La marque Alfa Romeo présente sans aucun doute un des héritages les plus riches de toutes les marques automobiles. Héritage riche en années mais aussi en qualité au vu des chefs d’œuvre qui ont jalonné l’histoire de la marque depuis 1910. Après une fin de vingtième siècle en demi-teinte, Alfa a amorcé un renouveau au travers de modèles au charme indéniable malgré certains défauts. La dernière Giulietta, dans sa définition la plus performante s’inscrit-elle dans cette dynamique de renouveau ?
Depuis les 147 et 159, j’avoue que je vois d’un œil différent les Alfa Romeo. Bercé dans mon enfance par les Alfasud, Alfa 33 ou 75 dont la ligne n’évoquait pas franchement la finesse et la beauté latine, ces deux jolies berlines mettaient à nouveau en avant une délicatesse et un charme propre à ce que devrait être toute création latine. La Giulietta réussit à conserver ce style personnel. Avec ses poignées intégrées dans les montants de vitre sur les portes arrières, elle présente un profil aux courbes des plus suggestives pour une compacte. Sa face avant manque peut-être un peu d’agressivité, mais c’est majoritairement imputable à des phares au dessin trop rondouillard. Personnellement je suis plus généralement sensible aux phares de petite taille. Ici ils ont un dessin trop vertical pour dégager du dynamisme. L’ensemble reste malgré tout plutôt agréable à l’œil.
A l’arrière, le dessin est plutôt agréable, mais de mon point de vue il manque quelque peu d’originalité. De mon point de vue encore, il est assez similaire aux dernières créations Seat. Mais il faut rendre à César ce que Juan-Carlos à pris : c’est plutôt Seat qui copie Alfa que l’inverse depuis quelques années.
Sur cette version Quadrifoglio Verde, la ligne est dynamisée par quelques accastillages plutôt discrets : un écusson « trèfle » sur l’aile avant, de grandes jantes anthracites laissant apercevoir des étriers de freins rouge, deux sorties d’échappement symétriques et… c’est tout. Le bouclier avant perforé d’entrées d’air ? Absent. Les bas de caisse rase-bitume ? Pas en magasin. Le béquet table de pic-nic et l’extracteur de F1 ? Désolé, faudra repasser. Au final il faut un œil de faucon pour différencier cette version sportive d’une banale “gazout”. Un choix plutôt en phase avec une époque autophobe mais qui à mon cœur sonne comme un dénie de l’ADN de la marque.
A l’intérieur, le style est plus flamboyant. Cuir chocolat sur les sièges, le tableau de bord et les portes, plastiques noirs par ailleurs donc la qualité reste tout à fait correcte, l’habitacle de la Guilietta est plutôt agréable à l’œil. Beaucoup moins aux fesses. Les sièges sont d’une fermeté inutile et ils se révèlent relativement inconfortables. J’ai beau triturer les boutons de réglages dans tous les sens, je n’arrive pas à trouver la position idéale. Rajoutez à cela que le volant n’est réglable qu’en hauteur et pas en profondeur, il faut se rendre à l’évidence : l’Alfa ne soigne pas son pilote au premier abord.
Et si le réglage des sièges électriquement est une bonne idée, l’ergonomie reste à améliorer. Cherchant à me rapprocher de quelques millimètres une fois en route, j’ai effleuré par erreur un des boutons de pré-réglages et le siège a entrepris de s’éloigner du tableau de bord pour retrouver le réglage du conducteur précédent…Certainement Magic Johnson ou Joachim Noah à vue de nez…
Heureusement, le tableau n’est pas complètement noir : le volant, au dessin très réussi s’avère de plus très agréable au touché. Une belle réussite.
Les places arrières sont à l’avenant des places avant en termes de confort, mais elles feront le bonheur des enfants : « Papa, il y a une trappe qui permet d’attraper les affaires dans le coffre ! Elle est géniale cette voiture, faut l’acheter !!!! ». Comme quoi les critères de choix ne sont pas les mêmes pour tout le monde.
La Giulietta QV, sous ses airs sages, cache une mécanique des plus étonnantes. Ses 240 ch et 34.6 mkg n’en font certainement pas une première de la classe (une Megane RS compte 70 ch de plus et une Golf R près de 60), mais sa sonorité est absolument addictive. Rauque et profonde, elle respire plus à l’aspiration qu’à l’échappement, ce qui prend aux tripes de la plus intense des façons. J’avais déjà eu l’occasion d’entendre cette mécanique chantant au passage d’une 4C et je ne m’attendais pas à ce qu’elle soit aussi charismatique au cœur de la Giulietta.
