ses tarifs sont maîtrisés et l’on aurait pu s’attendre à bien plus cher. Les commandes seront ouvertes d’ici la fin de l’année dans 26 pays, dont la France. En tout état de cause, Alfa Romeo nous sert ici un petit SUV urbain sportif très réussi et qui saura atteindre le cœur d’une nouvelle clientèle, et un peu moins celui des fans.