Cette année, Epoqu’Auto célèbre une seconde marque française, Panhard & Levassor, à côté de Renault (lire notre article ici). Il fallait une bonne dose d’optimisme, de clairvoyance et sans doute, de témérité pour se lancer à la fin du 19e siècle dans la fabrication en série de voitures automobiles. Autant de qualités qui caractérisent la démarche initiée par René Panhard et Emile Levassor en 1891. Certes, les deux associés ne lancent alors la fabrication que d’une toute petite série, mais il faut se rendre compte qu’à l’époque, l’automobile n’existe que sous la forme de rares prototypes plus ou moins brinquebalants et pétaradants. Mais cette volonté d’innover fait déjà partie de l’ADN de Panhard & Levassor, la marque doyenne, qui ne cessera, jusqu’à la dernière « 24 » de 1967, de faire progresser tant la technique que le style de l’automobile, avec cette volonté incessante d’oser.
Du moteur Daimler à la première voiturette
Condisciples à Centrale, René Panhard et Emile Levassor se retrouvent en 1872 dans l’entreprise de Jean-Louis Périn, spécialiste de la fabrication de machines à travailler le bois, dans un petit atelier du Faubourg Saint-Antoine à Paris. Tous trois se lancent rapidement dans la production de moteurs à gaz Otto & Langen, avant d’acquérir en 1882 une série de brevets concernant un moteur à pétrole mis au point par Gottlieb Daimler. Créée en 1886, après le décès de Jean-Louis Périn, la société Panhard & Levassor reprend à son compte la fabrication sous licence du moteur Daimler. En novembre 1888, Armand Peugeot passe commande à la société Panhard & Levassor de 30 moteurs Daimler, en vue d’équiper une voiture légère qu’il projette de fabriquer. Et c’est probablement à la suite de cette commande, qu’Emile Levassor envisage sérieusement de construire lui aussi des automobiles à pétrole ! Finalement, au mois de septembre 1890, un prototype de voiture animé par un moteur Daimler bicylindre en V effectue ses premiers essais dans les alentours de l’usine. La mise au point de ce véhicule à 4 places, carrossé en « dos à dos », se poursuit jusqu’en janvier 1891. Il réalise alors l’aller-retour Porte d’Italie – Porte de Saint-Cloud, puis l’aller-retour Paris – Versailles. Enfin, pendant l’été, Emile Levassor accompagné de son épouse, effectuent le trajet entre Paris et Étretat, soit 225 km, sans problème notable, à la vitesse moyenne de… 10 km/h.
Emile Levassor et René Panhard n’ont pas attendu la réalisation de cet exploit pour décider la mise en fabrication d’une petite série de 30 voitures, dont le premier exemplaire est livré le 30 octobre. Rapidement, la production est lancée, passant à 16 exemplaires en 1892, puis à 36 exemplaires en 1893, dont 3 sont déjà exportés ! En mars de cette même année, le premier voyage touristique de Paris à Marseille a lieu avec Hippolyte Panhard aux commandes du phaéton 4 places n° 102, acquis en 1892 et doté du bicylindre en V Daimler. Sous l’égide du tout nouvel Automobile Club de France, la première course automobile de l’histoire est organisée ensuite, du 11 au 13juin 1895, sur le trajet Paris – Bordeaux et retour. Celle-ci est brillamment remportée par Emile Levassor, sur une voiture équipée d’un moteur Daimler amélioré, baptisé « Phénix », que l’on retrouve sur la 7 CV de 1897 à 2 cylindres, carrossée en charrette anglaise, et sur la 8 CV de 1898, première voiture à 4 cylindres, carrossée en wagonnette.
Essor de la construction automobile
Après le décès d’Emile Levassor, le 14 avril 1897, René Panhard continue l’aventure aux commandes d’une nouvelle entité baptisée « Société des Anciens Établissements Panhard & Levassor », en travaillant avec l’ingénieur Arthur Krebs. La production continue à croître, dynamisée par de nombreux brevets : un embrayage magnétique, une nouvelle commande de boîte de vitesses et, surtout, un carburateur révolutionnaire dont le réglage automatique garantit une carburation constante. Très étendue, la gamme Panhard & Levassor compte une douzaine de moteurs en 1902, dont la puissance nominale varie de 5 à 60 CV, et de nombreux types de carrosseries, notamment des camions, autre innovation de Panhard & Levassor datant de 1899. Parallèlement, la marque reste très active en compétition, enchainant les succès. Dans le même temps, elle s’assure une présence de plus en plus importante à l’exportation, non seulement en Europe, mais aussi aux États-Unis et en Argentine.
Cependant, c’est l’arrivée fin 1910 du moteur Sans Soupapes, développé à partir du brevet de l’Américain Knight Kilbourne et caractérisé par son système de distribution à fourreaux coulissants, qui constitue le fait le plus marquant de cette époque. Objet de perfectionnements constants, il s’impose peu à peu dans la gamme, au point d’équiper tous les véhicules à partir de 1923. A cette époque, Panhard & Levassor se spécialise dans la voiture de qualité, plutôt haut de gamme. Ce qui ne l’empêche pas de se lancer avec succès à la poursuite de records de vitesse avec une 20 CV Sport. Et en mars 1926, Ortmans s’adjuge à Montlhéry six records du monde, dont le record de l’heure à 193,5 km/h de moyenne, sur la toute nouvelle 35 CV des records.