J’ai toujours pensé que la façon de délivrer la puissance était aussi important que la valeur de cette même puissance, c’est encore plus vrai après les quelques jours passé au volant de la QV.
Dans un conte de La Fontaine, le tableau serait idyllique : Plumage chatoyant, ramage délicieux, la bête serait le Phénix des hôtes de routes de France. Mais la réalité mécanique est plus exigeante : sois belle, sois musicale…Et sois athlétique.
Il a beau chanter comme une diva, le 1750 cm3 manque d’allonge et de coffre par rapport à la concurrence. Sans pouvoir le taxer de mou, il ne plaque pas au siège. Pour sa défense il faut avouer que la boite double embrayage TCT n’est pas un modèle de sportivité. Entendez-moi bien : dans l’ensemble c’est une excellente boite. Douce, suffisamment rapide dans les changements, il ne lui manque en fait qu’un mode 100% manuel pour être à l’aune du moteur. Malgré les réglages du « DNA », l’unité de paramétrage Alfa, elle ne donne jamais totalement la main au pilote. Certes en position Dynamic les changements se feront plus dans le haut du compte tours, mais elle aura toujours tendance à prendre le pas sur les ordres donnés par l’humain. Frustrant lorsqu’on décide de la taquiner un peu.
Mais la boite et le moteur ne sont pas les seuls en cause quand il s’agit de juger, sévèrement, les aptitudes sportives de l’Alfa : le châssis, neutre, n’incite pas non plus à jouer. Non pas qu’il soit intrinsèquement mauvais, c’est plutôt qu’il ne se départit jamais d’une certaine nonchalance. En le poussant un peu il aura tendance à sous-virer au début mais l’électronique remet rapidement l’auto sur les rails. Rassurant, globalement efficace, mais pas du tout excitant.
Après la première journée d’essai, j’ai abandonné toute velléité de chercher la sportivité absolue au volant de la Giulietta. J’ai alors décidé de la traiter en GT. Au final sa boite intelligente et agréable semble toute indiquée. Malheureusement l’Alfa manque là encore d’homogénéité.
Si sa conduite en mode « dynamique cool » est plutôt bien tolérée par le châssis, la boite et le moteur, le confort reste tout de même un point faible : amortissement trop ferme et sièges en bois ne tendent pas vers le pullman.
De plus l’équipement à bord, s’il ne présente pas de manques flagrants, manque une fois de plus d’ergonomie. L’écran multifonctions positionné à l’emplacement habituel de l’autoradio est hors de vue du pilote et nécessite de quitter trop longtemps la route des yeux pour être utilisable de façon naturelle. Le manque de réglages du volant et du siège ne permet pas de trouver une bonne position, le commodo de cruise-control est si bien caché derrière le volant qu’il faut la sensibilité de Ray Charles pour le trouver et deviner comment il s’utilise.
Au final la Giulietta sera perçue au travers du prisme du coup de cœur qu’elle provoquera à son propriétaire : pour l’optimiste amoureux, le verre sera à moitié plein. L’œil et l’oreille sont flattés par la belle. Pour le pessimiste sans sentiments, verre à moitié vide : l’inconfort trop marqué et la performance en retrait plaident en sa défaveur.
En ce qui me concerne j’avoue ne pas avoir été charmé par l’Alfa au point d’oublier ses défauts, mais j’ose entrevoir un début de chemin vers un futur plus brillant. 50 chevaux de plus, un peu plus d’agressivité visuelle, une bonne boite mécanique et un train avant un poil plus accrocheur suffiraient à faire de la Giulietta, peut-être pas la reine des tractions en termes d’efficacité, mais une offre craquante au possible pour goûter à l’exception italienne à moindre frais.
Trop inconfortable et bruyante pour être considérée comme une GT, trop « soft » en toucher de route pour se voir attribué le titre de sportive, l’Alfa Romeo Giulietta QV semble avoir le “cul entre deux chaises”. Dommage car elle démontre qu’Alfa sait toujours faire des mécaniques brillantes et susciter le désir visuel. Un peu plus typée dans un sens ou dans l’autre elle aurait certainement semblé plus homogène. Difficile de regagner le titre de référence sportive après des décennies à laisser la concurrence s’affûter. L’effort reste cependant louable et laisse augurer de belles choses à venir dans le segment des compactes.