Black Goose est une jeune maison horlogère française fondée en 2016 par le designer Marc-Olivier Rinaldi. Il a accordé une interview à AutomotivPress pour nous présenter sa marque qui propose plusieurs collections de montres inspirées par le monde de l’automobile classique : des chronographes à quartz (à partir de 270 €) et une 3 aiguilles-date à mouvement automatique Seiko (à partir de 650 €). En toute sincérité.
Présentation
AutomotivPress/Rémy Solnon : Marc-Olivier vous avez fondé la marque horlogère Black Goose en 2016. Pouvez-vous tout d’abord vous présenter et nous dire quel a été votre parcours professionnel ? Comment êtes-vous venu à l’horlogerie ?
Marc-Olivier Rinaldi : J’ai 34 ans, je suis designer de formation et surtout passionné d’automobiles avant tout. J’ai eu le privilège d’être un apprenti du designer Franco Sbarro. Dans le détail, j’ai travaillé dans tous les domaines de l’automobile, de la conception à la réalisation, mais aussi la finance et le marketing.
Début 2016 j’ai postulé chez Singer en tant que designer (restomod de Porsche à Los Angeles, lire ici). Après avoir discuté avec la RH, je leur ai envoyé un dessin de montre qui reprenait un cadran Porsche (c’était une mono-aiguille minutes avec les heures en guichet). L’horlogerie était une passion comme pour beaucoup de passionnés automobiles. Ils n’ont jamais donné suite, mais j’ai eu pas mal de réactions sur les réseaux sociaux avec des gens qui me demandaient où trouver la montre…
Je pensais faire une marque automobile, mais finalement une marque de montres était plus censée (tout est relatif… cela n’a pas forcément été facile) : pas de normes technocratiques, de crash-tests ou autres lobbies anti-montres… J’ai mis 6 mois à réfléchir à comment fabriquer une montre et en 2016 je me suis lancé, et je suis encore là !
AP/RS : Quelle montre portez-vous aujourd’hui ?
M-O R : Le proto 000 de la MKII Continental, fond bleu canard.
La manufacture
AP/RS : Quelle est l’origine du nom “Black Goose” (“oie noire” en français) ?
M-O R : J’aime l’animal et ce qu’il dégage, il est élégant, intelligent mais a un sale caractère, bien trempé ! L’oie c’est l’inverse d’un mouton, ça vole peut-être en groupe mais ça ne se laisse rien dicter.
Certains me demandent pourquoi un nom anglophone pour une marque française. Selon moi, être une marque française est un gage de qualité mais ça ne doit pas le seul ADN de la marque. Les voitures anglaises, allemandes ou italiennes m’inspirent tout autant. Ayant vécu en Angleterre, un nom anglais me semblait tout aussi valable.
AP/RS : Pourquoi avez-vous choisi de vous inspirer du monde de l’automobile classique ?
M-O R : Comme souvent, c’est le genre de monde et de passion où l’on tombe dedans quand on est petit. J’ai vu ma famille collectionner et aimer les voitures. J’en ai fait mon métier et aujourd’hui c’est une manière de vivre. Je roule autant que je le peux en ancienne.
AP/RS : Quel était votre cahier des charges lors de la création de la marque ?
M-O R : Faire des montres pour hommes, simples, classiques mais originales. S’inspirer mais ne jamais copier ! Je voulais réaliser une montre qui parle à des hommes ayant des valeurs, des gentlemen modernes. J’ai commencé à faire des protos dans mon appartement sans aucune prétention, les modèles ont bien évolué depuis, même qualitativement, et je suis fier de ça !
AP/RS : Comment acquérir une montre Black Goose ? Combien de temps y a t-il entre la commande et la livraison chez le client ?
M-O R : Si vous êtes un passionné d’automobiles classiques, vous m’avez surement croisé sur un salon européen, avec un stand qui se veut chaleureux. C’est là que je passe le plus souvent mes week-ends, en tant qu’exposant ou en visiteur. Forcément il y a le site internet, mais je le vois comme un prolongement des évènements, je préfère que les gens essayent mes montres, les regardent, les touchent ! J’ai assez peu de revendeurs en France, pas assez, mais j’y travaille ! Le temps de livraison dépend entièrement du lieu où je suis, Nice, Besançon ou sur un salon, mais j’essaye d’être réactif.
AP/RS : Quelle est votre clientèle ?
M-O R : Pas que des hommes ! Certaines femmes achètent pour leur mari, mais aussi se laissent tenter par un boîtier de 40 mm. Ce sont des passionnés d’automobiles ou de mécaniques. Mais le vrai point commun entre tous mes clients, c’est une vraie sincérité dans leur démarche d’achat. Il y a un échange, ce ne sont jamais des gens qui ont vu une montre et l’ont achetée sur un coup de tête en 5 minutes. En connaissant ma clientèle aussi bien, je connais leurs goûts et cela m’aide.
