23 Hypercars prêtes à en découdre durant 24h à un rythme effréné dans des conditions météorologiques parfois dantesques. Tout portait à croire que ce serait une hécatombe et que seulement quelques valeureux guerriers pourraient voir le drapeau à damiers. Il n’en fut rien ! Les progrès techniques des voitures associés à la dextérité des pilotes nous ont offert une édition 2024 des 24h du Mans particulièrement serrée et indécise jusque dans les dernières minutes !
Souvenez vous, Juin 2022… Seulement 5 hypercars au départ d’une course où le doublé Toyota était inéluctable face à des Alpine et Glickenhaus aux moyens bien plus limités. Puis vint l’avènement de cette nouvelle réglementation Hypercar. Avec 16 participants l’an dernier et une victoire de Ferrari pour l’édition du Centenaire (lire nos articles ici), l’Endurance semblait renaître de ses cendres.
En 2024, l’arrivée de Lamborghini, BMW et Isotta Fraschini ainsi que d’équipes privées ont largement compensé les départs de Glickenhaus et Vanwall. C’est ainsi que 23 Hypercars, issues de 9 constructeurs différents, vont se livrer à une bataille de tous les instants sous le regard d’un public incroyablement nombreux – 329 000 spectateurs, record battu ! – durant toute la semaine des festivités. Détail du classement en images.
1er – Ferrari 499P #50, 311 tours
Il s’en est fallu d’un tour pour que la victoire échappe à Ferrari ! Une portière récalcitrante a obligé l’équipage de la Ferrari #50 à un arrêt intermédiaire la décalant en stratégie carburant vis à vis de ses adversaires. Mais finalement, avec à peine 2% d’énergie disponible, Antonio Fuoco, Nicklas Nielsen, Miguel Molina sont parvenus à rejoindre le drapeau à damiers en vainqueur ! Un an après la victoire de la voiture sœur #51 et après des résultats plutôt décevant en WEC, Ferrari se pose en spécialiste des 24H du Mans, au grand dam de Porsche et Toyota notamment !
2ème – Toyota GR010 Hybrid #7, +14,221 sec
Ils sont partis 23ème et dernier des Hypercars suite à une pénalité reçue pour avoir provoqué un drapeau rouge lors des qualifications. Inlassablement, durant toute la course, la Toyota #7 pilotée par José María López, Kamui Kobayashi et Nyck de Vries ont remonté leurs adversaires un à un avec un excellent rythme et en profitant des mésaventures des uns et des autres. L’histoire aurait pu être encore plus belle avec une victoire mais comme l’an dernier, une Ferrari empêche une Toyota de triompher. Rendez-vous en 2025 !
3ème – Ferrari 499P #51, +36,730 sec
En lice pour la victoire jusqu’au bout, la Ferrari #51 d’Alessandro Pier Guidi, James Calado et Antonio Giovinazzi rêvaient de réaliser un doublé après leur victoire de l’an dernier. Ils se consolent néanmoins avec un beau podium.
4ème – Porsche 963 #6, + 37,897 sec
Désigné comme favori avant l’épreuve, Porsche confirme ce statut avec Kevin Estre, auteur de la pole position jeudi soir. Régulièrement en tête au gré des arrêts aux stands, la toute fin d’épreuve sera moins favorable aux hypercars de Stuttgart. Pourtant, Kevin Estre – encore lui – aura été à l’attaque jusque dans les derniers mètres au volant de la Porsche 963 #6 pour essayer de grimper sur la 3ème marche du podium. Un podium qui échappe au français et à ses coéquipiers André Lotterer et Laurens Vanthoor pour à peine plus d’une seconde. Néanmoins, l’équipage marque de gros points et mène le championnat WEC.
5ème – Toyota GR010 Hybrid #8, +1’02,824
Affichant un rythme très solide à 2h de l’arrivée sur une piste humide, la Toyota #8 est envoyée en tête à queue par la Ferrari #51 avec laquelle elle était à la lutte pour la 2ème place. La Ferrari sera pénalisée mais le mal était fait pour l’équipage nippon qui voit tous ses espoirs de victoire s’envoler dans cette mésaventure. Un accrochage qui a du mal à passer chez Toyota…
6ème – Porsche 963 #5, + 1’45,654
Comme l’ensemble des Porsche 963, la #5 était parfaitement dans le rythme lors de la journée test ou en début de semaine. Mais finalement, ils se sont retrouvés sensiblement dépassés en performances pures par les Ferrari et les Toyota une fois la course lancée.
