Alfa Romeo inspire la passion. Alors quand cette marque se décide à sortir un modèle purement passionnel, autant dire que les attentes sont à leur paroxysme. La 4C Spider représente cette passion à plus d’un titre : sportive, belle, technologiquement avancée, elle a tout pour faire succomber ceux qui ont un trèfle tatoué sur le cœur et même ceux qui ne jurent que par la concurrence supposée.
Bella linea !
D’ailleurs parlons-en de cette concurrence. A votre droite le Porsche Boxster : qualité Allemande, nom mythique, 6 cylindres… Euh non, maintenant 4 cylindres. A votre gauche, la Lotus Elise : fabrication artisanale Anglaise, nom mythique et 4 cylindres… japonais. D’un côté une valeur sûre qui allie robustesse, performance et efficacité. De l’autre, la reine du « light is right » qui, même si elle a pris quelques kilos depuis sa prime jeunesse, reste un poids plume dont les principales qualités sont un châssis vivant et un feeling de conduite jamais égalé.
IL faut bien reconnaitre à la 4C de ne pas avoir froid aux yeux en s’attaquant directement à ces deux monstres sacrés. Et pour se faire, elle ne vient pas les mains vides : dans ses bagages elle amène un châssis en carbone. Première mondiale dans cette catégorie et à ce niveau de prix. La pièce est belle. En tout cas pour ce qu’on peut en voir dans l’habitacle. Cette technologie allie les avantages de la légèreté et de la rigidité. C’est en l’état une véritable petite supercar que nous offre Alfa Romeo.
Le côté supercar est conforté par la ligne de la belle. Je vais tout de suite vous avouer que j’adore ce dessin. C’est certainement le premier à m’avoir autant ému depuis la présentation de l’Elise S1 il y a plus de vingt ans. Les courbes de la 4C sont la plus belle interprétation moderne du style Alfa du milieu du vingtième siècle, rappelant sans le singer le style de la 33 Stradale. Je dois cependant concéder au coupé une homogénéité que le spider perd quelque peu.
C’était en tout cas mon avis tant que je n’avais vu l’auto qu’en photo. En tête-à-tête, ce sentiment est beaucoup moins vrai et ce spider dégage une sensualité bestiale qui affole mes sens.
En s’installant à bord, les yeux sont toujours sous le charme entre le carbone apparent et les superbes sièges en cuir marron. Comme c’était déjà le cas dans l’Abarth 595 ou la Giulietta QV, l’ambiance typiquement italienne (dans le bon sens du terme) est un régal visuel. Le tableau se gâte un peu quand le sens du toucher prend le relais. Le siège, comme dans l’Abarth une fois encore, semble bizarrement étroit tout en prodiguant un maintien plus que discutable. Je sais que je ne suis pas du genre filiforme, mais il n’y a vraiment que dans les modèles italiens que j’ai ce problème.
Le volant aussi joue de schizophrénie : joli, mais désagréable au toucher. La faute à une jante un peu épaisse et surtout à un moyeu bien trop épais gênant le positionnement des pouces. Quant au méplat, j’y reviendrais plus tard.
Pour en finir avec l’inventaire statique de l’auto, il faut bien avouer que la finition fait honneur à la tradition italienne (dans le mauvais sens du terme). Plus on se rapproche de l’auto plus les détails bâclés apparaissent. La colle scellant le châssis et les divers éléments est tartinée à la spatule, au point de faire passer la finition des Lotus pour du grand art. Les vis apparentes dans l’habitacle ou dans le compartiment moteur confirment le côté encore artisanal de la 4C. Mais si ces remarques ne feront que conforter les “Porschistes” que rien ne vaut une Allemande, ils ne resteront que futiles détails pour les passionnés d’Italiennes ou d’Anglaises.
La direzione de la macchina ?