Les montres
AP/RS : Vous proposez actuellement deux modèles : une 3 aiguilles-date automatique et un chronographe bicompax à quartz, disponibles en plusieurs versions fortement inspirées par les années 1960-1970. Pouvez-vous nous les présenter ?
M-O R : L’automatique – la Roadmaster MKII – est une interprétation sportive des 1960-70. Sa carrure est le fruit de beaucoup de travail. Bien qu’ayant un diamètre de 42,5 mm, elle s’adapte à tous les poignets grâce à ses cornes courtes. Comme pour une voiture, une ligne de caisse vient casser l’épaisseur du boîtier et harmonise la proportion au poignet. Je viens de finir une variante plus habillée : la Continental. Toutes sont produites à 100 exemplaires numérotés et pas un de plus…
Les Chrono quartz sont issus de la première carrure que j’avais faite pour une 3 aiguilles à quartz. Initialement, 5 variantes étaient disponibles avec un cadran inspiré de couleurs mythiques, British Racing Green, orange… Avec le temps, trois variantes se sont rajoutées avec des personnalités bien marquées ! La Supersport qui reprend des éléments des diverses époques de Porsche, la Berlinette qui est une interprétation très années 1970 avec son masque noir inédit, et la Stradale qui rappelle le compte-tours des voitures de course italiennes avec une graduation de 4 à 14. Elles ont aussi été produites en série limitées à 100 exemplaires numérotés.
AP/RS : Pourquoi avoir choisi de limiter la production de chaque modèle à 100 pièces ?
M-O R : Pour faire de ses défauts des qualités, ne pouvant pas financer de plus grandes productions. Je me suis accommodé à des petites séries, car ça ajoute un coté exclusif et cela me va parfaitement !
AP/RS : Où et comment sont fabriquées les montres ?
M-O R : La première étape des montres est bien sûr leur conception, du simple dessin au prototype, je les réalise dans mon atelier. C’est long, pas toujours au point ou très joli, mais ça a le mérite d’être artisanal ! Pour réaliser des séries, je travaille avec une petite maison à Besançon qui fait ça depuis plus de 80 ans. Elle m’aide à trouver les meilleures pièces, forcément tout ne peut pas être français. Pour les mouvements, je suis assez fier de dire que ce sont des pièces réalisées par Seiko juste pour moi. Pour travailler ainsi avec eux en direct, j’ai dû leur montrer patte blanche et insister en allant directement les voir, je suis assez persévérant !
AP/RS : Où sont réalisés l’entretien et le SAV des montres ? Quelle garantie offrez-vous sur vos montres ?
M-O R : Le SAV dépend de mon temps libre. J’essaye de le faire moi même dans la mesure du possible. Si je suis en déplacement, une petite horlogère à Nice m’aide. Les montres sont garanties deux ans, mais dans les faits, je ne suis pas très regardant si la date est dépassée… le but étant d’aider les gens à porter leur montre.
AP/RS : Pourquoi avoir privilégié un mouvement automatique japonais plutôt que suisse ? D’où provient le mouvement quartz ?
M-O R : Comme beaucoup de passionnés, j’estime énormément Seiko, leur sérieux, leurs valeurs et leur qualité sont juste hors-normes ! Les mouvements automatiques que j’utilise sont faits pour moi, ce ne sont pas des mouvements rachetés en stock et mis sur une étagère à Shanghai… Cela prend plus de temps (1 an dans certains cas) mais ils sont faits avec mes options (platines brossées, décorations Côtes de Genève sur le rotor, date noire…). Les mouvements suisses sont aussi très bien, mais pour proposer une montre française à un prix raisonnable, je ne pouvais pas me le permettre.
AP/RS : Quels sont les prochains modèles ? Envisagez-vous d’autres complications ?
M-O R : Je dois réaliser un chronographe automatique depuis 2020, mais comme pour beaucoup, le COVID a ralenti les projets. Je retravaille actuellement dessus et espère bien présenter un modèle prochainement.
Questions personnelles
AP/RS : Pour revenir à vous, quelles sont vos marques horlogères et/ou montres préférées ?
M-O R : Outre les montres qui sont mythiques (nul besoin de les mentionner), en ce moment j’aime beaucoup la simplicité et la technicité d’Hajime Asaoka, le génie de Konstantin Chaykin et l’authenticité de Raketa (ce sont devenus des amis et ils sont géniaux).
AP/RS : Je présume que vous êtes des passionnés d’automobiles d’exception. Quelles sont vos marques et/ou voitures préférées ?
M-O R : Beaucoup plus dur à répondre que les montres, mais un trio Porsche, Jaguar, Alfa me va très bien.
AP/RS : Quelle est votre « Graal » horloger ?
M-O R : Mb&F car ils ont su prendre le meilleur de ce qu’il se fait aujourd’hui ! Et leurs valeurs me parlent.
RS : Et votre « Graal » automobile ?
M-O R : Peut-être prévisible mais une Ferrari 250 GTO SWB.
Un grand merci à Marc-Olivier d’avoir répondu aux questions d’Automotivpress.fr.
Credit photos @ Damien Lorrai et Joris Clerc