7ème – Cadillac V-Series #2, +2’34,468
La Cadillac bleue #2 du trio Earl Bamber, Alex Lynn et Alex Palou est régulièrement apparue en tête dans les dernières heures de course à la faveur d’une stratégie décalée. Malheureusement, une ultime averse va remettre tout le monde sur un pied d’égalité au mauvais moment pour la marque américaine. Dommage.
8ème – Porsche 963 #12 “Team Jota”, + 3’02,891
1ère voiture issue d’une écurie privée, la Porsche 963 #12 du Team Jota est une miraculée. Entièrement reconstruite après un crash en qualification, elle n’a effectué que quelques aller/retour sur l’aérodrome du Mans avant de prendre le départ de la course. Voir l’arrivée, sans rencontrer de soucis majeurs de fiabilité, est un bel exploit pour l’écurie !
9ème – Porsche 963 #38 “Team Jota”, + 3’36,756
Ils étaient 9 à finir dans le même tour que le leader, un record pour cette édition des 24h du Mans au plateau très fourni. Le champion du monde de F1 2009 Jenson Button aura reçu un accueil des plus chaleureux du public pour sa nouvelle carrière !
10ème – Lamborghini SC63 #19, +2 tours
Youhou, Lamborghini place une voiture dans le top10 pour sa première participation aux 24h du Mans en catégorie reine. Magistral, merveilleux, formidable … Heu oui pardon, je m’emballe mais je suis fan inconditionnel de la marque de Sant’Agata Bolognese !
12ème – Peugeot 9X8 #94, +2 tours
Malgré son nouvel aileron, la 9X8 version « 2024 » n’aura jamais été dans le rythme lors de cette édition. Au contraire, handicapée en début de course par une stratégie maladroite lors des premières averses, les Peugeot se sont rapidement retrouvées à l’arrière et contraintes de mener une course anonyme.
12ème – Peugeot 9X8 #93, +2 tours
Si l’an dernier, la pluie avait mis en valeur les qualités de la 9X8, cela n’a jamais été le cas en 2024. Une prestation d’ensemble décevante pour un modèle qui pouvait compter sur l’expérience de la saison 2023 et qui termine pourtant derrière Lamborghini, nouveau venu dans la catégorie. Saluons toutefois la fiabilité des deux 9X8 qui n’auront pas passé la moindre minute à l’intérieur du box.
13ème – Lamborghini SC63 #63, +2 tours
La fiabilité ayant été démontrée, Lamborghini doit maintenant améliorer la performance de ses SC63 pour pouvoir jouer un rôle dans cette catégorie très disputée. Au passage, Romain Grosjean boucle ses premières 24h du Mans, alors que sa première expérience en 2010 au volant d’une Ford GT s’était soldée par un abandon à la 14ème heure, moteur cassé.
14ème – Isotta Fraschini Typo 6 #11, +7 tours
Voir l’Isotta Fraschini franchir le drapeau à damiers ne peut qu’être salué ! Jean-Karl Vernay, Antonio Serravalle, Carl Wattana Bennett ont fait honneur à la petite structure italienne qui ne s’est pourtant pas facilité la tâche en fabriquant son propre châssis Hypercar. De même, c’est le seul constructeur à proposer une version route de sa Typo 6 dans l’esprit initial du règlement Hypercar. Bravo !
29ème – Cadillac V-Series #311 “Action Express Racing”, +31 tours
Au contraire de ses sœurs #2 et #3, la Cadillac #311 n’aura jamais été aux avant-poste. Finalement, elle n’aura été sous le feu des projecteurs que lors de la sortie de piste de Pipo Derani à Indianapolis le dimanche matin.
45ème – Porsche 963 #99 “Proton”, + 60 tours
Mais pourquoi diable avoir abandonné cette belle livrée « FAT International » qui fait fureur en WEC ? En tout cas cette livrée aux discrets parements verts ne leur a pas porté chance et la Porsche 963 #99 aura passé de très longues heures dans le box pour résoudre de nombreux pépins techniques.
Non classée – BMW M Hybrid #20, +215 tours
BMW perpétue la tradition du constructeur avec les Art Cars, décorée par l’artiste New Yorkaise Julie Mehretu. Avec seulement 96 tours parcourus, les spectateurs n’auront malheureusement pas pu admirer très longtemps cette livrée étonnante…
Abandon 20ème heure – Ferrari 499P “AF Corse” #83
Longtemps à l’avant du peloton et en lice pour la victoire, la Ferrari jaune privée du Team AF Corse n’aura pas eu à rougir de la comparaison avec les voitures sœurs des garages officiels voisins. Après Jota aux 6H de Spa, cela démontre une nouvelle fois que les teams privés ont leur mot à dire dans cette nouvelle ère des hypercars. Un problème de batterie mettra fin à cette belle aventure.
