Comme Ettore Bugatti, Enzo Ferrari a perdu un fils. Souffrance insoutenable pour des parents que la perte d’un enfant, de leur vivant. Le 30 juin 1956, Alfredo Ferrari surnommé « Dino » décède prématurément à 24 ans, atteint de la myopathie de Duchenne, une grave maladie génétique. Il faudra au « Commendatore » faire acte de résilience pour surmonter son chagrin et aller de l’avant. Le réalisateur Michael Mann prépare un film sur cette période sombre de la vie d’Enzo Ferrari, qui se déroulera en 1957, l’année du triplé gagnant du « Cavalino Rampante » aux Mille Miglia.
Deux hommes qui ont forgé leur nom, au panthéon des constructeurs automobiles, rentrant dans la légende. Deux hommes meurtris dans leur chair, par la disparition subite de leur fils aîné, foudroyé dans leur étincelante jeunesse. Jean Bugatti et Dino Ferrari étaient promis à un brillant avenir, chacun d’eux ayant une voie toute tracée, la continuité de leur nom à la tête des marques créées par leur père, Ettore Bugatti et Enzo Ferrari.
Fils prodige
Le 11 août 1939, Jean Bugatti perd la vie au cours d’essais et de mise au point de la Bugatti Type 57 G Tank. Un cycliste coupe la route à la voiture victorieuse du Grand Prix de France 1936 et des 24 Heures du Mans 1937. Jean Bugatti sort de la route, un chemin agricole de Duppigheim, pour l’éviter. Il s’écrase contre un arbre. Il a 30 ans.
Durant les années 50’s, le règlement de la Formule 1 évolue, la cylindrée de 2,5L en place depuis 1954 passant à 1,5L, malgré l’opposition des marques anglaises. Applicable dès 1958, Ferrari n’a pas attendu cette date pour travailler sur un moteur V6 répondant à la nouvelle réglementation. Ingénieur de formation, Dino est chargé de ce projet, dont il ne verra jamais l’issue. Le 30 juin 1956, sa maladie, entraînant la dégénérescence des tissus, l’emporte d’une néphrite virale. L’ingénieur Vittorio Jano, reprend ses travaux peu avant sa mort, permettant à Ferrari de remporter le Championnat du monde de Formule 1 en 1961. Il modifie le moteur V6, en portant sa cylindrée à 2,0L puis 2,4L, qui équipera différents modèles sous la marque Dino.
En 1925, Enzo Ferrari se marie avec Laura Dominica Garello. Mais très vite, l’entente du couple est tendue. Ils ont tout deux un caractère qui n’est pas franchement complémentaire, s’affrontant la plupart du temps, n’ayant pas une relation sereine et stable : « Je me suis marié très jeune, peut-être trop jeune. Je l’ai rencontré à Turin sous les Portiques de la Porta Nuova, elle était très belle, blonde, jolie, gentille. C’était une figure clé de la période héroïque de la Scuderia Ferrari, elle me critiquait avec tant d’assiduité et souvent même pour de petites raisons, me provoquant des irritations et des contrariétés. Elle était inflexible. Parfois, nous avons pensé à nous séparer, mais nous avons été unis malgré toutes les adversités. Même la tragédie ne nous a pas séparés. » confiait Enzo Ferrari.
Enzo Ferrari, double vie
C’est à l’été 1924 qu’Enzo Ferrari rencontre Lina Lardi, conduisant à toute vitesse avec sa voiture dans une rue des Apennins de Modène, il ralenti pour saluer une connaissance qui se promène avec sa fille. Cette jeune fille, c’est Lina. Elle à quatorze ans. Lina n’a pas aimé Enzo tout de suite. Elle le considérait comme un jeune téméraire avec son air hautain. Cinq ans plus tard, Enzo retrouve Lina, en 1929, dans les bureaux de la Carrozzeria Orlandi, à Modène, où elle travaille. Enzo y livre des châssis pour les faire carrosser. Il a 31 ans. Bien que marié avec Laura Garello depuis 6 ans, il est conquis par Lina, cette fille charmante et raffinée. Il la veux comme secrétaire ! Son épouse Laura est très active dans l’entreprise de son mari. Les deux femmes partagent le même espace de travail et se voient quotidiennement. Lina vit dans une maison située à la campagne près de Maranello, tandis que Laura habite à Modène. En 1945, de l’amour entre Enzo et Lina, né Piero, un fils. Partageant sa vie entre les deux femmes de sa vie, Enzo essaye alors de construire un équilibre précaire malgré cette situation délicate.
Car il est déjà père. Sa femme Laura lui a donné un fils, Alfredo Ferrari, surnommé « Alfredino » ou « Dino », né le 19 janvier 1932 à Modène. Les lois italiennes de l’époque interdisent aux hommes mariés de reconnaître les enfants illégitimes. En tant que fils né d’une relation extraconjugale, Piero n’a pas été enregistré avec le nom de famille de son père, mais avec celui de sa mère, Lardi. Ce n’est qu’après l’entrée en vigueur de la réforme du droit de la famille de 1975, que Piero a finalement pu afficher le nom de famille Ferrari. Il a 30 ans et choisi porter les noms de famille de ses deux parents : Lardi Ferrari.
En 1956, Piero n’a que onze ans lorsque décède son demi-frère Dino. Le comportement d’Enzo Ferrari, qui est effondré, va profondément changer, restant souvent cloîtré dans son bureau ou chez lui. Il suit, très attentivement, à distance les exploits de son écurie et de ses pilotes, ne se déplaçant plus sur les courses. Quelques mois après ce drame personnel, Enzo va placer sur le podium des Mille Miglia, en mai 1957, 3 voitures de la Scuderia Ferrari : deux Ferrari 315 S pour Piero Taruffi (vainqueur) et Wolfgang von Trips (2ème) et une Ferrari 250 GT LWB Scaglietti pour l’équipage Olivier Gendebien/Jacques Washer (3ème).
Enzo Ferrari, de la réalité à la pellicule de Michael Mann
Michael Mann, coproducteur du film Le Mans 66 (Ford v. Ferrari), a beaucoup attendu, trop attendu, pour enfin réaliser un biopic sur Enzo Ferrari. Depuis 2000, l’idée germe dans son esprit. Et pour cause, le scénario s’inspire du livre « Enzo Ferrari, The Man and the Machine » écrit par Brock Yates. Il s’apprête enfin à tourner ce long métrage, à Modène et dans l’Émilie-Romagne. L’histoire se concentrera sur 1957 quand Enzo Ferrari, plongeant dans une crise profonde, est sur le point de perdre l’entreprise fondée dix ans plus tôt, par lui et sa femme Laura. Alors que son mariage semble faire naufrage, en raison de la mort de leur fils Dino et la naissance 11 ans plus tôt de son fils illégitime Piero qu’il a eu avec Lina, Enzo décide de tout miser sur les Mille Milles.
C’est Adam Driver qui endossera le rôle d’Enzo Ferrari. A 38 ans, Adam Driver a déjà tourné avec les plus grands réalisateurs : Clint Eastwood, Steven Spielberg, les frères Coen, Jim Jarmusch, Martin Scorsese, Terry Gilliam, Spike Lee, Ridley Scott, Leos Carax… A ses côtés, Penélope Cruz, récompensée à de très nombreuses reprises pour ses interprétations (Oscars, Césars, Awards…), sera Laura. Enfin, Shailene Woodley, meilleure espoir féminin plusieurs fois primée, complète ce triptyque dans le rôle de Lina.
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