Le moment est venu de laisser la 4C s’exprimer autrement que par sa plastique. Un coup de démarreur plus tard, le 1750cm3 s’éveille dans un feulement rauque. Bravo Alfa pour la ligne d’échappement. Ce moteur m’avait déjà ému par sa voix dans la Giulietta, pouvoir en profiter cheveux aux vent promet de grands moments. La qualité de la boite robotisée TCT m’inquiétait car je l’avais trouvée un peu trop soft dans la Giulietta. En mode automatique elle manque encore d’intelligence : quel que soit le mode de conduite adopté, elle garde la première engagée jusqu’à près de 4 000 trs/min, ce qui vous rangera automatiquement dans la catégorie des kékés en ville. Au-delà, elle est plus raisonnable mais ne joue clairement pas la partition de la sportivité. Heureusement les choses s’améliorent en mode manuel. Dans ces conditions elle se montre rapide (suffisamment), obéissante et ne prends pas d’initiatives malheureuses. En termes de performances, les 240ch et 350Nm du 4 cylindres font le boulot avec 4.5 secondes pour abattre le 0 à 100 km/h. cependant s’il est vocal et volontaire, ce moteur manque un peu d’allonge pour devenir totalement culte.
La bonne surprise qui apparait rapidement provient de la qualité de suspension. Alors que je m’attendais à un “bout de bois”, je trouve la 4C étonnement confortable et bien amortie. Les irrégularités de la route sont bien filtrées et pourtant l’auto ne paraît pas molle et garde une assiette bien stable dans les changements de rythme.
Malheureusement j’arrive là au bout de ma liste de qualités sur l’auto. Vient désormais le moment de dévoiler le côté obscur de la 4C Spider. Et comme de nombreux essayeurs l’ont déjà fait remarquer avant moi, il s’agit principalement de la direction. Déjà que la prise en main du volant n’était pas idéale, le ressenti dynamique est proche de la catastrophe. Dès que vous sortez d’une route au revêtement parfait, cette direction semble prise de crises d’épilepsie. En ligne droite je passe mon temps à corriger au volant des écarts qui me semblent totalement aléatoires. Initialement j’ai bien cru que c’était le profil des pneus qui avaient tendance à trop suivre la route, mais assez rapidement je me suis fait la conviction que ce n’était pas l’explication. Alors j’ai jeté un œil sous l’auto avec un ami mécanicien et voici une théorie sur l’explication de ce gros défaut.
La double triangulation du train avant est assez classique sur ce type d’auto, c’est le même que sur l’Elise par exemple. Mais étrangement les triangles en question me semblent plus fins sur l’Alfa Romeo que sur ma Lotus (!) qui accuse pourtant 20 ans de plus en conception, au moins 200 kg de moins et des pneus plus fins. Serait-il possible que cette finesse relative des éléments de suspension soit la cause de déformations des triangles lorsque la voiture est en mouvement ? Cependant une autre hypothèse se fait jour qui pourraient s’ajouter à cette première théorie. Et si la coque carbone, aux points d’ancrage de la suspension, était un peu trop fine. Se pourrait-il alors qu’elle se déforme aussi sous la contrainte ? Dans ces conditions on pourrait penser que lors des phases de réglage de l’auto les ingénieurs auraient tenté de remédier à ce problème. En rigidifiant artificiellement la coque à l’endroit incriminé via des pattes en acier ? C’est justement ce que l’on peut voir aux pieds des occupants de l’auto : deux pattes reliant les attaches de suspension. Vous me direz que ce n’est pas une preuve et je vous l’accorde. Cependant si ces pièces avaient été planifiées dès le début, n’était-il pas envisageable de mieux les intégrer en réalisant une encoche à leur effet au moment de mouler la coque carbone ? En l’état elles semblent rajoutées à l’emporte-pièce, ce qui jure dans cet environnement très technologique.
Dernier élément venant étayer cette théorie du complot directionnel. La 4C pâtis depuis sa sortie de ce problème de direction. S’il était simple à solutionner (par exemple en augmentant la section des triangles ou en revoyant la géométrie) pourquoi cela n’a-t-il pas été fait ? La voiture aurait ainsi gommé sa plus grosse tare à moindre frais. Par contre s’il s’agit de repenser l’ingénierie de la coque carbone, on peut aisément imaginer que les coûts d’une telle modification auraient le plus grand mal a être amortis au vu de la faible diffusion de l’auto.