Abandon 19ème heure – Cadillac V-Series #3
Nul n’est prophète en son pays et Sébastien Bourdais ne connaît que trop bien ce célèbre adage. Après un petit instant d’euphorie en fin d’Hyperpole où le manceau réussi un magnifique tour lui offrant provisoirement le meilleur temps, la suite du week-end ne fut pas aussi réjouissante. C’est finalement la mécanique qui décidera de mettre un terme à la course du français et ses coéquipiers Ranger Van Der Zinde et Scott Dixon.
Abandon 18ème heure – Porsche 963 #4
Malgré un rythme très soutenu dès le départ de la course et des conditions de piste souvent compliquées avec la pluie, il n’y aura eu que très peu de sorties de piste éliminatoires. Felipe Nasr ne parviendra pourtant pas à maîtriser un survirage de sa monture au virage d’Indianapolis et sa Porsche 963 #4 viendra s’écraser dans les murs de pneus. Course terminée.
Abandon 7ème heure – BMW M Hybrid #15
La nuit vient de tomber sur Le Mans, la Ferrari #83 alors en tête va prendre un tour à la BMW #15 qui sort des stands avec des pneus froids. La bataille dure plusieurs virages jusqu’au freinage de Mulsanne. Le duo d’hypercar double une Porsche GT3, la Ferrari percute la BMW qui met deux roues dans l’herbe humide. Le pilote ne peut rien faire, l’allemande écrase son museau contre le rail, c’est fini. Robert Kubica sur la Ferrari sera reconnu responsable et pénalisé d’un stop & go de 30 secondes.
Abandon 6ème heure, Alpine A424 #36
Accompagné des français Nicolas Lapierre et Mathieu Vaxivière, Mick Schumacher dispute ses premières 24h du Mans comme son père en 1991. Avec cet abandon rapide, le résultat fut moins glorieux puisque Michael obtint une belle 5ème place ainsi que le meilleur tour en course. Pour autant, il semble que Mick se soit parfaitement adapté à l’état d’esprit de l’endurance, foncièrement différent de celui des pilotes de F1. Le début d’un nouveau chapitre prometteur dans sa carrière ?
Abandon 5ème heure, Alpine A424 #35
Premier engagement aux 24h pour cette nouvelle Alpine A424. Elle est magnifique – la signature lumineuse arrière avec le A fléché est un coup de génie !, elle est rapide – Paul Loup Chatin se qualifiant 5ème lors de l’hyperpole, mais côté fiabilité … c’est un peu la douche froide avec un double abandon – casse moteur – au quart de l’épreuve. Ça fait un peu mauvais genre mais ne doutons pas que l’équipe analysera les causes de cette défaillance pour revenir plus forte l’an prochain !
Safety Car – Porsche 911 Turbo S
La safety car fut l’une des stars de cette édition, notamment car elle emmena le peloton pendant une bonne partie de la nuit entre . Justifié ou pas ? Disons que les voitures modernes – le problème est similaire en F1 – génèrent de telles projections que la visibilité devient vite problématique, encore plus de nuit. Et la notion de héros/sportifs mettant leurs vies en danger pour obtenir la victoire n’est plus vraiment dans l’air du temps.
Sport ou Spectacle … l’heure du choix ?
9 voitures dans le même tour à l’issue des 24h c’est inédit ! Ceci est la conséquence directe d’une BOP – Balande Of Performance – particulièrement efficace pour niveler les performances entres les différentes Hypercars et de la nouvelle procédure de Safety Car regroupant tous les protagonistes encore dans le même tour. Des aspect purement réglementaires qui nous ont offert une course vraiment indécise jusque dans les dernières minutes. L’immense majorité des spectateurs et téléspectateurs semblaient conquis alors que du côté de John Elkann – PDG de Ferrari – on ne cache pas sa volonté de voir la BOP complètement disparaître ! Est-ce que le spectacle a pris le pas sur le sport ? Le débat est ouvert alors que le nombre de tours parcourus par les vainqueurs en 2023 et 2024 n’aura jamais été aussi faible durant ces 20 dernières années !
Un grand Merci à Raphaël Dauvergne (@Raphcars) qui nous a fourni ces belles images pour illustrer nos articles concernant les 24H du Mans 2024. Il a fini trempé, fatigué … mais ça en valait vraiment la peine. Bravo !