Au Salon de Paris 1929, la présentation d’un tout nouveau modèle, la 6DS (20 CV), est le premier pas vers une nouvelle politique de gamme. Sa carrosserie originale est dessinée par Louis Bionier, qui dirigera le bureau d’études carrosserie jusqu’en 1967, et annonce la Série S (surbaissée), complétée fin 1930 par la 6CS (13 CV) et la 8DS (35 CV). A partir de 1930, la gamme se résume à des 6 cylindres et à la confidentielle 8 cylindres. Ces modèles existant en plusieurs carrosseries d’usine font l’objet d’améliorations incessantes : montage d’un système de roue libre (1932), suspension « à balancier » (1933), carrosserie « panoramique » (1934)… Le cabriolet CS Spécial (16 CV) de 1936 à carrosserie Gangloff bénéficie notamment de tous ces perfectionnements.
La Dyna et les défis de l’après guerre
Si la marque survit pendant les années de guerre grâce à la fabrication d’utilitaires et de gazogènes, les lendemains, dans une France en reconstruction où chaque tonne d’acier est comptée, s’avèrent compliqués. Les camions et autocars font vivre la marque dans l’immédiat après-guerre, mais le grand retour dans le domaine de l’automobile de tourisme est annoncé au Salon de Paris 1946, avec la présentation de la berline Dyna 3 CV. Condensé de techniques modernes, voire révolutionnaires, c’est une traction avant animée par un moteur à 2 cylindres horizontaux opposés (flat-twin) refroidi par air de 610 cm3, qui fait appel à des solutions non conventionnelles : embiellage sur roulements à rouleaux, distribution avec rappel des soupapes par barres de torsion, culasses venues de fonderie et cylindres en Alpax… Ce moteur sera monté, sous des formes améliorées et en diverses puissances, sur toutes les Panhard & Levassor de tourisme à venir. Commercialisée début 1948, la berline Dyna est rapidement secondée par d’autres carrosseries : berline découvrable, cabriolet, break et utilitaires, mais devient aussi disponible avec des moteurs de 745 cm3 (4 CV) à partir de 1950 et 851 cm3 (5 CV) depuis 1952, comme le joli cabriolet type X87. Vendue en châssis nu, la Dyna a aussi donné naissance à une multitude de variantes à carrosseries spéciales, dont les plus connues ont pour nom DB, Callista ou Rafale en France, Dyna-Veritas en Allemagne, Ghia-Aigle en Suisse et Allemano en Italie.
La présentation, au Salon de Paris 1948, d’un prototype aérodynamique conçu sur la base d’une Dyna 3 CV, la Dynavia, préfigure la voiture appelée à succéder à la Dyna type X en 1953. Cette nouvelle Dyna (type Z1), se signale surtout par sa vaste carrosserie monocoque aérodynamique en Duralinox (98,5 kg) et sa conception modulaire (infrastructure et cellule centrale, train avant et organes mécaniques, train arrière), tandis que la plupart des organes mécaniques sont hérités de l’ancienne Dyna 5 CV.
Hélas, cette voiture révolutionnaire a généré des frais d’études importants et son prix de vente assez élevé ne suffit pas à compenser des coûts de fabrication mal évalués. Pour cette raison, Panhard & Levassor doit se résoudre, en avril 1955, à conclure un accord avec Citroën, qui entre dans le capital de la société à hauteur de 25 %. Fin juin 1959, la Dyna Z s’efface devant la PL 17, qui diffère de sa devancière par ses parties avant et arrière habilement redessinées. Cette remise au goût du jour lui permet de continuer sa carrière tranquillement jusqu’à l’été 1965, mais Panhard vit ses dernières heures.
Une gamme trop peu étoffée et des moyens financiers limités vont handicaper le constructeur historique. Dernier coup d’éclat présenté au mois de juin 1963, le coupé 24, disponible en versions 24 C (moteur normal 50 ch.) et 24 CT (moteur Tigre 60 ch.), est commercialisé à partir de janvier 1964. Hélas, c’est le chant du cygne et après la prise de contrôle complète de Citroën, en avril 1965, la 24, désormais seule au catalogue, survit encore un peu plus de deux ans, mais le modèle n’est pas reconduit pour le millésime 1968. Citroën arrête finalement la production des automobiles Panhard dès 1967.
La Fédération des Clubs Panhard & Levassor va présenter :
– 6 modèles produits avant la première guerre mondiale : P2C (1891) de l’abbé Jules Gavois, qui est reconnue à ce jour comme le plus ancien véhicule automobile à essence du monde encore en circulation, V2 Daimler (1892) X1 (1909 Charrette anglaise (1897) Wagonnette (1898) Charrette Anglaise à moteur Phénix M2F (1896),
– 9 modèles sortis d’usine avant-guerre, X19 (1918) X37 (1923) X68 (1930) X67 (1931) 20HP Records (1924) 35 HP Records (1926) X72 (1934) X73 (1936) X77 (1938),
– 14 fabriqués et commercialisés après la deuxième guerre mondiale : un prototype Dynavia (1946), 5 Dyna en différentes carrosseries Berline et Cabriolet (trois PL17, une CD, une 24 CT, une Scarlette, un Coupé Dyna carrosserie Veritas de 1952, une Dyna Z Cabriolet Pichon Parat de 1959),
– 6 voitures de course : Barquette DB type Le Mans 1954, Barquette DB type Le Mans 1955, DB HBR5 « la Camionnette », DB HBR4 « Le Monstre », Barquette Trouis, DB HBR4 CD 1962.
Source CP Epoqu’Auto
Merci Yves de votre remarque 🙂 Nous corrigeons cette (grossière) erreur d’identification.
La voiture présentée comme DB type Le Mans 1954 est en fait un CD type Le Mans 1964!