Mais trêve de suppositions hasardeuses, il n’en demeure pas moins que cette direction gâche le plaisir de conduire l’auto. Et pour ne rien arranger la démultiplication trop grande n’est pas adaptée à la philosophie de l’auto. C’est d’autant plus regrettable dans ces conditions d’avoir équipé l’Alfa d’un volant à méplat car on se retrouve régulièrement à empoigner cette partie de la jante, ce qui n’est pas forcément très agréable.
Ces problèmes de direction font passer au second plan l’autre défaut de la 4C : le ressenti étrange de la pédale de freins. Cette dernière bénéficie d’une course très courte et semble inspirée du système des Citroën DS originelles. J’ai l’impression de pousser sur le plancher pour freiner. Perturbant. Certes pas inefficace mais perturbant.
Au fil des kilomètres j’adapte ma conduite aux qualités et défauts de l’auto. Alors que son physique pousserait à la conduire comme une sportive affûtée, c’est en adoptant un rythme de conduite plus tranquille que l’on profite le mieux de la 4C. En ville par exemple, en profitant de chaque mur pour renvoyer le grondement du moteur. Ou bien sur une nationale bien large pour faire une accélération lyrique. La 4C apparaît donc étrangement plus à l’aise dans un rôle de GT ou de voiture de poseur que dans un rôle de bouffeuse de “routavirages”.
Comme je l’indiquais en début d’article, je suis totalement sous le charme de cette italienne, au point que je me demandais avant cet essai si elle pourrait un jour remplacer mon Elise adorée ? La réponse est sans ambiguïté : Non.
La Lotus procure autant de plaisir visuel que sensoriel dès que j’en prends le volant. La direction de l’Alfa Romeo l’empêche d’accéder à ce statut de mythe à mon sens. Cependant il reste plein de bonnes raisons de craquer. Au premier lieu pour sa ligne, magnifique et spectaculaire. Ensuite car elle est déjà collector. De par sa faible diffusion autant que par le parti-pris technique de la coque carbone. C’est un placement à long terme. Enfin parce que si votre utilisation d’une telle auto se limite à ce qu’elle sait (bien) faire, alors il ne vous reste aucune raison de ne pas craquer.
Suffit-il d’un seul et unique défaut pour faire d’une auto un raté ? Je ne pense pas. La 4C Spider a de nombreux atouts à faire valoir et elle reste un formidable vecteur d’image pour la marque au trèfle. Cependant il y a fort à parier que ses jours sont comptés car la nouvelle Giulia QV, forte d’un retour presse globalement très positif pourrait rapidement rendre obsolète l’intérêt de faire évoluer une seconde voiture de niche dans la gamme. Alors si vous n’êtes pas un adepte de l’attaque à outrance, il serait dommage de vous priver de l’une des plus belles autos de ces vingt dernières années. Si vous ne le faites pas pour vous, faites-le pour les autres.
Crédit photos @ Philippe Lagrange
Si vous passez un jour par Clermont-Ferrand, venez essayer la mienne.
Finalement l’Alfa 4C c’est vraiment comme une Lotus. Il faut juste finir la voiture une fois achetée. 🙂
En tout cas c’est une bonne nouvelle, je serais curieux d’essayer une auto avec cette modification.
J’ai effectué la modification citée ci-dessous par humbert sur mon 4C Spider.
Il s’agit de changer des cales entre la caisse et les triangles. Cela modifie l’angle de chasse.
C’est spectaculaire! Le défaut du train avant disparait et l’auto devient très agréable à conduire (vite…) sur routes dégradées.
Dommage qu’Alfa ai bâclé cette mise au point du train avant… Car pour le reste, cette auto est fantastique.
D’accord avec vous pour le volant à méplat et le manque de maintient des sièges.
…et pour en finir, je ne trouve pas la direction si problématique, mais j’ai plus de mal avec le confort de suspension, d’accord avec vous pour les sièges.
jolies photos, pour le souci de direction, oubliez votre théorie, il ne s’agit que d’une mise au point bâclée, un préparateur anglais, en modifiant chasse et carrossage, a fait disparaître le problème. Essai ici du résultat : http://www.topgear.com/car-reviews/4c/first-drive